Chimie : des mutations porteuses pour le conseil
Actif sur ce secteur depuis plus de vingt ans, le cabinet Advancy annonce 30 milliards de dollars de transactions conseillées dans la chimie ces 18 derniers mois.
Arrêt des chaînes d’approvisionnement et des transports, pénuries et augmentation des prix des matières premières, fermetures des frontières, inflation des prix de l’énergie, ces trois dernières années ont été rudes pour l’industrie chimique, énergivore et très internationale (50 % des exportations sortent de l’UE, 40 % des importations proviennent de pays hors UE). Impactée par la crise du Covid en 2020, l’industrie chimique française était repartie en 2021 avec une croissance de 6 %, sans pour autant retrouver son niveau d’avant crise (à la différence de ses principaux concurrents, l’Allemagne ou l’Italie). C’était sans compter sur la guerre en Ukraine début 2022 qui ouvrait une nouvelle vague inflationniste pour ce secteur, premier consommateur d’énergie, concentrant 33 % des besoins en gaz et 20 % en électricité.
La chimie, « la mère de l’industrie »
Premier secteur industriel exportateur de France (selon le ministère de l’Économie), l’industrie chimique est un secteur-clé de l’industrie française avec ses segments (pétrochimie, chimie minérale, polymères et matériaux, entrants pour la pharma, cosmétique, alimentation) Le marché pèse près de 100 milliards de dollars en 2021 (selon France Chimie), et représente le 2e secteur contributif à la balance commerciale de la France après l’aéro.
« On dit souvent que l’industrie chimique est la mère de toutes les industries. Tous les objets qui nous entourent contiennent des produits issus de la chimie. Notre présence dans les sciences de la vie et la pharma provient de notre expertise ancienne de la chimie. Car nous travaillons sur l’ensemble de la chaîne de valeur », recontextualise Sébastien David, associé-cofondateur d’Advancy, en charge des trois practices BtoB (chimie/décarbonation, sciences de la vie/pharma, construction/industrie).
Chiffres clés 2021 (source France Chimie)
97 milliards d’euros de CA
1er secteur industriel exportateur en France
2e solde industriel : 13 milliards d’euros
2e rang en Europe après l’Allemagne, 7e dans le monde
1,9 milliard d’euros en R&D
221 000 salariés
La chimie, énergivore de conseil
Ce secteur, sur des sujets de private equity et de pure strat’, représente aujourd’hui plus de la moitié de l’activité d’Advancy (le cabinet a réalisé un CA de 65 millions d’euros en 2021, contre 42 millions d’euros un an plus tôt, ici). « Nous sommes présents dans la chimie depuis plus de vingt ans. Notre activité s’est nettement accélérée en 2015, lorsque nous avons été choisis par de grands groupes internationaux comme CVC, Carlyle ou Advent et bien d’autres pour conseiller leurs transactions. Notre croissance est toujours très forte depuis grâce au bouche-à-oreille et notre offre différenciée. Advancy est aujourd’hui le 4e cabinet mondial en termes de conseil en stratégie auprès des grands acteurs de la chimie », assure Sébastien David.
Ce qui fait la force du cabinet français à taille humaine face aux mastodontes du conseil en stratégie ? « Notre façon de faire. Notre approche scientifique des missions est différenciante, et nous permet de faire le lien entre une compréhension profonde des enjeux technologiques et leurs implications sur la compétitivité des entreprises afin de générer des avantages concurrentiels durables pour nos clients. Ce sont aussi vingt-trois années d’expérience accumulées qui nous apportent la connaissance fine du secteur et sa technicité, qui couvre un vaste champ de problématiques stratégiques, des industries les plus lourdes de BtoB aux industries légères et leurs contenus BtoC. »
Advancy travaille par exemple en ce moment pour un grand groupe allemand spécialisé en chimie (BtoB) pour développer son offre d’ingrédients destinés au secteur cosmétique (BtoC). Une mission in extenso d’après Sébastien David qui consiste à la fois à « repenser son portefeuille de produits, à identifier dans quelle technologie investir, ou encore quels types de plantes privilégier ». Autre mission chimie en cours pour le cabinet, un acteur espagnol, l’un des leaders mondiaux des émaux pour carrelages céramiques. « Cette activité est à la fois très énergivore et émettrice de CO2. Nous accompagnons ce client dans sa transformation stratégique et la diminution de son empreinte carbone à dix ans. Une mission pour laquelle nous sommes chargés à la fois de réaliser le diagnostic d’émissions de CO2 et d’identifier les solutions technologiques qui lui permettront d’atteindre son objectif et de réduire considérablement son impact environnemental. Par exemple, passer de fours à gaz aux nouvelles générations de fours. »
Une mutation de fond
Depuis deux ans, les consultants d’Advancy voient parallèlement une croissance notable des missions PE du secteur chimie, auprès des plus grands acteurs mondiaux (Saudi Aramco, Dow, Evonik…) jusqu’aux entreprises familiales très spécialisées. « Nous avons toujours connu des reconfigurations de portefeuille d’activités au sein des grands groupes. Depuis 2020, il y a une tendance à l’accélération du désengagement dans leurs activités cycliques (par exemple la séparation des activités de Solvay ou la cession de la production de Plexiglas par Evonik) pour investir massivement dans la chimie spécialisée dans les matériaux et les ingrédients, plus rentable, plus stable, et en croissance plus forte », atteste le cofondateur d’Advancy, ingénieur de formation. Ainsi de grandes industries chimiques ont d’ores et déjà réorienté leur production : Solvay a scindé ses activités en deux (cycliques et matériaux), Arkema, qui avait cédé son activité Plexiglas, a acquis l’année dernière Ashland, un spécialiste américain des adhésifs, ou le malaisien Petronas avec l’acquisition de Perstorp, lui aussi un chimiste de spécialité.
De nombreuses transactions dans le secteur très porteuses pour le cabinet Advancy : 28 opérations réussies, 30 milliards d’euros de transactions (réalisées) accompagnées en 2021, ce qui représente désormais 40 % de l’activité du cabinet. Advancy a pour exemple accompagné Ardian dans les prises de participation au capital d’Angus et FFP (sciences de la vie), Saint-Gobain dans l’achat de Chryso, puis de Grace Construction Products (chimie de la construction), ou encore le groupe allemand Lanxess dans l’acquisition de DSM, le spécialiste des matériaux d’ingénierie. « Nous sommes de fait le premier cabinet de conseil dans le monde en termes de transactions conseillées dans notre secteur. Notre bureau de New York, ouvert il y a deux ans, spécialisé sur le secteur chimie nous a beaucoup aidés à nous développer en Amérique du Nord sur ces sujets », assure Sébastien David.
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L’Union des Industries Chimiques (UIC) a engagé Advancy pour la création d’un plan de développement de la filière d’ici à 2030.
La décarbonation, l’enjeu de la transfo
La chimie fait battre le cœur de l’industrie, mais elle n’a pourtant pas traditionnellement bonne presse. Elle était effectivement, en 2018, encore responsable de 25 % des émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble de l’industrie, même si ce secteur avait entamé un long processus de verdissement (-63 % d’émissions depuis 1990). En mai 2021, Barbara Pompili, alors ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, alors ministre déléguée auprès du ministre de l’Economie, chargée de l’Industrie, et le comité stratégique de la filière chimie-matériaux avaient publié la feuille de route de décarbonation du secteur : baisser de 26 % ses émissions en 2030 par rapport à 2015. Des objectifs soutenus par le gouvernement dans le cadre du Plan de relance (près de 200 projets accompagnés, pour plus de 2,7 milliards d’euros d’investissement) qui a permis de faire croître les nécessaires investissements du secteur de 22 % par rapport à 2020.
Car la décarbonation est bien le grand sujet du futur du secteur de la chimie, secteur qui a dépensé l’année dernière près de deux milliards d’euros en R&D. La preuve, Advancy a adjoint le terme décarbonation au nom de sa practice initiale de la chimie « L’actualité nous démontre que la chimie aurait dû aller plus vite dans la décarbonation. Il y a plusieurs défis : diminuer les sources d’énergie, développer la circularité, valoriser le C02. C’est par exemple penser au recyclage des produits dès leur conception. Tout cela s’inscrit dans le cadre global de l’ESG, où le secteur doit repenser les produits chimiques dangereux et lutter contre la pollution des sites industriels. Il y a également les avatars de la décarbonation, comme l’électrification des modes de transport. Nous vivons la 4e révolution industrielle qui est environnementale et sociétale et c’est grâce à elle que les sciences de la vie existent », complète l’associé d’Advancy. Pour faire face à ces défis majeurs, le cabinet a mis en place il y a deux ans une offre complète de stratégie ESG, déclinée pour le secteur chimie : de la mesure/reporting des émissions de carbone avec Traace (nouvelle tech créée par deux anciens d’Advancy dédiée à l’empreinte carbone des entreprises, relire ici) à la mise en place de modèles d’affaires basés sur la circularité.
La chimie verte, l’avenir du secteur ?
La transformation totale de l’industrie chimique, en cours via la décarbonation, serait, en effet, une aubaine pour le secteur, aux yeux de Sébastien David. « Cela permet de créer un avantage concurrentiel qu’il soit relatif à la technologie ou au modèle d’affaires. Et cela est possible pour les grandes entreprises qui ont les moyens d’investir comme pour les plus petites. Ces dernières sont plutôt en aval du secteur, dans la chimie de spécialité/d’ingrédients, moins gourmand en capitaux. L’Europe leur offre un cadre très propice leur décarbonation. L’accès à des financements privés est aussi possible, notamment avec notre partenaire Perfesco, filiale d’EDF. Et enfin, elles sont plus agiles dans leur capacité de transformation de leur portefeuille au sein même de leur territoire. » Une perspective presque idyllique… Reste à voir qui seront les véritables gagnants et perdants de cette profonde mutation.
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