EDF : l’alléchant marché de conseil en stratégie à 260 millions d’euros
Lancé début août, l’appel d’offres « géant » du groupe EDF remet en concurrence la cinquantaine de sociétés de conseil en stratégie et management qui avaient été choisis pour la période 2016-2021 et ce plus rapidement que n’y obligent les règles de la commande publique. Dans une volonté de dynamisme des relations contractuelles avec les cabinets de conseil.
Les montants peuvent paraître astronomiques. Le dernier appel d’offres d’EDF (relire notre brève ici) porte sur un « marché de prestations de conseil, d’audit, d’excellence opérationnelle et de coaching d’organisation au sens de l’appui fourni à l’entreprise ».
Divisé en huit lots, dont deux pour le conseil en stratégie, il concerne des montants de prestations totales à hauteur de 452 millions d’euros (hors TVA), dont près de 260 M€ pour la seule part stratégie. Éléphantesque ?
Que nenni, aux yeux de la direction de l’électricien français, via sa responsable catégorie achat prestations intellectuelles, Nicole Tomasicchio. « Jusqu’à présent, EDF n’indiquait pas systématiquement dans les avis de marchés les mentions relatives à la quantité ou au montant des prestations susceptibles d’être fournies en vertu d’un accord-cadre », explique-t-elle à Consultor.
C’est désormais le cas. Le montant ne marque donc pas une inflexion significative par rapport à la période antérieure, il est simplement public alors qu’il ne l’était pas précédemment.
Confirmation de Nicole Tomasicchio : « Pour EDF, c’est un appel d’offres ‘’conseil’’ classique, non pas lié à des transformations particulières, mais à la vie du groupe. Le conseil est depuis très longtemps ce qui accompagne EDF dans sa transformation. »
Comment cet appel d’offres fonctionne-t-il ?
Les lots 1 et 5, dédiés aux cabinets de conseil en stratégie, concernent des « études sur les orientations de tout ou partie de l’entreprise à destination des équipes de direction » avant tout le groupe et deux de ses filiales, Enedis, et l’Italienne Edison. Les autres filiales, une trentaine, telles que Framatome, Atmea, Edf Renouvelables, Izi Solutions, « pourront bénéficier, si elles le souhaitent, et à leur première demande, des conditions commerciales du marché passé par EDF SA pour ses besoins », est-il notifié dans l’avis.
Pour ses achats de « masse », EDF fonctionne avec des contrats-cadres multiformes et multi-attributaires pour chaque lot. Des formes plurielles expliquées par Nicole Tomasicchio : « EDF a vocation à renouveler à maille régulière des marchés de conseil en cours dans le Groupe, qui couvrent les activités mentionnées, mais également d’en lancer d’autres comme le coaching d’organisation qui est nouveau dans le périmètre de cette consultation. Dans ce cadre, les cabinets se voient attribuer des marchés subséquents à périmètres définis pour une durée donnée et des missions ponctuelles. »
Des marchés subséquents conclus sur le fondement d'un accord-cadre ne fixant pas toutes les stipulations contractuelles. « Chaque marché subséquent est autoportant, et chaque mission est indépendante. S’agissant d’une consultation, la respiration du panel est naturelle ; rien ne certifie que tous les cabinets actuels soient renouvelés », explique encore Nicole Tomasicchio.
Objectif : renouveler le vivier de consultants
Pourquoi un tel d’appel d’offres maintenant ? Alors que le Code de la commande publique recommande le renouvellement des contrats-cadres avant huit ans au plus, EDF a préféré une périodicité de cinq ans. « La durée des marchés est fonction des affaires. Pour le groupe EDF, cette durée est la bonne maille pour dynamiser les pratiques tout en installant une relation partenariale durable, fiable et coconstruite. »
Lors du dernier appel d’offres de 2017, le groupe EDF avait ainsi référencé une cinquantaine de cabinets. Une « jauge » qui devrait être maintenue pour le prochain marché. « Nous avons, pour chaque lot, un nombre maximal d’attributaires (ndlr, entre trente et cinquante pour les deux lots ‘’stratégie’’). »
Pour le groupe, c’est donc l’occasion de retrouver des cabinets candidats bien connus (McKinsey, BCG, Roland Berger, Kearney…), mais également d’accueillir potentiellement de nouveaux entrants.
« Il est ouvert à tous les cabinets qui répondent aux prérequis précisés dans l’avis de marché. Ensuite, nous évaluerons l’aptitude de chacun pour le déclarer apte ou pas. Et si nous arrivons à trente candidats invités sur un lot, il n’y aura pas forcément trente attributaires. »
Des aptitudes d’ordre juridique, économique, financier et technique : un chiffre d’affaires supérieur à 5 millions d’euros pour le premier lot, à 1,25 million d’euros pour le cinquième, des critères d’expérience dans le secteur de l’énergie, de compétences par profil, de ressources humaines suffisantes…
Une stratégie à horizon 2050
Cet appel d’offres s’inscrit aussi dans le cadre d’un vaste plan de transformation du groupe.
En septembre 2020, Marc Benayoun, un ancien associé du Boston Consulting Group et à présent directeur exécutif d’EDF en charge des activités clients, services et territoires, avait présenté la stratégie commerciale du groupe EDF, et de son PDG depuis sept ans, Jean-Bernard Lévy.
Cette stratégie fixait des objectifs à atteindre d'ici 2023 sur les marchés d’EDF auprès des particuliers et des entreprises en France, tout en développant ses activités émergentes sur les marchés de la transition énergétique (hydrogène, mobilité électrique, autoconsommation solaire, productions d'électricité d'origine renouvelable, industrie nucléaire).
Fournisseur historique d’électricité, le groupe EDF SA, 69 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2020 pour un résultat net de 2 milliards d’euros, compte aujourd’hui 32,7 millions de clients électricité et 5,3 millions de clients gaz.
Mais depuis quelques années, le groupe doit faire face à une rude concurrence, avec pas moins de quarante-trois fournisseurs d’électricité sur le territoire national, dont Engie (ex-GDF Suez), son principal concurrent, le Suédois Vattenfall, TotalEnergies, Cdiscount Énergie, ekWateur…
Du côté du gaz, EDF vise haut avec 25 % de parts de marché en 2023, contre 16 % en 2020. Le groupe veut également s’imposer sur le secteur de l’hydrogène. En 2019, EDF a lancé une filiale, Hynamics, pour développer une offre d’hydrogène bas carbone pour l’industrie et la mobilité.
De nouvelles priorités stratégiques qui permettent de tester sur de nouveaux sujets les consultants. « Lorsque nous renouvelons nos marchés, cela nous permet de requestionner nos orientations stratégiques et de voir comment nos contrats et nos partenaires y répondent », indique Nicole Tomasicchio.
Le temps est compté pour les candidats, et particulièrement les entrants. La clôture des dossiers est pour le 16 septembre prochain. Reste à savoir si le groupe EDF fera effectivement confiance à d’autres cabinets, plus petits, moins aguerris aux pratiques conseil de ces grands comptes. Des grands comptes qui ont l’habitude de sélectionner avant tout des grands cabinets, dotés de fortes practices énergie, et de profils d’experts hyper expérimentés.
Barbara Merle pour Consultor.fr
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