le media indépendant du
conseil en stratégie

icone burger fermee

rechercher sur le site

icone recherche
Featured

Le sport, une industrie à part entière pour le conseil en stratégie ?

Sport business, valeurs, ferveur : les missions dédiées font vibrer les consultants. En 2025, les cabinets de conseil en stratégie vont-ils au-delà d’une approche opportuniste ?

Lydie Lacroix
11 Mar. 2025 à 10:00
Le sport, une industrie à part entière pour le conseil en stratégie ?
© trendobjects/Adobe Stock

S’il a longtemps été perçu comme une activité de niche dans le monde du conseil, le retentissement d’événements à dimension planétaire et l’interconnexion du sport avec de nombreuses industries en font un segment que la plupart des cabinets interrogent désormais.

Pour Consultor, l’ancien pilote du sport business chez EY-Parthenon, Benjamin Abitbol, ainsi que les partners Jonathan Le Henry, patron de Strategy& au Maghreb, et Jean-Marc Liduena, à la tête de Circle Strategy, décryptent les ressorts de son développement, sans oublier Renaud Carnec, ex-consultant chez Roland Berger et cheville ouvrière avec son équipe de la candidature du Maroc pour la Coupe du Monde de foot 2026.

Mille bonnes raisons d’investir dans le sport pour le conseil en strat »

La principale relève, logiquement, de la dimension business. La contribution du secteur sportif a été évaluée pour 2022 à 2,6 % du PIB par BPCE L’Observatoire, soit 68 milliards d’euros.

Or, au sein de cet écosystème naviguent « beaucoup de clients potentiels du conseil, selon Jean-Marc Liduena, des médias aux fonds d’investissement en passant par certains méga acteurs du secteur sportif professionnel ou les détenteurs d’infrastructures, entre autres ».

Jonathan Le Henry corrobore. « On est sur un secteur qui évolue à vitesse “grand V” porté à la fois par des investissements financiers, et un fort apport en technologie et innovation qui transforme la façon dont le sport se pratique et comment il est consommé par les fans ». Le leader de Strategy& au Maghreb souligne que certaines zones géographiques, faiblement exposées par le passé, sont désormais sous les projecteurs, ce qui se traduit « par l’émergence de nouvelles filières à fort potentiel ».

Autre aspect avec l’évolution des modes de vie. Le sport est « un formidable outil de santé publique qui intéresse de grands acteurs des secteurs Food et Beverage, d’où des opportunités pour le conseil en stratégie », complète le patron de Circle Strategy.

Et c’est un segment où la concurrence reste limitée. Si des agences de marketing et d’événementiel se sont spécialisées, elles n’entrent en concurrence que sur un « petit pan » de l’activité des cabinets de conseil en stratégie selon Benjamin Abitbol. Parmi ceux-ci, ils sont peu nombreux à s’être positionnés spécifiquement sur le sport, malgré l’exemple de Nova Consulting, qui en a fait l’un de ses domaines depuis sa création.

En interne, ces missions suscitent par ailleurs un véritable engouement : « Tous les consultants du bureau souhaitent se positionner ! » L’ensemble de nos interlocuteurs s’accordent sur ce point.

Quelques warnings

Malgré le quart de point de PIB supplémentaire généré par les JO de Paris 2024 au troisième trimestre 2024 selon la Banque de France, sur l’ensemble de l’année 2024, les répercussions pour le marché du sport ne sont pas à la hauteur des espérances de certains acteurs. Ainsi, des détaillants d’articles de sport en France – près de 30 % des revenus de la filière selon l’étude BPCE L’Observatoire – qui ont connu une croissance de 1,2 % seulement.

L’effet JO serait « minime » aussi dans le conseil en strat », globalement. Désormais consultant indépendant et Board Advisor de l’équipe cycliste Unibet Tietema Rockets, Benjamin Abitbol n’a mené « aucun projet lié aux Jeux olympiques ni même adjacent », et n’en a aucun en vue. « Quand un club de Ligue 1 m’appelle parce qu’il envisage d’acheter un club à l’étranger pour créer une holding européenne de clubs de foot, ça n’a aucun lien. »

Plus généralement, le segment du sport est fait « de petites missions qui alternent avec de plus grosses, voire de très grosses, puis d’autres plus modestes, etc. Il ne rivalise pas – encore ? avec des territoires comme les télécoms, les médias ou la technologie », selon l’ancien d’EY-Parthenon toujours.

Une activité insuffisante pour monter une practice à l’échelle hexagonale ?

Pour Benjamin Abitbol, qui a quitté EY-Parthenon en mai 2024 (détaché comme DGA de l’équipe cycliste AG2R-Citroën dès juillet 2022), « si le nombre de missions dédiées au sport a augmenté durant quelques années », c’est parce qu’il s’est montré « volontariste, voire jusqu’au-boutiste. Au-delà de la détermination nécessaire, il faut être prêt à ralentir sa carrière [pilote de ce segment, il était “seulement” directeur », ndlr] pour pouvoir développer quelque chose de nouveau, mais de plus risqué ».

Malgré toute l’énergie déployée, son ambition – constituer une équipe dédiée – ne s’est pas concrétisée. Une « équipe paneuropéenne » a toutefois failli voir le jour juste avant son départ, Benjamin Abitbol ayant eu un rôle de représentation de ce segment en Europe notamment. La taille du marché européen se prête sans doute mieux à cette structuration.

À l’inverse, d’autres cabinets font le choix de positionner une équipe sur le sujet. C’est le cas de Circle Strategy depuis février 2024, via « 6 consultants, dont un principal ». Ou de PwC/Strategy&, qui dispose d’une verticale dédiée. « Nous croyons fortement dans la nécessité d’avoir une expertise consacrée au sport. Pour autant, et par construction, les besoins du secteur sont pluridisciplinaires et la capacité de mettre autour de la table : stratèges, experts, conseils financiers, consultants en management ou encore avocats, est selon nous la condition du succès pour ces projets », précise Jonathan Le Henry.

Certaines missions hors norme

Ce fut le cas de celle menée par Renaud Carnec, alors consultant au bureau de Casablanca de Roland Berger (désormais à la tête de la stratégie et de l’innovation de GetLink).

« En décembre 2017, j’ai été embarqué dans l’élaboration du dossier de candidature du Maroc pour l’organisation de la Coupe du Monde de foot 2026. » Une mission de 6 mois, avec une phase de préparation – « quadrillage des attendus du dossier, préparation des données macro, aide pour structurer le comité de candidature ». Au-delà de l’équipe dédiée, un manager et trois consultants, « d’autres consultants de Roland Berger sont intervenus pour réaliser des études, par exemple sur l’avantage du Maroc pour les droits TV en raison du fuseau horaire ».

Renaud Carnec a intégré le comité d’organisation, dans un rôle de gestion de projet et de direction de cabinet. La rédaction de contrats et leur signature – par les villes-hôtes, les gestionnaires de stades, etc. – ont constitué une part importante de la mission, tout comme la cartographie de l’offre hôtelière. En juin 2018, la présentation finale de la candidature a eu lieu à Moscou. Bien que le Maroc n’ait pas décroché cette édition, il coorganisera la Coupe du Monde 2030 avec l’Espagne et le Portugal.

Le manager engagé sur cette mission, qui évolue toujours au sein de Roland Berger, a ensuite « enchaîné avec un projet pour le Stade de France ». Un autre consultant, Ghali Mechat, contribue actuellement au pilotage de l’organisation de la Coupe du Monde 2030 au Maroc. Au sein des cabinets comme en dehors – quand les consultants voguent vers d’autres horizons –, un engagement sur ce type de missions permet de rebondir.

Autre contexte, mais registre exceptionnel toujours pour ce géant de l’audit et du conseil missionné pour l’organisation du plus grand événement sportif planétaire – 5 ans d’implication, 450 missions, 500 collaborateurs et associés engagés – et une com’ verrouillée. Certaines missions sport comportent des obligations drastiques.

Le sport, trop imbriqué dans d’autres industries pour se développer de façon autonome ?

Généralement adossé aux TMT en raison de ses forts enjeux médiatiques et de sponsoring (ou liés aux paris sportifs, dans une moindre mesure), ce segment interagit bien sûr avec le secteur sportif professionnel lui-même, mais aussi avec les décideurs publics ou, comme déjà évoqué, les infrastructures, ou encore la grande conso (fabricants d’articles de sport), la distribution (grandes enseignes généralistes ou spécialisées, e-commerce) – et le private equity.

C’est là l’une des grandes tendances du marché : la prise de participations dans des clubs de foot notamment, français ou autres, ou dans des ligues, par des holdings du type City Football Group qui détient Manchester City, des fonds, des investisseurs individuels ou des entreprises. « Certains fonds d’investissement y voient une occasion de se diversifier en développant une nouvelle verticale ; d’autres investisseurs ont fait le pari de construire des fonds dédiés au sport autour de plusieurs thématiques clés : la technologie dans le sport, l’expérience client, les clubs et les grandes compétitions », partage Jonathan Le Henry. 

Cette polymorphie complexifie l’appréhension du segment. Sachant que, pour de nombreux cabinets, il n’est pas question de faire savoir au marché que l’on dispose d’une équipe dédiée si l’on n’a pas une offre structurée à proposer, des références, un « pipe » d’activités régulier. 

Dans cette perspective, Benjamin Abitbol estime à regret que le sport ne peut être considéré à date « comme une industrie à part entière » pour le conseil en stratégie, du moins dans les expériences qu’il a pu avoir.

Les associés de Circle Strategy et Strategy& sont d’un autre avis. Jean-Marc Liduena évoque en effet « la dimension marketing du sport, point d’entrée de Circle Strategy pour le développer comme une nouvelle industrie, dans une approche pragmatique ». Le cabinet a réalisé plusieurs études, « celle sur l’impact économique de Kylian M’Bappé sur le Paris–Saint-Germain et les conséquences de son départ ayant été reprise par la presse dans toute l’Europe et jusqu’au Canada. L’étude a été vue par nos clients, par les candidats et par l’ensemble du marché ».

à lire aussi

tim-l-productionsunsplashparcdesprinces

C’est une étude publiée il y a quelques jours seulement et qui fait déjà grand bruit sur la Toile. Le cabinet Circle Strategy a réalisé une étude sur l’impact économique de Kylian Mbappé sur le Paris-Saint-Germain et les conséquences désastreuses d’un départ annoncé.

La seconde étude de Circle Strategy, sur l’impact économique des JO pour les entreprises sponsors, a généré « de multiples touchpoints avec lesdites entreprises ». Voire davantage puisque l’une d’elles, dans le secteur de l’optique, est désormais accompagnée par le cabinet. Jean-Marc Liduena confie par ailleurs qu’une troisième étude sortira début mars autour de la Formule 1. 

Chez Strategy&, Jonathan Le Henry explique que le cabinet « organise le sport comme une véritable industrie pour répondre à de nouveaux besoins qui requièrent de nouvelles expertises. L’actualité du Royaume du Maroc en matière de sport est un exemple extraordinaire. L’organisation de la coupe du Monde de Football en 2030, en partenariat avec l’Espagne et le Portugal, créée pour le Maroc un lot d’opportunités de grande ampleur. L’émergence d’une “économie du sport” pourrait avoir un impact considérable en matière d’investissements et de création d’emplois ».

Au-delà de cette seule région, nos interlocuteurs s’accordent sur la « multiplicité des terrains de jeu dans le sport », lesquels devraient le rendre incontournable pour les prochaines années.

Circle Strategy Strategy& Jean-Marc Liduena
Lydie Lacroix
11 Mar. 2025 à 10:00
tuyau

Un tuyau intéressant à partager ?

Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !

écrivez en direct à la rédaction !

commentaire (0)

Soyez le premier à réagir à cette information

1024 caractère(s) restant(s).

signaler le commentaire

1024 caractère(s) restant(s).
9 + 3 =

tech - télécom - médias

Adeline
tech - télécom - médias
sport, sport business, conseil en stratégie, économie du sport, Strategy&, Circle Strategy, EY-Parthenon, Benjamin Abitbol, Roland Berger
14358
Circle Strategy Strategy&
Jean-Marc Liduena
2025-03-11 11:03:28
0
Non
Le sport, un marché porteur pour le conseil en stratégie ?
Le sport/sport business peut-il constituer une « verticale » à part entière pour les cabinets de conseil en stratégie ?
Doivent-ils structurer une offre dédiée ou l’intégrer aux secteurs existants ? >> Approche opportuniste des cabinets ou sport appréhendé comme une « industrie » comme les autres ?
Les réponses de :
– Jonathan Le Henry/Strategy&
– Jean-Marc Liduena/Circle Strategy
– Benjamin Abitbol, ancien pilote du segment sport chez EY-Parthenon
– Renaud Carnec, membre de l’équipe dédiée de Roland Berger engagée pour la candidature du Maroc à la Coupe du Monde de foot 2026.
à la une / articles / Le sport, une industrie à part entière pour le conseil en stratégie ?