Alix Boulnois, Senior VP chez Accor : le conseil, c’est « violent et enrichissant à la fois »
Nommée senior vp produit et innovation chez Accor début 2020, l’ex-McKinsey, Alix Boulnois, a aussi su démontrer ses compétences strat’ chez Amazon.
En douze ans de carrière, la Française a fait de l’expérience client son atout maître.
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Elle a redébarqué en France quelques semaines seulement avant le confinement, en tant que senior vice-présidente en charge du digital et de l’innovation pour le groupe Accor. À 34 ans, Alix Boulnois a une carrière fast-track. Elle a débuté chez McKinsey & Company comme consultante junior en 2008, elle en est partie quatre ans plus tard alors qu’elle était engagement manager, promue ainsi deux fois au cours de sa période McKinsey (la moyenne est une promotion tous les deux à trois ans).
Elle fait alors comme nombre de stratèges qui rejoignent les Gafam en sortie de carrière, à tort ou à raison (relire notre enquête).
Entrée chez Amazon comme responsable des équipes produits et innovation de la catégorie biens de grande consommation en 2012, Alix Boulnois endosse quatre postes en huit ans chez le géant de l’e-commerce.
« J’ai déménagé dix-neuf fois en trente-quatre ans. J’ai un besoin permanent de changement, d’environnement dynamique et une curiosité intellectuelle insatiable. » Cette « bougeotte » et ce goût du challenge vissés au corps proviennent sans nul doute de son environnement familial, son père, ses deux grands-pères et plusieurs de ses oncles ont été militaires ; sa mère a été (entre autres) traductrice pour l’UNESCO.
Le conseil comme « petit boulot »
Après sa classe prépa à Janson de Sailly, Alix Boulnois intègre HEC (promo 2008). Une école qui répondait parfaitement à son « côté touche-à-tout », à son appétence intellectuelle, et à son « goût prononcé pour la structuration-résolution de problèmes ».
C’est en cherchant un petit boulot pour financer ses études qu’elle rentre dans le conseil, chez Gallileo Business Consulting, un cabinet de marketing stratégique et de performance commerciale créé par des anciens de l’ESSEC.
La consultante en herbe y travaille pour trois types de missions : une série de sujets marketing auprès des opticiens, des missions sur le traitement des déchets et des eaux usées, un baromètre du conseil et un audit auprès d’étudiants à destination des DRH. Un déclic.
« À la fin de mes études, j’ai postulé chez McKinsey et quatre autres gros cabinets de conseil en strat’, Bain, BCG, Oliver Wyman et Kearney. McKinsey, qui était mon choix n° 1, a aussi été le premier à me répondre… »
L’expérience McKinsey durant la crise financière mondiale
En 2008, la jeune diplômée de HEC rentre ainsi dans la référence mondiale du secteur, dans son bureau parisien, au lendemain de la chute de Lehman Brothers, « la dernière promo avant un ralentissement du recrutement ». Mais durant les dix-huit premiers mois, la consultante junior dit avoir eu la chance de participer à des missions stratégiques dans la période de crise financière qui a suivi sur des sujets de transformation de banques et projets de services publics. « Le gouvernement avait embarqué des cabinets de conseil dans des missions d’efficacité, de contrôle des coûts, de réorganisation de certaines entités. Par exemple, nous avons travaillé à un projet d’optimisation des tâches au sein d’hôpitaux. » (Relire notre enquête sur quinze ans d'interventions des consultants en stratégie à l’hôpital.)
L’expérience client comme expertise
En 2010, nommée associate, Alix Boulnois s’oriente de plus en plus vers des sujets liés à l’expérience clients. Elle participe, par exemple, au plan stratégique d’un groupe de luxe, qui « souhaitait interagir et vendre beaucoup plus en direct avec ses clients ». Dans la même veine, la consultante accompagne un laboratoire pharmaceutique sur le lancement d’un médicament, une mission axée particulièrement sur la stratégie marketing praticien-patient. Cette période sonne aussi l’arrivée d’un concurrent sur le marché des opérateurs de téléphonie mobile, Free, avec de nouveaux projets visant à accroître la proposition de valeur des acteurs historiques vis-à-vis de leurs clients. Devenue engagement manager en 2011, la consultante a pourtant des fourmis dans les jambes, « en manque de mettre les mains dans le cambouis et de ne pas aller dans l’opérationnalisation des recommandations » –frustration archi classique des consultants. En quatre ans, la consultante McKinsey aura ainsi participé à douze missions et en aura dirigé trois.
Rester dans le conseil, aller dans l’entreprise ? Telle était la question d’alors. Le cabinet McKinsey l’encourage à préparer un MBA de management à la Columbia Business School, une formation classiquement payée par le cabinet (relire notre article dédié ici).
« Ce MBA était l’opportunité de transformer l’essai, soit je revenais avec une expérience beaucoup plus riche pour nos clients, soit je partais vers d’autres horizons. Ce MBA m’offrait par ailleurs la possibilité de travailler pour d’autres entreprises. Amazon me fascinait et c’était une évidence pour moi qu’il y avait beaucoup à apprendre de ce leader pour quiconque s’intéressait au e-commerce et à l’expérience client. » Alix Boulnois commence ainsi par un stage au sein du Gafam dans le cadre de son MBA. Nouveau déclic. La nouvelle diplômée prend la décision de quitter McKinsey et le conseil en stratégie pour intégrer cette entreprise modèle du genre. Amazon l’accueille au siège de Seattle en tant que responsable de l’innovation et du product management pour les biens de grande consommation.
La carte McKinsey fait mouche chez Amazon
Avec la chance d’intégrer « une boîte géniale dans le département le moins mature, Amazon commençait tout juste à vendre des produits de consommation, un vrai champ des possibles pour moi ».
La nouvelle recrue d’Amazon prend ainsi la tête d’une équipe (dix personnes aux États-Unis et plusieurs centaines en Inde) pour travailler sur des innovations telles que les nouveaux services de livraison comme Amazon Pantry (livraison des courses de la semaine, service fermé le 30 juin 2020) et Amazon Prime Now (livraison rapide en une à deux heures), le programme d’abonnement Économiser en vous abonnant, ou encore le Dash Button (bouton de raccourci permettant de commander instantanément un produit).
De l’expérience client sur tous les fronts pour l’ancienne consultante projetée directement à un poste stratégique. « Mon expérience de gestion de gros projets chez McKinsey me donnait une véritable légitimité en point d’entrée pour ce poste. » Du win-win aussi pour le cabinet qui, avec ces départs, place ses anciens à des postes stratégiques au sein des plus grosses corporations du monde.
Deux ans plus tard, Alix Boulnois a de nouveau la bougeotte et des envies de business au sein d’une entreprise qui « pousse ses collaborateurs à changer de poste tous les deux ans ». Amazon lui lance un challenge dans un segment encore balbutiant, les biens de consommation non alimentaires.
« L’entreprise m’a donné la chance d’une passerelle sur une autre fonction, dans le 2e business en termes d’unités vendues après les livres, le 4e en termes de chiffre d’affaires. » Son profil ++ en strat’ et innovation a fait d’elle la personne idéale à challenger.
Nommée en 2015, la responsable des ventes et du marketing de cette entité arrive à remettre à l’équilibre en dix-huit mois un département largement déficitaire. « En dehors de mon expérience client, mon ancien métier de consultante m’a été très utile pour être agile sur des sujets nouveaux qui m’étaient inconnus, structurer les problèmes, quantifier et activer les bons leviers. »
Fin 2016, pour raisons personnelles, Alix Boulnois souhaite rentrer en France et, hasard ou pas, un poste de responsable des produits grande consommation France d’Amazon se libérait. Une aubaine pour celle qui aime les défis et le mouvement. Objectif : développer les produits grande consommation non alimentaires. Puis, nouveau changement, au bout de deux ans encore : l’ex-consultante prend en 2018 la tête de la nouvelle direction des fournisseurs d’Amazon Europe. « Une super aventure de transformation organisationnelle, humaine, technologique et business. »
L’expérience client chez Accor
Fin 2019, c’est au fil d’une rencontre avec Maud Bailly, ancienne responsable commerciale et digitale du groupe Accor, CEO Southern Europe depuis octobre, qu’une nouvelle aventure s’ouvre à elle. Elle va choisir Accor, 5 000 hôtels dans 110 pays, dont elle est nommée responsable des produits digitaux et de l’innovation. Nouveau défi d’expérience client alors que le groupe hôtelier vit une transformation de son modèle (il a vendu ses hôtels et fonctionne essentiellement en franchise) dans un contexte de crise sanitaire depuis mars dernier. Accor a depuis annoncé la mise en œuvre d’un vaste plan de restructuration.
« Je reviens avec ce que je connais du conseil et des missions de transformation. C’est violent et enrichissant à la fois. La transformation digitale a encore plus de légitimité aujourd’hui. L’innovation technologique doit se mettre au service de cette crise et du monde d’après, c’est un catalyseur dans cette transformation. »
L’ADN du conseil en stratégie
Le conseil en stratégie reste ainsi un fil conducteur pour cette consultante qui a quitté ce secteur il y a maintenant neuf ans. Dans toutes ses équipes, elle a fait appel à des consultants dont elle connaît la valeur. Depuis bientôt un an chez Accor, Alix Boulnois privilégie aussi des missions longues de conseil qui « apportent des expertises ad hoc et aident à porter la transformation ».
L’ex-consultante dit s’être construite professionnellement « en volant des bouts de plusieurs personnalités inspirantes du conseil », qu’elle ne souhaite pourtant pas nommer, par pudeur sans nul doute.
Il y a cette partner « mariée, mère de quatre enfants, qui est un exemple pour moi d’équilibre entre vie pro et perso, qui s’implique aussi beaucoup sur les problématiques de diversité ». Il y a un autre expert avec qui elle entretient une relation de proximité du fait « des années passées avec lui dans sa capacité à toujours prendre du recul lors de situations compliquées, à objectiver les choses, tout en gardant une véritable humanité ».
Il y a, enfin, un de ses boss : « Il a une capacité hors-norme à créer des connexions avec n’importe quel type de personne sur n’importe quel sujet. Il m’avait donné un conseil qui paraît un peu bête, mais qui se révèle essentiel : “Si tu veux que ce projet réussisse, passe la moitié du temps à la machine à café, à écouter, à observer, à t’immerger, avant de sauter dans l’action.” Un conseil auquel je pense très souvent, moi qui suis quelqu’un qui a tendance à plonger vite dans l’action ! »
La patience donc. Un beau défi pour la suite de sa carrière à la vitesse grand V.
Barbara Merle pour Consultor.fr
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