Ce que Deloitte veut faire de Monitor en France
Les 40 consultants français de Monitor - sous réserve de leur accord individuel - rejoindront les 480 consultants français de Deloitte, dès que le rachat sera finalisé, indique à Consultor une source proche de la fusion.
L'auditeur entend utiliser cette marque, dont il va garder le nom, pour se faire une place dans le secteur du conseil en stratégie. Objectif : faire croître les parts de marché à un rythme supérieur à celui de toutes les marques historiques.
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Deloitte - Monitor : rien de finalisé avant janvier 2013
Deloitte Touche Tohmastu Limited (DTT) a l'intention de développer significativement ses activités de conseil en stratégie. Le consulting pèse déjà pour un quart de son activité mondiale. S'y mélangent des prestations en stratégie et en opération, dans le domaine des ressources humaines et des technologies.
DTT se décrit comme un acteur majeur de la transformation opérationnelle des activités des entreprises, et juge à ce titre très complémentaire de se développer en amont : sur le segment de la conception stratégique. C'est l'analyse qui est livrée à Consultor par une personne très au fait de l'avancement du rapprochement entre les deux entreprises.
La fusion post acquisition est en route, mais ne pourra aller plus vite que le transfert des actifs de Monitor à Deloitte, placé sous l'autorité d'un tribunal de commerce (bankruptcy court) dans le Delaware (États-Unis). Rien ne sera finalisé avant janvier 2013 au plus tôt. Le gros de la manœuvre est conduit outre-Atlantique, même si l'ensemble du conseil d'administration mondial du cabinet a été tenu informé des tractations en cours et sur la manière de les mener à bon port.
Les 40 consultants Monitor rejoindraient les 480 consultants Deloitte
En France, 5 à 10% des activités de conseil de Deloitte concernent du conseil en stratégie adressé à des directions générales. Au 31 mai 2012, la branche audit et conseil de Deloitte France (6 800 employés) affiche un chiffre d'affaires de 500 millions d'euros.
Le département conseil de Deloitte, lui, s'appuie sur 480 consultants qui seront rejoints par les 40 consultants Monitor, s'ils donnent leur accord. C'est le chemin qui semble déjà être pris à Boston, au siège de Monitor. Dans une lettre à l'État du Massachusetts, en date du 9 novembre 2012, Monitor indique qu'il se séparera des 235 employés (dont 85 consultants) du site de Boston. "Deloitte a déjà fait des offres de réembauche à la plupart de ces employés", indique la lettre dont le Boston Globe a pris connaissance.
Monitor sera le fer de lance de l'ambition de Deloitte qui est de développer ses parts de marché dans le conseil en stratégie plus vite que la moyenne du marché. Monitor servira à cet effet de carte de visite auprès des dirigeants d'entreprise. Monitor jouera aussi un rôle de caution pour pallier le manque de crédit dont souffre un gros cabinet d'audit sur des sujets liés à l'innovation et au développement de gros business models, alors même que ses clients l'attendent sur ces thématiques. Les grands groupes, comme des entreprises de taille intermédiaire, demandent à leur auditeur de comprendre les enjeux qui sont liés à l'évolution de leur métier et de saisir leur stratégie. C'est la raison pour laquelle la nouvelle de ce rapprochement a été chaleureusement accueillie parmi les clients habituellement audités par Deloitte, dit-on à Consultor.
La marque Monitor sera conservée au sein du réseau Deloitte
La marque Monitor sera à ce titre précieusement conservée en France. L'idée est de donner plus de moyens aux 40 anciens consultants Monitor pour faire rayonner davantage leur savoir-faire, notamment auprès des grands comptes de Deloitte France (dont le rapport sur la transparence 2012 donne une liste exhaustive). Et de répliquer la notoriété internationale acquise par Monitor dans l'industrie pharmaceutique, en France, dans les domaines des biens de consommation, de la banque et du secteur public par exemple.
40 consultants Monitor au milieu de 480 Deloitte : n'est-ce pas la garantie que les compétences et la culture d'un cabinet de conseil en stratégie comme Monitor, dont la valeur ajoutée réside essentiellement dans son capital humain et intellectuel, iront à vau-l'eau au bout de quelques mois à peine ? Au contraire, nous est-il dit, c'est la preuve que Deloitte connaît le conseil et sait y faire.
Reste à juger sur pièce. "Des tentatives similaires de rapprochement entre l'un des Big Four de l'audit (DTT avec PricewaterhouseCoopers, Ernst & Young et KPMG) se sont toujours heurtées au souhait des cabinets d'audit d'acquérir une marque qui va propulser leur centre de gravité d'auditeur sur le marché du conseil en stratégie ; sans quoi leur crédibilité d'ensemble auprès de la clientèle de ce marché n'en sort pas assez grandie. Ce qui implique d'intégrer des ressources très qualifiées. Ces deux mouvements ne s'accordent pas : une marque suffisamment importante pour élargir le cœur de métier d'un cabinet d'audit vient avec un bataillon de personnel accoutumé à sa culture et ses manières de faire qu'il est extrêmement difficile de fondre dans la masse", note Fiona Czerniawska, directrice du centre de recherche londonien sur le conseil SourceForConsulting.
Le contexte réglementaire n'interdit pas l'hypothèse d'autres rachats
D'autres rachats ne seraient pas à exclure, anticipe notre contact. Pour la raison logique que l'équation économique qu'ont à résoudre d'autres cabinets de la taille de celui de Monitor est de plus en plus compliquée. Comment tenir des niveaux de rémunération très élevés et standardisés dans la profession quand le panel des services proposés n'a cessé de s'élargir à des prestations (développement de clientèle, choix des marchés, refonte des modèles économiques) qu'il n'est pas possible de facturer aussi cher que la bonne vieille et rutilante stratégie d'entreprise ?
L'adossement à des cabinets d'audit de la taille de Deloitte deviendrait alors inévitable. Et presque sensé : l'élargissement du cœur de métier des marques historiques du conseil en stratégie vers des prestations plus opérationnelles, les rapproche d'autant des départements de conseil des grands cabinets d'audit. CQFD.
Côté réglementaire, une séparation drastique des activités d'audit et de conseil n'est plus redoutée de la proposition de directive remise par le commissaire européen au marché intérieur et aux services, Michel Barnier, le 30 novembre 2011.
Dans une interview accordée au Irish Times (23/11/2012), transmise à Consultor par le cabinet de Michel Barnier, ce dernier indique que "pour des raisons évidentes, il existe des risques à ce que la même société d'audit s'occupe des comptes d'une même société depuis 50, voire 100 ans dans certains cas. Quel est le degré d'indépendance d'un auditeur lorsqu'il a entre les mains les comptes d'une entreprise cliente depuis des décennies ? Quel est le degré d'indépendance d'un audit quand d'autres intérêts commerciaux sont mêlés et que l'auditeur doit attester de la régularité de travaux d'autres natures réalisés eux aussi par la société qui l'emploie. Plusieurs prestations qui ne relèvent pas du contrôle des comptes devraient être interdites aux cabinets d'audit, en particulier le conseil fiscal."
Lors de la remise du projet de directive, la Commission européenne notait que "les grandes sociétés d’audit devront séparer leurs activités d’audit de leurs autres activités pour éviter tout risque de conflit d’intérêts", les cabinets d'audit, dont Deloitte, n'attendent aucun vote sur le texte avant le premier semestre 2013. D'ici là, le champ est libre.
Par Benjamin Polle pour Consultor, portail du conseil en stratégie-23/11/2012
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