Ce partner français d’Oliver Wyman qui n’a jamais travaillé à Paris
A 37 ans, Paul Ricard, partner d’Oliver Wyman aux US, vient de se voir confier un challenge d’envergure : prendre la tête de la practice assurance et gestion d'actifs pour l’ensemble de la région Asie-Pacifique à Singapour. Particularité de ce Français né dans l’Aveyron, consultant de la firme depuis 2011 : il a, durant ces 14 années, évolué uniquement hors de France : aux US, dans les bureaux de New-York puis de San Francisco.
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Un parcours rare qui mérite le détour. Un Frenchie, issu du bureau de New-York d’Oliver Wyman, nommé partner à 33 ans, responsable Assurance/Gestion d’actifs du super continent Asie/Pacifique, de Hong Kong à l’Australie, en passant par l’Indonésie et le Japon. Son N+1 ? Un historique du cabinet basé à New-York qu’il connaît bien : Mick Moloney, 34 ans de conseil en stratégie, chez Mercer avant de passer chez Oliver Wyman, aujourd’hui responsable monde de l'assurance, de la gestion d'actifs et de l'actuariat.
Sur le circuit Oliver Wyman
Paul Ricard, parfait éponyme du célèbre fondateur du circuit du Castellet - « mon père [Jean-Michel Ricard, ndlr], dirigeant d’une concession moto, dit que c’est une coïncidence, mais je n’y crois pas », comme s’en amuse-t-il lui-même, est, hasard ou pas, aussi un passionné de Formule 1. Son nouveau poste depuis quelques jours basé à Singapour s’avère être ainsi une aubaine. Le célèbre Grand Prix de cette cité-état asiatique se déroule du 20 au 22 septembre prochain…
Ce double diplômé spécialisation finance en 2011 de HEC Paris et de l’Indian Institute of Management d’Ahmedabad (au nord-ouest de l’Inde) - premier étudiant à être sélectionné pour ce programme - a rencontré une équipe d’Oliver Wyman… en Inde. « Comme beaucoup de mes camarades des écoles de commerce, j’étais très intéressé par le conseil en stratégie. Le cabinet recrutait alors entre autres dans les grandes écoles indiennes et offrait des opportunités partout dans le monde. Et comme je souhaitais travailler à l’étranger, je suis tombé d’accord sur un recrutement avec le bureau de New-York, tout de suite focalisé sur les services financiers. »
Pour ce fan de courses automobiles, diriger une équipe de Formule 1 ressemblerait fortement au métier de consultant d’aujourd’hui. « Lorsque j’ai débuté dans le conseil, les consultants étaient plutôt issus d’écoles de commerce. Aujourd’hui, les profils sont plus variés, nous avons des ingénieurs, des data scientists, des actuaires, même des brokers de chez Marsh. Il faut arriver à comprendre cette interface et les faire travailler ensemble. » En commun, un sport et un métier d’équipes d’abord. « En F1, chacun arrive avec ses compétences, du pilote aux techniciens, en passant par les ingénieurs. Il y a des dizaines de coéquipiers derrière chaque voiture, chaque course est unique et oblige les équipes à repenser constamment leurs stratégies et à surmonter les défis. Ceux qui s’adaptent le mieux peuvent gagner la course. Chaque course comme chaque projet a sa dose de challenge. »
Paul Ricard in New-York
Une évolution plutôt rapide. Neuf ans après son entrée dans le cabinet, Paul Ricard est promu Partner à New-York en 2020, au sein des practices Digital, Services financiers et Assurance (et animateur du podcast Reinventing Insurance), membre du Comité de Direction Monde de la practice Assurance, forte de plus d’une centaine de partners sur les cinq continents.
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11 ans en moyenne au travers de quatre à six grades principaux déclinés en cinquante nuances d’échelons intermédiaires et autant de noms différents : voilà l’ascension que devront réaliser celles et ceux qui se lancent dans une carrière dans le conseil en stratégie pour atteindre le partnership.
Cette spécialisation dans les services financiers qu’il a ainsi développée dès ses débuts, lui a permis très rapidement de se constituer une solide expertise au cœur de la finance mondiale. « Très rapidement, j’ai travaillé avec les grandes compagnies d’assurances sur leur stratégie de croissance, le développement de leur modèle opérationnel, les risques, la finance. Et après un ou deux ans, j’ai eu une première interaction avec l’Asie, un assureur coréen qui souhaitait entrer sur le marché américain, puis j’ai beaucoup travaillé avec ce continent. »
Sa plus belle mission (jusqu’à présent), il l’a vécue au moment de la pandémie. Une mission qui a débuté début 2020 auprès d’un grand assureur américain dans la volonté de lancer une nouvelle offre pour aider les foyers américains dans leurs finances du quotidien, appelée Bien-être financier. « Un projet multidisciplinaire pour nous, une opportunité fantastique pour le client, mais aussi pour les Américains en proie à de multiples difficultés financières. En mars, le monde est à l’arrêt. Et pourtant, le client a tenu à poursuivre le projet. Cela m’a montré que l’industrie de l’assurance était essentielle dans la protection des actifs. L’offre a été développée et lancée. »
L’atout France du consultant
Un jeune consultant français dans le bureau new-yorkais de l’un des plus grands cabinets de conseil en stratégie mondiaux… Est-ce que cela a été un obstacle ? Un atout ? Un atout, sans hésiter selon Paul Ricard. « Car en France et en Europe, nous avons l’habitude de nous adapter aux différences de culture, de codes, aux spécificités des autres pays. Je dois cependant reconnaître qu’il est délicat d’arriver dans un nouveau pays, cela se fait au fil du temps. En tout cas, le contingent français aux Etats-Unis est important. Pour preuve, lorsque j’ai été promu partner à New-York, un quart des promus étaient français ! Oliver Wyman a une véritable culture d’ouverture ce qui permet d’avoir des profils et des points de vue très différents, de challenger les clients et de nous challenger. Aujourd’hui pour moi c’est différent car, ayant vécu un an en Inde puis aux Etats-Unis, c’est beaucoup plus facile, y compris avec mes clients. »
Suite à sa dernière promotion comme Partner il y a 4 ans, Paul Ricard partage son souhait de mobilité, direction la Californie, « un mix entre pro et perso » : une envie de profiter de la douceur de vivre de la côte Ouest avec son épouse, Sujata Dankiti, spécialiste en marketing, et d’être au plus près de la Silicon Valley (il a effectué deux stages dans la tech, chez Google et Deezer) et de certains de ses clients installés en Californie. « J’ai continué bien sûr de là-bas à travailler avec l’Asie et c’est ainsi que le leadership d’Oliver Wyman m’a proposé de prendre un poste sur place. Une superbe opportunité d’un point de vue professionnel, sur un marché qui est le continent de la croissance, et personnel, avec la possibilité de travailler avec des équipes pluridisciplinaires, sur une offre combinée consulting et actuariat. Ces dernières années chez Oliver Wyman, nous avons rapproché les branches Assurance et Actuariat, et avons une complémentarité de collaboration avec les autres entreprises de notre maison-mère (Oliver Wyman est une filiale à 100 % du groupe d’assurance Marsh & McLennan Companies, ndlr). »
La mobilité ne paraît donc pas être un sujet chez Oliver Wyman. Le cabinet, fort de 60 bureaux dans 30 pays, encourage même ses consultants de tous grades à voyager, comme le confirme Paul Ricard. « Très tôt dans notre carrière, jusqu’aux grades de partners, nous avons de multiples opportunités et pouvons choisir notre chemin. C’est une politique très utile pour motiver et retenir les consultants. C’est aussi un plus pour nos clients. En Asie, j’apprends le marché mais j’apporte aussi mon expérience de près de 15 ans aux Etats-Unis. » Ce consultant, qui se dit fier de ses origines, devenu par ailleurs citoyen américain, est aussi une vitrine exemplaire pour les consultants du cabinet basés à Paris. S’il ne travaille que très ponctuellement avec le bureau parisien, Paul Ricard est un interlocuteur privilégié pour celles et ceux qui ont envie d’ailleurs. « J’ai plusieurs collègues à Paris qui me questionnent lorsqu’ils cherchent des conseils pour décider de partir ou pas aux Etats-Unis notamment. Ils me demandent les points importants dans la prise de décision, ce qui est difficile ou pas, comment maximiser leur contribution. J’accompagne aussi sur ce point quelques alumni de HEC. »
Le défi asiatique
Un nouveau challenge dans cette méga région de l’Asie/Pacifique que le Français Paul Ricard a accepté avec enthousiasme. Et c’est un réel défi. Car les ambitions du cabinet, sont grandes dans les prochaines années dans ce secteur et dans cette région. Au 1er semestre 2024, la maison-mère d’Oliver Wyman, Marsh McLennan, a réalisé 11 % de son chiffre d’affaires global dans la zone APAC.
Chez Oliver Wyman, une quinzaine de partners Assurance/Asset management y sont répartis (dont un seul Français, Paul Ricard), même si les objectifs officiels ne sont pas partagés. « Nous comptons croître sur 5 ans à un rythme plus élevé que celui du secteur de l’assurance en Asie et aider les entreprises basées en Asie à se développer et implémenter leur stratégie de croissance. Nous souhaitons aussi accompagner les entreprises européennes et américaines qui veulent s’y implanter et/ou s’y déployer. »
Côté clients, les chantiers sont nombreux au vu de cette croissance que connaît peu ou prou l’ensemble des pays de la région Asie/Pacifique. Paul Ricard accompagne les assureurs qui doivent profiter de cette dynamique de croissance en répondant par exemple aux besoins des nouvelles fortunes. « Ils doivent également s’engager dans le domaine de la santé, devenu essentiel pour les assureurs, particulièrement dans cette période post-covid. Ce qui est passionnant et complexe à la fois, c’est que cette région est constituée de pays très différents, avec des cultures et des dynamiques très variées, et nous devons prendre en compte le côté géopolitique, comme la Chine et sa nouvelle Route de la Soie, le développement de pays comme l’Indonésie, le Vietnam. » Dernier grand pan de travail pour le partner, l’IA et les changements tech, « une évolution absolument critique pour les assureurs, car c’est à la fois un levier pour mieux analyser les données en général, et les risques en particulier, risques géopolitiques, catastrophes naturelles…, mais également pour augmenter les possibilités de travail de leurs employés ».
À peine arrivé dans la région asiatique, difficile pour Paul Ricard de dire sur quel continent il évoluera dans cinq ans. Peut-être à Singapour ou ailleurs en Asie. Peut-être de retour aux Etats-Unis. « Depuis que je suis arrivé chez Oliver Wyman, je dis à tous les nouveaux venus que je ne sais jamais où je serai dans deux ans. J’ai régulièrement de nouvelles opportunités pour continuer à grandir et à me développer dans ce cabinet. Donc, pour l’instant, j’y suis bien ! »
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