Bain & Co surfe sur la candidature Romney mais à distance de Bain Capital
Mitt Romney, candidat républicain à la présidentielle américaine, est attaqué sur son passé d'investisseur rapace chez Bain Capital.
De la mauvaise presse pour Bain & Co, certes, mais aussi beaucoup de publicité à moindre coût.
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Un ancien Bain président ?
Bain & Co a voulu mettre les choses au clair au sujet d’un alumnus un peu particulier. Le cabinet s’est fendu d’un communiqué pour expliquer que Mitt Romney est en effet un ancien de la maison, mais que Bain & Co n’est pas une compagnie de capital-investissement, mais bien une entreprise de conseil, quoique leader dans le conseil aux entreprises de private equity.
« Mitt Romney a travaillé pour Bain & Company jusqu’à devenir vice-président, avant de partir fonder Bain Capital. Il est revenu de 1990 à 1992 pour relancer le cabinet, restructurer sa dette et le remettre sur les rails de la croissance qui n’est plus démentie depuis vingt ans. Bain & Co et Bain Capital sont deux entreprises distinctes, sans direction ni capitaux communs », écrivait le cabinet.
Un peu plus tôt, c’est Graham Rose, partner à Boston, qui a averti les nouveaux « bainies » recrutés à la Wharton Business School via un mail interne censé donner le cap à défendre en public. « Si nous sommes tous très fiers du parcours de Mitt, la politique de Bain & Co et les règles de financement de campagne aux États-Unis nous interdisent d’apporter un soutien financier à sa candidature. Bien sûr certains employés le font, mais exclusivement à titre personnel et volontaire », écrivait-il. La campagne de Mitt Romney a reçu 123 000 dollars des employés de Bain & Co pour le financement de sa campagne, à comparer aux 2,5 millions de dollars abondés par ses anciens collaborateurs chez Bain Capital.
À Bain & Co Paris, on indique : "une information a été transmise à nos équipes sur les liens entre Mitt Romney et Bain, et Bain Capital." Sans plus.
Parce que le cœur de la polémique est bien situé outre-Atlantique. L’investiture républicaine en poche pour Mitt Romney, la clarification voulue par Bain & Co s’explique par la multiplication des « attack ads », ces spots publicitaires négatifs dont les campagnes politiques américaines raffolent, qui tombent à bras raccourcis sur Mitt Romney, ancien CEO de Bain Capital. Et font donc plus que mauvaise presse à Bain & Co par ricochet. À commencer par la vidéo ci-dessous publiée il y a peu par la campagne de Barack Obama. D'autres sur le même thème sont à venir, a prévenu son staff.
Mais à y regarder par deux fois, Mitt Romney candidat républicain à la présidentielle n'entache pas l'historique du cabinet. Bien au contraire : le réseau Bain prend, d'un coup, la même ampleur que ceux de McKinsey et du BCG, par exemple. Ces derniers sont réputés notamment pour leur très solide réseau d'anciens où ministres et CEO se mélangent en pagaille. Les bénéfices seraient encore plus grands si Romney venait à gagner.
En tout état cause, sa candidature fait parler de Bain, et donne une visibilité à la marque qu'elle n'a pas sinon. Pour preuve les requêtes "Bain Company" tapées sur Google, qui ne se portent jamais aussi bien que lorsque leur ancien partner fait campagne. Ci-dessous, les requêtes "Bain Company" en bleu, sont à comparer à celles de "McKinsey" en rouge et "BCG" en orange, en 2008 et en 2012 tout particulièrement.
Sept ans chez Bain & Co, Quinze ans chez Bain Capital
En réalité, le fils de George Romney, qui fut lui-même gouverneur du Michigan entre 1963 et 1969, candidat républicain à l’élection présidentielle de 1968 et ancien patron d’American Motors, challenger de Chrysler, General Motors et Ford, n’est resté que sept années dans le conseil en stratégie.
Courtisé par le BCG dès qu’il commence le double diplôme des Harvard Law et Business Schools, il intègre le cabinet en 1975. Puis de 1977 à 1983, il poursuit avec Bill Bain qui l’a prié de rejoindre Bain & Co, le cabinet créé à son nom quatre ans plus tôt. Romney s’approprie le « Bain Way » à merveille : un client par secteur auquel le cabinet se consacre exclusivement. Il a pour clients Mosanto ; le fabricant de moteurs pour bateaux Outboard Marine Corporation ; les Industries Burlington ou le spécialiste du verre et de la céramique, Corning. Il devient très vite partner.
Avec Bain Capital, a contrario, l’idée est d’investir dans le capital des sociétés en difficulté, d’y insuffler l’expertise en conseil de Bain &Co, et in fine, de les revendre avec pertes et profits. Le nouveau bébé est confié par Bill Bain au « fast tracker » Romney, âgé alors de 36 ans.
Il y restera quinze ans et en tire une fortune colossale – estimée à 230 millions de dollars par Forbes. Un chiffre qui attise les critiques : Bain Capital a compté parmi les pionniers des acquisitions avec effet de levier et a bâti sa fortune sur le dos de plans sociaux à répétition. Les retours sur investissement exigés par le bailleur de fonds chez Dade Behring, un fournisseur d’appareillage de diagnostic médical racheté depuis par Siemens ; chez KB Toys, une chaîne américaine de vente de jouets ; chez AmPad ou chez GST Steel, parmi d’autres, ont forcé les entreprises au dépôt de bilan et à des licenciements massifs.
Romney, lui, préfère citer à l’envi le cas de Staples, le revendeur de fournitures de bureau. En 1986, Bain Capital y investit 650 000 dollars – l’un des premiers gros coups de Romney – et récupère, trois ans plus tard, treize millions. Depuis, le réseau compte 2100 magasins contre 24 à l’époque, et 89000 employés contre 1000 au moment de l’investissement.
Au total, Mitt Romney s’est occupé d’une centaine de deals, dont seul un gros tiers n’ont pas été rentables, indique un rapport de la Deutsche Bank sur son parcours.
Benjamin Polle pour Consultor, portail du conseil en stratégie- 05/06/2012
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