Licence de GenAI : un must de la panoplie du consultant en stratégie ?
La part de missions liées à l’accompagnement des entreprises sur les enjeux d’IA/IA générative s’accroît au sein des cabinets. Mais qu’en est-il de l’équipement des consultants, en interne ?
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Une question se pose en effet : un cabinet n’ayant pas investi dans des licences d’IA pour ses équipes peut-il guider ses clients avec pertinence dans des perspectives de transformation et/ou suggestions d’investissement, voire les accompagner dans le passage à l’échelle ?
Eléments de réponses avec Olivier Leroy de PMP Strategy, Simon Georges-Kot d’eleven, Pierre Bosquet pour Strategy&, et Sébastien Vincent de Simon-Kucher.
Des cabinets primo-adoptants
Certains se sont lancés très tôt. Ainsi, comme l’indique Pierre Bosquet, associé à la tête de la practice TMT & IA-Data de Strategy& France-Maghreb (et du programme AI du géant de l’audit et du conseil sur le périmètre France étendu), PwC a noué dès mars 2023 un partenariat avec Harvey, une IA élaborée pour les cabinets d’avocats et prestataires de services. « Le centre d’expertise IA américain du cabinet avait perçu l’intérêt des LLM [grands modèles de langage, ndlr] avant le lancement de ChatGPT. » En avril 2023, un investissement d’1 milliard de dollars a été annoncé – « en outils pour l’interne et en R&D pour les clients ». Puis, en contrepoint de la signature d’un partenariat avec OpenAI en mai 2024, le cabinet est devenu « le plus gros utilisateur à l’échelle mondiale » de ChatGPT Enterprise. Par ailleurs, sur le sol français, « PwC est le 2e si ce n’est le plus gros ‘consommateur’ de Microsoft 365 Copilot, en nombre d’utilisateurs actifs chaque jour ».
Chez Bain & Company, l’équipement s’est fait par étapes, au fur et à mesure de la montée en compétences stratégique sur le sujet en interne. C’est en août 2024 que l’ensemble des équipes ont eu accès à une licence ChatGPT Enterprise. Le cabinet avait noué un partenariat avec avec OpenAI dès 2022, l’annonce publique d’une « alliance de services mondiale » entre les deux sociétés remontant à 2023.
Parmi les outils d’IA externes disponibles pour les consultants de Bain, figurent aussi Microsoft Copilot et Zoom AI notamment.
D’autres cabinets, autonomes ou pondérateurs
La stratégie est différente chez eleven. Simon Georges-Kot, principal et data scientist de formation, rappelle que les équipes sont composées de consultants « dont les compétences vont de la strat’ jusqu’à la data science et au codage ». En matière de GenAI, eleven a donc décidé de tester les solutions du marché – et d’élaborer les siennes propres si nécessaire. Or, à date, le cabinet n’a pas trouvé d’outil « dont les capacités sont assez avancées ou répondent suffisamment à ses besoins » pour souscrire une licence. « Nous avons testé Copilot, dont la proposition de valeur ne justifie pas selon nous un déploiement à l’échelle pour notre équipe. » Au-delà, « la maturité de l’écosystème » ne serait pas encore au rendez-vous « Pour des cas d’usage relativement génériques, des solutions de marché peuvent convenir. En revanche, si le cas d’usage que l’on veut adresser est cœur de métier, ce type de solutions n’est pas adapté », ajoute Simon Georges-Kot.
Le pilote du Datalab de PMP Strategy, Olivier Leroy, le rejoint sur ce point. Son cabinet a en effet choisi d’élaborer « sa propre infrastructure en interne » – un portail de services de GenAI – sans souscrire de licence dédiée auprès d’OpenAI ou Microsoft (Copilot). La seconde solution, également testée par le Datalab, s’est en effet révélée « déceptive » selon Oliver Leroy. « Il y a six mois du moins, c’était encore le cas » - sachant que les acteurs de ce marché corrigent en permanence leurs solutions. « Nous préférons développer nos propres agents, plus adaptés à nos cas d'usage. »
Pour Strategy& qui a choisi Copilot, si Pierre Bosquet reconnaît “des imperfections en 2023”, il estime aussi que c’était la seule option, « compatible avec le RGPD. Copilot s'étant ensuite fortement amélioré, ce choix initial a permis au cabinet de prendre de l'avance sur son adoption dans les projets ».
Du côté de Simon-Kucher, une approche « pragmatique » est revendiquée par la voix du partner Sébastien Vincent, spécialiste Projets digitaux et Advanced Analytics. « Le précédent du métaverse, sur lequel de nombreux cabinets s’étaient rués, nous a convaincus de faire preuve de mesure. Pour l’IA/IA générative, nous préférons procéder à doses homéopathiques plutôt qu’à coups de milliards ». Au sein du cabinet, la GenAI ne fait donc pas partie des outils installés par défaut. « Des formations ont lieu pour sensibiliser les équipes sur la bonne utilisation de ces outils, notamment au regard de la confidentialité des données. »
Pas de licence d’IA… mais du « hands-on » !
C’est donc le choix fait par eleven, Simon Georges-Kot en donnant deux exemples.
« Sur les ‘call experts’ effectués lors des missions, nous uploadons les échanges dans notre propre environnement sécurisé et les comptes-rendus s’affichent dans le format que nous choisissons, exploitable avec nos autres outils. » Toujours cette problématique de confidentialité. « Avec une solution externe, rien ne dit que certaines données ne serviront pas à l’entraînement des modèles. » Autre développement en interne, « un ChatGPT sur nos propres données, qui nous permet d’aller chercher des connaissances précises de façon instantanée parmi les milliers de missions que nous avons réalisées ». En s’impliquant dans la R&D de ces technologies, le cabinet « s’applique à lui-même ce qu’il conseille à ses clients. » Le fait de maîtriser les technologies sous-jacentes permet d’accompagner au plus près
PMP Strategy se positionne aussi sur du hands-on grâce à son Datalab, bien que le cabinet s’appuie sur des outils existants pour ne pas « réinventer la roue ». Son portail élaboré en interne, le ChatPMP, inclut « un ensemble de services destinés aux consultants », explique Olivier Leroy. L’enjeu est ici la personnalisation, avec quatre grandes typologies d’activités visées : « l’interrogation de la base de connaissances du cabinet ; l’analyse de données, accélérée ; la mise à disposition d’un assistant capable d’aider et de challenger l’utilisateur, à l’instar de ChatGPT ; l’agrégation d’une multitude d’agents IA sur ce portail (OCR, Synthèse de texte, traduction de documents, analyse de verbatims) ».
Bien qu’équipé en licences d’IA, Strategy&/PwC a également élaboré son propre ChatGPT “maison”, d’abord via l’émulation des bureaux mondiaux et depuis l’adoption du modèle global, en mode partage, qu’il s’agisse de prompts ou d’autres apports. Plus précisément encore, les équipes utilisent Copilot comme outil principal, avec un ChatPwC en complément, mobilisé pour des sujets plus pointus.
Même cas de figure chez Bain & Company, qui a développé Sage, une plateforme de chat « native » destinée à ses équipes.
Des solutions très onéreuses qui invitent à la prudence
La question du coût des licences est, bien sûr, clé. Sur ce point d’ailleurs, difficile d’obtenir une simulation précise - du côté d’OpenAI comme de Microsoft Copilot - sauf à entrer dans une démarche commerciale. Un ordre d’idées néanmoins : pour ChatGPT Enterprise, le tarif moyen relevé est de 48 euros mensuels par utilisateur, moyennant un engagement de 150 utilisateurs sur une période de 12 mois – soient, à l’année, 86 000 euros. Pour Copilot Studio, qui permet la personnalisation d’agents IA conversationnels et dont les fonctionnalités sont moins avancées que celles de ChatGPT Enterprise mais plus faciles à intégrer, le tarif Studio s’élève à 190 euros mensuels fixes, auxquels s’ajoutent 28 euros mensuels par utilisateur pour Microsoft 365 Copilot – soient, à l’année, 54 000 euros.
Une approche moins onéreuse existe toutefois grâce aux interfaces de programmation d’application d’IA, qui permettent d’intégrer des fonctions intelligentes dans des applications existantes. Comme le souligne Olivier Leroy, « le paiement se fait alors à la consommation et non via des packages ». PMP Strategy procède ainsi. L’investissement dédié aux outils d’IA n’en reste pas moins significatif en raison du nombre d’agents à disposition. « La consommation de GenAI en interne représente 10 à 15 % du budget informatique global ».
Convaincre les clients sans avoir équipé les consultants ?
Selon plusieurs de nos interlocuteurs, la compréhension des sujets de GenAI par les cabinets ne se limite pas à la souscription de licences. Des expérimentations poussées peuvent en effet être menées, sur l’enjeu de confidentialité des données notamment.
Des pilotes ont ainsi été lancés chez Simon-Kucher pour évaluer les usages internes et leurs risques potentiels, via une « task force » dédiée. Objectif : « améliorer le cloisonnement et l’anonymisation des bases de données », pour aligner des usages futurs avec « la réglementation d’une part, les exigences internes du cabinet d’autre part ». Reste ensuite la question de la gouvernance, alors que les principaux acteurs sont américains : « Où transite la donnée, à qui appartient-elle ? ». Par ailleurs, malgré l’absence de licences dédiées, le cabinet mobilise plusieurs outils d’IA - prise de notes/synthèse pour les visioconférences, graphisme, outil permettant « d’accélérer les revues de contrats » pour les fonctions support...
Pour Olivier Leroy de PMP Strategy, les cabinets ne pouvant développer une infrastructure en interne et n’ayant pas souscrit de licences auprès des mastodontes du secteur ont intérêt « à faire beaucoup de veille, voire à s’allier à un petit acteur de la GenAI susceptible de leur fournir des ‘blocs’ sur leur cœur de métier ».
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