Les femmes et le conseil en stratégie
Le conseil en stratégie reste très masculin
Pour honorer la 100e journée de la femme, Consultor aborde un sujet sensible pour les cabinets de conseil en stratégie: le nombre très faible de consultantes dans leurs effectifs.
A quoi cela est-il dû? Quelles sont les solutions à disposition des cabinets?
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Des chiffres frappants
D’après l’étude Wit Associés sur le profil type du consultant, seulement 18% des consultants des cabinets de conseil en stratégie sont des femmes. Ce chiffre est à mettre en comparaison avec la proportion d’étudiantes au sein des écoles cibles de ces cabinets : 40% toutes écoles confondues. En outre, ces étudiantes sont majoritaires aux premières places des classements de ces écoles. Comment se fait-il, dès lors, que le processus de recrutement des cabinets de conseil, qui privilégie les meilleurs potentiels quel que soit leur origine ou leur sexe, aboutisse à un tel déséquilibre ?
Ce déséquilibre à même tendance à s’accroître proportionnellement au niveau hiérarchique. En effet, les partners femmes sont particulièrement rares – sur la place de Paris, elles sont une poignée - et il n’y a aucune femme managing partner – à l’exception notoire d’Oriet Gadiesh, Chairman de Bain and Company.
Des efforts importants annoncés par les cabinets… sans véritable effet
La quasi-totalité des cabinets de stratégie a mis en place des mesures incitatives en faveur des femmes, en en faisant l’une des priorités de leur politique RH. En effet, ces cabinets souhaitent promouvoir la diversité au sein de leurs équipes, et considèrent l’apport des femmes à leur métier comme incontestable. Leur approche différente - plus d’empathie et de sens de la diplomatie notamment, sans vouloir tomber dans les clichés - enrichit les propositions aux clients et peuvent permettre de mieux s’accorder à leurs besoins.
Selon de nombreuses études, la présence des femmes à des hauts niveaux de décision favorise significativement les performances économiques, entre 5 et 10% de croissance supplémentaire. Bref, on comprend que les cabinets ont tout intérêt à attirer les femmes dans leurs rangs, et pour cela un certain nombre de mesures (très largement médiatisées) sont annoncées, pour que les consultantes puissent aussi exercer leur rôle de mère : aménagement des horaires, télétravail, …
Pour autant, les effets de ces mesures restent limités. En effet, le nombre de consultantes n’augmente pas vraiment, et les rares femmes qui s’engagent dans cette voie ont tendance à quitter rapidement les cabinets, trouvant handicapante la réalité du travail des femmes, souvent éloignée des promesses affichées. Car dans les faits, le télétravail et le temps partiel s’accordent très mal avec les exigences du métier (compliqué chez les clients, très compliqué au sein des équipes).
Le principal problème, c’est que ces mesures sont mises en place par le service RH des cabinets, souvent moins au fait des réalités du métier, et surtout n’ayant pas assez de pouvoir pour imposer leurs programmes aux managers.
Une incompatibilité fondamentale ?
Mais plutôt que de blâmer uniquement les cabinets, essayons de poser la question à l’envers : et si ce n’était pas le conseil en stratégie qui ne veut pas des femmes, mais les femmes qui ne veulent pas du conseil en stratégie ?
Il est vrai qu’on peut sans doute dire que les femmes sont tout simplement moins enclines à sacrifier leur qualité de vie pour le rythme de travail très soutenu des consultants. Lorsque l’on observe le nombre de consultants - à tous les niveaux hiérarchiques - qui n’ont qu’une envie, c’est de sortir du conseil (voir certains de nos témoignages), on peut se dire qu’elles sont peut-être simplement plus lucides (et peut-être également moins carriéristes).
Par ailleurs, la culture des cabinets reste très masculine, comme le révèlent les choix d’activités de team building (tournois de football, places pour Roland-Garros, beuveries…) ou une ambiance générale plus difficilement descriptible – évoquons par exemple l’influence d’un livre comme L’art de la guerre de Sun Tzu, qui n’est pas vraiment un éloge du féminisme.
Et ce sont presque toujours des hommes, ou des femmes sans enfants, qui décident des programmes en faveur des femmes, ce qui peut créer un certain décalage entre les attentes et les mesures prises…
Deux voies possibles pour les cabinets
La première option est d’appliquer aux femmes les principes fondamentaux de méritocratie et d’égalité des chances qui caractérisent ces cabinets. En effet, le meilleur moyen de reconnaître leur qualité, c’est peut-être simplement de leur laisser exactement les mêmes chances qu’aux hommes, de ne pas surmédiatiser leur présence dans les effectifs comme s’il s’agissait d’une chose exceptionnelle, en les laissant mener leur carrière de consultante. Aucun doute qu’elles arriveront aux mêmes resultats si elles y mettent autant de volonté que les hommes. Et si ce système aboutit à un déséquilibre du nombre d’hommes et de femmes, finalement, ce n’est pas grave en soi (sachant que chacun a les mêmes chances au départ).
Si ce déséquilibre est véritablement insupportable aux cabinets, ils ne peuvent qu’envisager la seconde option, qui est de modifier fondamentalement leur façon de travailler, de façon à favoriser des rythmes de travail plus soutenables et plus flexibles. Mais ici, on touche au cœur même du métier de consultant, et peut-être que cette évolution n’est pas compatible avec l’activité des cabinets de conseil – même si elle est appelée de ses vœux de toutes parts, y compris par les cabinets eux-mêmes. Là encore, on voit bien que le problème fondamental ne réside pas dans une dichotomie homme/femme, mais dans une problématique plus globale de stratégie RH de ces cabinets.
Toujours est-il que la politique actuelle des cabinets en la matière, mi-figue mi-raisin, offre aux femmes des perspectives auxquelles elles ont bien le droit - ou bien raison - de ne pas vouloir prétendre.
Consultor, portail du conseil en stratégie - 08/03/2011
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