Siemens-Alstom : ce que les consultants disent du rapprochement
Trains rapides, trains régionaux, trams, signalisation… le mariage entre Alstom – régulièrement conseillé par le BCG et OC&C en France – et Siemens annoncé mardi 26 septembre sera scellé au cours du second semestre 2018. À lire le mémorandum paraphé, les synergies franco-allemandes sont évidentes et le positionnement du nouvel ensemble est beaucoup plus pertinent que si chacun avait fait cavalier seul. Des noces à ce point idéales ? Consultor a posé la question à plusieurs consultants en stratégie, spécialistes du rail et des transports.
« C’est une évidence : c’est la meilleure réponse à la concurrence chinoise de CRCC [China Railway Construction Corporation, issue de la fusion en 2014 entre China North Locomotive et China South Locomotive, NDLR], un groupe dont le gros de l’activité est encore chinois. Mais son développement international va s’accélérer. Dans ce contexte, l’intérêt français est de pouvoir répondre aux défis de R&D et technologiques. C’est en le gagnant que l’emploi sera conservé et développé », glisse l’un d’eux, sous couvert d’anonymat.
Deux autres consultants ont accepté de répondre aux questions de Consultor sur ce rapprochement : Michel Zarka, une figure du conseil aux dirigeants (ancien CEO France d’Oliver Wyman Delta), fondateur de Theano Advisors, et Grégory Gautheron, monsieur transport terrestre chez PMP, cabinet actif auprès de la SNCF, du STIF ou du ministère des Transports en France.
Un mariage franco-allemand dans le rail : le coup est-il bien joué ?
Michel Zarka : Sur le principe, ce n’est pas idiot. Mais quant à savoir si le rapprochement ouvre la porte à une meilleure position concurrentielle vis-à-vis des Chinois notamment, la réponse est plus dure à déterminer. La compétition à laquelle le nouveau groupe devra s'atteler portera sur les bases de coûts en France et en Allemagne, sur l’implantation internationale, sur les technologies telles que les modes de traction ou les trains autonomes… Pas sûr que le rapprochement suffira à rendre le nouveau groupe compétitif sur tous ces sujets. Aux États-Unis, par exemple, de rudes compétitions auront lieu entre CRCC, Bombardier et Siemens-Alstom. Il n’y aura aucun cadeau.
Alstom avait-il le choix ?
Grégory Gautheron : Seul, le groupe français génère 6 à 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, quand le Chinois CRCC en fait 30 à 40 milliards. En outre, malgré le dynamisme de la demande mondiale et quelques beaux contrats remportés ces dernières années par Alstom, le groupe français doit faire face à l’atonie de son marché domestique, l’État et les Régions tardant dans la conversion d’options d’achats de matériel roulant.
Des pans entiers d’activités sont les mêmes chez Siemens et Alstom : les synergies seront-elles aussi aisées que ce qui a été annoncé ?
Grégory Gautheron : Ce n’est peut-être pas sur le matériel roulant que le rapprochement sera le plus intéressant mais sur la signalisation. Tout ce qui permet aux trains de rouler en sécurité sur les voies, mais aussi via les systèmes d’information. D’autant plus que ce sont des technologies qui peuvent être installées sur tous les réseaux du monde. À ce niveau, Siemens-Alstom prend un temps d’avance.
Siemens contrôlera 50,6 % du capital du nouvel ensemble et désignera six des onze membres du futur conseil d'administration. La partie est-elle jouée côté allemand ?
Michel Zarka : Au-delà de la présidence exécutive de l’attelage Siemens-Alstom qui est confiée à un Français [Henri Poupart-Lafarge, NDLR], tout va dépendre de la gouvernance choisie par les Allemands. Regardez le mariage TechnipFMC [groupes français et américain parapétroliers, NDLR], c’est un Français qui dirige, mais, en dessous dans le reste de l’organigramme, il n’y a plus un seul Français. Et c’est leur droit le plus absolu.
Grégory Gautheron : Chez Air France-KLM, la compagnie hollandaise demeure très forte dans le groupe aérien et ne s’est pas fait avaler comme un souffle. Si on regarde le sort des entreprises françaises passées récemment sous pavillon étranger (Lafarge absorbé par Holcim, Alcatel par Lucent…), Alstom devra rester vigilant quand, dans 4 ans, Siemens pourra monter au-delà de 50,5% du capital de l’ensemble…
Quel a été le rôle des consultants dans le rapprochement ?
Michel Zarka : Nombre de banques d’affaires et de cabinets de conseil en stratégie ont été associés, ne serait-ce que pour les due diligences. Les groupes de cette taille ont l’habitude de travailler avec de très grands cabinets. À tel point que parfois on ne sait plus si ce sont les cabinets ou le management qui décident. Les signatures prestigieuses sont nécessaires pour pouvoir justifier des décisions devant le conseil d’administration.
Benjamin Polle pour Consultor.fr
Un tuyau intéressant à partager ?
Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !
commentaires (1)
citer
signaler
transports - tourisme
- 11/12/24
La décision émane de Dieter Vranckx, membre du comex du groupe aérien allemand depuis juillet 2024. Les dépenses de conseil de la division concernée, Global Markets & Commercial Management Hubs, s’élèveraient à plusieurs dizaines de millions d’euros.
- 18/10/24
Selon le quotidien arabophone Alqabas citant des sources officielles, le contrat remporté par Oliver Wyman s’élève à 1,5 million de dollars.
- 21/08/24
KiwiRail aurait confié un contrat de plus de 8 M$ à McKinsey alors que l’entreprise publique connaît des difficultés financières. Le gouvernement n’exclut pas sa privatisation.
- 07/08/24
Bain avait été missionné pour évaluer un nouveau système de marketing des ventes qui a abouti à une baisse de la clientèle d’affaires de la compagnie aérienne.
- 01/08/24
Avec des prévisions inégalées de passagers pour 2024, le secteur du transport aérien affiche de belles perspectives. Mais les acteurs sont-ils prêts à faire face à l’afflux toujours plus massif de passagers ? Et ce, dans une nécessaire transformation d’offre de transport aérien durable. La vision de consultants dédiés, Lionel Chapelet, associé, et Sébastien Charbonnel, senior manager chez PMP Strategy, et Michel Zarka, ex-partner d’Oliver Wyman et d’Eight Advisory, à la tête aujourd’hui d’Aluzia Partners, son cabinet spécialisé Orga/Transfo.
- 01/08/24
Il s’agit d’une première pour l’Irak en matière de conseil financier et économique dans le cadre des projets stratégiques du gouvernement.
- 13/06/24
Des consultants du BCG ont été reçus par les responsables de l’ASMEX (Association marocaine des Exportateurs) dans le cadre d’une étude visant à constituer un pavillon marocain compétitif.
- 17/05/24
Alix Boulnois, 38 ans, DG du digital et membre du comex d’Accor depuis plus d’un an, 4 ans chez McKinsey, 8 ans chez Amazon, semble surfer professionnellement assez naturellement au gré de « belles rencontres ». Une chose est sure, l’ex-consultante devenue experte du digital ne transige pas sur un point. Cette mère de 3 enfants en bas âge sait mener à la fois sa barque pro et perso.
- 13/05/24
Le concessionnaire du Tunnel sous la Manche, Getlink, recrute Julie Bagur, ancienne manager de McKinsey, chez Saint-Gobain depuis 2015. Elle vient d’être nommée directrice du développement (en charge des activités et des services innovants) de Getlink, et à ce titre, membre du comex.