Entrepreneuriat : quand le conseil suscite des vocations collectives
Ouverture d'un compte bancaire, enregistrement avant un vol ou avant la location d’une voiture… les services en ligne qui nécessitent une vérification d'identité sont nombreux. Et pour l’heure plutôt laborieux par envoi de photographie ou vérification manuelle par les entreprises. Ubble propose de simplifier et d’automatiser ce processus.
La start-up a été montée par trois anciens d’A.T. Kearney qui ont fait connaissance pendant leurs années communes au bureau de Paris.
Ils sont trois anciens d’A.T. Kearney à s’être lancés ensemble dans l’aventure entrepreneuriale. Juliette Delanoë, 32 ans, François Wyss, 32 ans, et Nicolas Debernardi, 36 ans, ont fondé Ubble.ai en janvier 2018.
Juliette, François et Nicolas se sont rencontrés en 2011 alors qu’ils avaient intégré, à quelques mois d’intervalle, le cabinet A.T. Kearney.
Juliette entre chez A.T. Kearney en avril 2011 à l’âge de 24 ans après son diplôme de l’ESSEC (2011). Rapidement, son (court) passage au sein du cabinet – elle ne reste qu’une année et quelques mois – l’oriente vers la direction de la stratégie de Gemalto, le géant de la sécurité numérique. C'est là qu'elle développe son expertise sur la vérification d’identité en ligne, « un marché en train de naître ».
« Chez A.T. Kearney, nous sommes rapidement devenus copains avec François. Avec Nicolas, plus âgé, déjà manager, la relation a été moins soudaine, c’était plus impressionnant pour moi », se souvient-elle.
Criteo, Gemalto et Google à la sortie du conseil
Nicolas, justement. Aîné des trois, il a fait de la techno une priorité très tôt dans son parcours professionnel. À la sortie de Supélec en 2005, et après un master en télécommunications en Suède puis d’un MBA au Collège des ingénieurs, il débute sa carrière en tant que consultant spécialiste des données (Analysys LTD, ArcelorMittal, et Altai Consulting). A.T. Kearney suivraen octobre 2010.
Sans qu'il y reste non plus très longtemps : en 2013, il rejoint Criteo en tant que manager de la filière data science et contribue activement à la très forte croissance de la pépite française de l’affichage publicitaire en ligne. « Pendant cinq ans, j’ai construit et structuré l’équipe en la faisant passer de trois à cinquante personnes. »
Parcours analogue pour François Wyss. Pour lui, ce sera Google à la sortie d'A.T. Kearney. Puis rapidement une première aventure entrepreneuriale : François a cofondé Teemo, une start-up de ciblage publicitaire épinglée en 2018 par la Commission nationale des libertés individuelles qui avait jugé qu’elle conservait des données recueillies sans consentement et au-delà de la durée légale. La mise en demeure est rapidement levée et la société cumule cinquante emplois créés et 15 millions d'euros de fonds levés.
Le conseil, un argument pour monter une boîte ensemble
Mais l’envie de projets communs est restée dans les tiroirs. En 2018, François, qui revend une partie de ses parts dans Teemo, se rappelle aux bons souvenirs de Juliette et Nicolas. Entrepreneur dans l’âme, il est aujourd’hui le président d’Ubble. « Ce que je sais bien faire, c’est l’entrepreneuriat utilisé pour faire évoluer un projet technique ou techno en une société. J’apporte une dimension de marché. Lorsque j’ai rencontré Juliette et Nicolas, j’ai su très vite que nous pourrions collaborer.»
Le passé commun dans le conseil en stratégie est un argument fédérateur. En janvier 2018, Ubble est sur les rails. Un modèle auquel François Wyss croit dur comme fer : « Ce que nous proposons n’existe pas : les solutions actuelles de vérification d’identité à distance sont basées sur une photo du document d’identité. Elles ne sont pas fiables, présentent un taux d’échec important, car l’utilisateur doit refaire plusieurs fois la manipulation, sont faiblement automatisées, et nécessitent des opérations manuelles. Et elles ne répondent pas à la nouvelle réglementation sur la protection des données, le RGPD. »
Autant d’imperfections qu’Ubble entend fluidifier avec une automatisation quasi intégrale et commercialiser ensuite auprès des industries où un processus d’identification d’identité est prépondérant.
Recruter d'autres anciens du conseil pour accélérer la croissance
Bien loin de se sentir des clones, sortis du même moule du conseil en stratégie, les cofondateurs ont le sentiment d’être très différents tout en ayant acquis une même base de fonctionnement, de savoir-faire, de compétences. « Nous nous connaissons aujourd’hui très bien, nous avons confiance. C’est une base essentielle », ajoute le président d’Ubble.
Une carte d’anciens du conseil en stratégie à ce point appréciée que dans son développement la société cherche à recruter d’autres ex-consultants en stratégie. Ubble.ai compte aujourd’hui neuf salariés et l’objectif est d’en faire entrer quinze supplémentaires dans les six prochains mois.
Un ancien salarié du BCG Gamma les a rejoints récemment et deux autres postes transverses et opérationnels sont en cours de recrutement. Des anciens de la strat’ y seraient plus que bienvenus.
« Un ancien consultant ne sera pas perdu chez nous. Et nous, nous savons qu’il sera capable de s’adapter très vite ! » se réjouit François Wyss. A fortiori, une ligne d’anciens consultants en stratégie rassure dans une équipe de start-up. C’est « un marqueur de réassurance » pour François Wyss, au même titre qu’une grande école ou une classe préparatoire. « Nous savons aussi adapter le bon niveau de storytelling, c’est toujours utile en investment comittee. »
De consultant à entrepreneur : comment sauter le pas
Un fit quasi garanti entre ex-consultants en strat' et entrepreneurs à condition de savoir s’adapter. Car très bon consultant ne veut pas dire très bon entrepreneur. Haro sur le perfectionnisme made in conseil quand vient l’heure de la vie entrepreneuriale. « La mission numéro un du consultant, c’est de pérenniser un compte client et donc de porter une attention énorme à ne pas se mettre en défaut, explique François Wyss. L’erreur est traquée et mal venue. C’est ce qu’il faut désapprendre. »
Deuxième apprentissage : se responsabiliser et fissa. « Dans le conseil, nous accordons une grande importance à la hiérarchie et au respect du parcours d’évolution de carrière, commente Juliette Delanoë. Dans une start-up, chacun est responsable de son projet et le projet est servi par tout le monde sur le long terme. Le management se fait par la valeur ajoutée de chacun plutôt que par les fonctions ou les grades. Il existe moins de cadrage de l’évolution personnelle dans une start-up. »
Après avoir sauté le pas de la vie de consultant à la vie d’entrepreneur, le passé commun dans le conseil peut être porteur. En juin 2018, la société a levé un million d’euros notamment auprès de la société d’investissement de Xavier Niel, Kima Ventures. D’autres levées de fonds pourraient suivre, assurent les fondateurs. Nul doute que la carte d’ex-A.T. Kearney sera un argument.
Barbara Merle pour Consultor.fr
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