Philippe Wahl, PDG de La Poste : « McKinsey nous a beaucoup aidés »
Les dirigeants d'EDF, de La Poste et de la SNCF étaient entendus le 16 février 2022 par la commission d’enquête du Sénat. Ils ont expliqué pour quelles raisons et à quelle fréquence ils recourent aux services de sociétés de conseil.
Pour définir quelle devait être la stratégie d’implantation de ses bureaux de poste, la maison mère de l’entreprise publique s’est adjointe les services de McKinsey. « Ils nous ont beaucoup aidé. Ils ont travaillé avec la personne du comex qui s’occupe de ce sujet et avec notre structure interne de conseil. Ils nous ont beaucoup aidé parce qu’ils avaient l’expérience du réseau de bureaux de poste italien qui, à la différence de l’Allemagne, est encore très étoffé. Et aussi parce qu’ils ont l’expérience de la grande distribution ou de ses franchises », a expliqué devant le Sénat Philippe Wahl, le PDG du groupe La Poste.
De la même manière, pour échafauder un de ses plans de performance, SNCF Réseau (qui a la charge de la gestion de 30 000 km de voies ferrées) a fait appel au même cabinet.
EDF, quant à elle, a été interrogée sur son degré de connaissance d’une contre-expertise confiée par l’État à des cabinets de conseil, notamment Roland Berger, sur les chiffrages du groupe public quant au financement du nucléaire nouvelle génération.
« Est-ce normal que ce sujet soit confié à des cabinets de conseil pour presqu’un million d’euros d’honoraires ? », s’est interrogée la rapporteure de la commission d’enquête Éliane Assassi, la sénatrice communiste de Seine-Saint-Denis.
Des études dont le secrétaire général, Pierre Todorov, qui représentait le PDG Jean-Bernard Lévy, a indiqué que le groupe avait connaissance. Pour la simple raison que les consultants qui ont travaillé sur le sujet du financement de réacteurs nucléaires de nouvelle génération, EPR, « ont dû prendre connaissance de travaux internes à EDF », a-t-il indiqué.
Cet exercice est accueilli comme quelque chose de normal chez EDF. « Nous abordons le nucléaire nouveau avec enthousiasme mais humilité. Il est normal que l’État cherche à avoir une opinion par lui-même ou par ceux qu’il commandite », a-t-il indiqué.
Des missions ponctuelles surtout dictées par des impératifs de transformation
Les trois dirigeants ont par ailleurs indiqué l’ampleur et les raisons de ces missions.
Raison numéro un : « la transformation ! », ont-ils martelé.
« Sur le courrier, un marché que nous couvrons à 99 %, notre volume a été divisé par trois, nous avons perdu 5,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires depuis 2013. Sur la banque et la banque assurance, la Banque Postale est la 6e plus grande banque française et a face à elle 5 des 10 plus grandes banques européennes. Nous sommes la 11e. Sur les colis, notre plus grand client est Amazon. Dès lors, nous sommes en concurrence sur l’ensemble de nos métiers », a détaillé Philippe Wahl.
Qui a ainsi expliqué que les raisons pour lesquelles son groupe se tourne vers des consultants en stratégie étaient principalement pour l'accompagner dans ses transformations, tout en laissant les décisions stratégiques au seul ressort des dirigeants. Philippe Wahl a ainsi expliqué que le plan « La Poste 2030, engagée pour vous », présenté en février 2021, avait été échafaudé sans le recours à aucun cabinet de conseil.
« Par contre, dans sa déclinaison, nous avons besoin des consultants, pour observer la concurrence, car ils ont d’excellentes bases de données et une très bonne connaissance des métiers », a-t-il indiqué.
Même son de cloche chez EDF. Pour Pierre Todorov, la transformation et la recherche d’efficacité opérationnelle sont « le cœur de ce que nous recherchons quand nous faisons appel à ces cabinets ».
« Très peu de cheminots connaissent la concurrence [la SNCF ouvre progressivement ses lignes TGV, TER, Intercités à la concurrence entre 2020 et 2030 – ndlr], ce n’est pas de leur faute. Il n’est donc pas inutile d’aller chercher de l’expérience que nous n’avons pas. Vous pouvez recruter mais quand le besoin est massif et rapide, il faut aller voir à l’extérieur », a pour sa part illustré le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou.
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Vertone, Theano Advisors, Roland Berger Strategy, Oliver Wyman, Mckinsey et Company, Mawenzi Partners, Mars and Co, Boston Consulting Group, Bain & Company, Arthur D. Little... : tels sont quelques-uns des cinquante cabinets de conseil en management sélectionnés par la SNCF dans le cadre d'un référencement pour un marché de trente-six mois reconductible pour deux périodes de douze mois, dont les résultats ont été publiés le 13 février.
0,6 % des dépenses à la SNCF
Quant au périmètre de ces dépenses de conseil, il est significatif en valeur absolue mais marginal rapporté aux bases de coûts de ces groupes. Chez EDF, par exemple, il s'agit de 0,6 % des dépenses de fonctionnement : « Sur les cinq dernières années, nous dépensons de l’ordre de 60 millions d’euros de conseil par an, pour une base de coûts de 10 à 11 milliards d’euros, pour le périmètre France », a indiqué Pierre Todorov. Précisant que ce montant est cohérent avec le marché-cadre en cours de passation, d’un montant de 260 millions d’euros sur cinq ans, ce qui constituerait même une baisse annuelle.
À La Poste, la maison mère dépensait 40 millions d’euros en 2019 et 31 millions d’euros en 2020, un chiffre qui est passé à 80 millions d’euros en 2021 notamment du fait de grosses opérations telles que l’acquisition de la part de la BPCE dans CNP Assurances pour 2,4 milliards d’euros. S’y ajoutent des dépenses qui peuvent venir de filiales comme GeoPost où « une dizaine de millions d’euros » d’achats de missions de conseil doivent intervenir chaque année, selon l’estimation de Philippe Wahl.
« Les dirigeants doivent garder la main »
Tous trois ont enfin tancé le risque d’une dépendance au conseil en stratégie qui ne peut avoir sa place à leurs yeux dans la direction d’une entreprise à haut niveau. « Le risque avec ces prestations de conseil est que des dirigeants qui n’ont pas leurs consultants se sentent misérables. À la SNCF, un cadre qui me ferait le coup perdrait du crédit à mes yeux. Bien sûr il peut se faire renseigner mais c’est à lui de digérer l’information et de se faire sa propre opinion. Pas de "voilà la note du consultant, je suis d’accord", là il ne fait pas son travail. Pas de cela chez nous », a averti Jean-Pierre Farandou.
Philippe Wahl, lui, se veut encore plus clair : « Les dirigeants doivent garder la main. Le vrai métier des consultants n’est pas d’inventer des stratégies mais de donner des éléments de décision. »
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