« Dans le conseil, on côtoie des gens pas marrants. Je n’ai pas voulu ça pour Cepton » Jean Reboullet

Devenu senior advisor de Cepton en janvier 2024 après avoir fondé et piloté le cabinet durant 17 ans, Jean Reboullet vibre toujours autant pour le conseil en stratégie... et l'exprime dans ses mots.

Lydie Lacroix
20 Sep. 2024 à 12:00
« Dans le conseil, on côtoie des gens pas marrants. Je n’ai pas voulu ça pour Cepton » Jean Reboullet
© Jean Reboullet

Diplômé d’ISAE-SUPAERO en 1985, Jean Reboullet aurait logiquement dû voler vers un horizon professionnel dans l’aéro. S’il l’a fait brièvement, c’est pourtant une autre industrie – santé/pharma – qu’il a accompagnée dans la durée.

Du conseil en stratégie, rien que du conseil en stratégie

Après son service militaire « comme scientifique du contingent à l’Aérospatiale » (devenue Airbus par la suite), on propose à Jean Reboullet « un job intéressant à la division Missiles et Espace basée aux Mureaux». Mais il ne se projette pas dans une carrière d’ingénieur – bien que son père l’ait été avant lui.

Au bout de 2 ans, direction donc le conseil en stratégie « pour être au cœur du réacteur de la direction générale ». À la fin des années 1980, les écoles d’ingés forment très peu à l’économie. Il atterrit néanmoins chez Touche Ross-Braxton devenu Deloitte-Braxton, « une vraie boîte de conseil en stratégie ». Mais pas un pure player… En 1990, il rejoint donc Arthur D. Little.

« À l’époque, sur le marché français il y avait McKinsey et ses 20 à 30 consultants, le BCG – idem – et ADL, à peu près pareil. Kearney n’existait pas, Roland Berger ne s’était pas encore développé à Paris… Il y avait Bossard Consultants en revanche, ensuite racheté par Capgemini, et Mars & Co ».

Chez Arthur D. Little où il s’est beaucoup plu, il travaille dans l’industrie – parce qu’il connaît l’aéronautique, « les grands projets » et qu’il dispose d’un ancrage technique « dans l’électronique professionnelle, la défense, l’automobile et la métallurgie ». C’est aussi chez ADL que Jean Reboullet commence à accompagner les fonds d’investissement. « C’était le démarrage du private equity avec des fonds désormais très connus comme LBO France. »

Quant aux missions dans le secteur pharmaceutique, il les débute en 1995 et réalise très vite qu’il y a « beaucoup de choses à apporter quand on vient de l’industrie ». En effet, cette dernière avait selon lui « un coup d’avance en matière de management ou d’optimisation de la performance, par rapport à la pharma ».

Si son expérience chez A.T. Kearney ne lui plaît « pas du tout » – les missions Achats ou Réduction des coûts « n’étant pas sa tasse de thé » –, il y apprend beaucoup, y rencontre des collègues de qualité ainsi que des clients qu’il retrouvera par la suite, nouant « des amitiés pour la vie ». Deux ans plus tard, en 1999, il s’arrime à Roland Berger où il dirige la practice Process industries (Chimie, Métallurgie, Pharma) et développe le private equity.

Un petit tour chez Schlumberger Business Consulting – pour rejoindre son fondateur, Antoine Rostand, un ancien camarade de Kearney – et son aventure entrepreneuriale va commencer.

2006, année du lancement de Cepton sur le marché du conseil en strat

Jean Reboullet crée son propre cabinet avec Michaël Müller, rencontré durant ces années Roland Berger. Cepton va se développer « petit à petit », de façon organique : il n’y a jamais eu d’acquisition. Et comme il est compliqué « d’être bon partout quand on est petit » et que par ailleurs le conseil en stratégie est un conseil « de spécialité », Jean Reboullet décide que son cabinet se consacrera exclusivement au secteur santé/pharma.

« J’aurais pu choisir l’automobile, la chimie ou la métallurgie, mais j’ai opté pour la pharmacie, car je pensais qu’elle comportait un potentiel de croissance bien plus important pour le conseil en stratégie. Par ailleurs, toute la chaîne de valeur y est plus rentable. » Autre atout selon lui, le fait qu’il y ait « peu de concurrence, peu d’acteurs pure players ». Sachant que l’associé de Jean Reboullet, Michaël Müller, médecin de formation, avait dirigé la practice Healthcare au niveau mondial chez Roland Berger.

Malgré cette spécialisation, Jean Reboullet n’a pas refusé les missions qui se sont présentées pour Mercedes ou Imerys entre autres, au début de l’aventure Cepton. « Pragmatisme oblige. » Toutefois, la totalité du marketing et de la communication du cabinet a été axée sur la santé/pharma. Au bout de 3 ou 4 ans, le cabinet travaillait exclusivement pour l’industrie pharmaceutique.

Un cabinet imprégné de la – forte – personnalité de son fondateur

Bien qu’il ait souhaité éviter l’écueil d’une identification excessive « cabinet/fondateur », Jean Reboullet a imprimé sa marque. Celles et ceux qui ont travaillé avec lui le savent direct, sans langue de bois. Sur l’évolution de l’activité de nombreux cabinets de conseil en strat par exemple, il n’hésite pas à parler « d’intérim de luxe ».

Selon lui, ce qu’il a cherché à impulser chez Cepton se traduit notamment dans l’environnement de travail. « Quand j’évoluais dans certains cabinets, certains matins, je n’avais pas envie de me lever. Dans le conseil, on côtoie des gens pas marrants, qui ne font pas rêver ! Je n’ai pas voulu ça pour Cepton. » En compagnie des autres partners, il a donc essayé d’impulser « de l’énergie, de la joie de vivre, même si parfois ça peut être décapant ! ».

L’importance de la première ligne sur la carte de visite du cabinet

Certains projets sont restés gravés dans la mémoire de Jean Reboullet. « Nous avons mené notre toute première mission pour le laboratoire Stallergenes, expert de la désensibilisation : ils nous ont fait confiance pour le lancement d’un produit innovant. » La première ligne s’écrit alors sur la carte de visite de Cepton. « Nous avons de nouveau travaillé pour le DG par la suite, Louis Champion, qui a fondé Elivie et Santé & Cie notamment. »

Des projets ont aussi pris une envergure incroyable. « Nous avons réalisé une due diligence pour un fonds qui souhaitait racheter une toute petite boîte fondée par un ancien professeur de l’université de Strasbourg, dont le chiffre d’affaires était de 2 ou 3 millions. Quelques années plus tard, le fonds l’a revendue 600 millions. » Ou encore, le travail pour des fonds d’investissement au début du rachat de HTL biotechnology, leader mondial de la production d’acide hyaluronique de grade pharmaceutique. « Nous avons vu l’entreprise grossir, et le management évoluer ». L’accompagnement de petites entreprises ayant connu une forte croissance fait partie des plus grandes fiertés de Jean Reboullet.

Le long fleuve « intranquille » d’un managing partner de cabinet 

À chaque phase de développement de la structure, ses problématiques spécifiques. « Dans les premiers temps, mes préoccupations portaient surtout sur le delivery – il fallait réussir à staffer, dans la mesure où nous avons eu très rapidement des projets. » Mais le cabinet n’étant pas encore connu, « tout était fragile ».

Pour établir une marque, avoir une présence continuelle sur le marché français de l’industrie pharmaceutique et recevoir des appels entrants, « il a fallu 10 ans ». Le relais de croissance du private equity a aussi nécessité une certaine notoriété du cabinet. « Nous avons vraiment passé un cap dans les années 2016-2017. Une fois qu’un cabinet figure dans les classements – même si c’est un peu artificiel –, c’est plus facile. » Dès 2013 toutefois, le cabinet devance McKinsey, le BCG et Roland Berger dans un classement allemand des cabinets de conseil en santé/pharma.

Quand on lui demande ce qui lui a permis de mener sa barque durant 17 ans à la tête du cabinet, Jean Reboullet évoque sa capacité « à recruter les bonnes personnes » et le fait de réussir « à bien travailler ensemble, y compris en cas de tensions ».

Quant à la dernière étape au sein d’un cabinet – celle de la passation –, pour l’ex-managing partner « elle n’a rien de compliqué, même si elle se prépare. Il faut accorder sa confiance aux gens et leur donner des responsabilités en amont ».

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Cepton, le cabinet français de conseil en stratégie dédié à l’industrie pharmaceutique, annonce sa fusion avec l’un de ses concurrents néerlandais, Vintura. Le cabinet appartient au groupe PharmaLex, fournisseur de services spécialisés (holistiques) pour les industries pharma, biotech et médicale.

Chez Cepton, Matthias Bucher est le nouveau directeur, dans un contexte renouvelé puisque le cabinet s’est rapproché du cabinet néerlandais Vintura qui appartient au groupe allemand PharmaLex. « Le driver a été de passer d’un acteur puissant localement dans son secteur à un acteur plus global – et de résoudre le problème de ma succession – car j’étais actionnaire majoritaire. La solution était de faire rentrer un fonds ou de s’adosser à une entreprise internationale, option que j’ai privilégiée. » Grâce à la « réunion » avec Vintura, les objectifs de croissance de Cepton – atteindre une centaine de consultants et doubler le nombre d’associés – ont été quasi atteints.

Et pour conclure sur le conseil en stratégie, Jean Reboullet insiste sur l’une des caractéristiques de ce métier : « On y apprend toujours – au sein des équipes ou auprès des clients – et on ne s’y ennuie jamais. »

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20 Sep. 2024 à 12:00
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