McKinsey : un partner new-yorkais licencié pour délit d’initié
Bis repetita pour McKinsey ? Tout juste dix ans après que Rajat Gupta, l'ex-managing director de McKinsey de 1994 à 2003, avait été condamné pour délit d'initié à New York en 2012, au côté de Anil Kumar, un autre associé de la firme alors en fonction, la firme de conseil est à nouveau indirectement mise en cause par les soupçons de fraude boursière et de délit d’initié qui pèsent sur l’un des partners de la firme. Puneet Dikshit, c’est son nom, 40 ans, a été licencié par McKinsey. Il a été interpellé mercredi 10 novembre par la justice américaine, ce dont toute la presse économique anglo-saxonne a fait état.
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Le timing n’est pas idéal. Alors que le nouveau managing partner de McKinsey se voulait en effet encourageant sur la capacité de la firme à dépasser les différents scandales qui ont émaillé sa réputation ces dernières années, l’éthique de la firme a été à nouveau mise en cause (relire notre article).
Mercredi 10 novembre, le parquet de New York et le bureau de FBI de New York annoncent le dépôt d’une plainte à l’encontre de Puneet Dikshit qui en presque dix ans de maison a notamment dirigé pour les États-Unis la practice dédiée aux paiements et aux paiements digitaux.
Suspicion de délit d’initié
Il est reproché au partner de McKinsey une fraude boursière, et précisément un délit d’initié en amont du rachat par Goldman Sachs de GreenSky, une plateforme financière de fourniture de crédits à la consommation (pour rénovation de maison, opération de chirurgie plastique, implants dentaires…). Le rachat a été officialisé le 15 septembre 2021 pour 2,24 milliards de dollars.
Pour préparer cette opération, Goldman Sachs s’adjoint par deux fois les services de McKinsey, une première fois de novembre 2019 à juillet 2020, puis à nouveau d’avril à septembre 2021, d’abord pour un travail en amont de l’acquisition et puis pour la préparation de l’intégration – un mandat très symptomatique de la très forte activité post covid des cabinets de conseil dans le private equity (relire notre article). Des missions dont Puneet Dikshit était le partner référent.
Seulement, deux jours après l’officialisation du rachat de GreenSky par Goldman Sachs, CNBC dévoile que, peu avant l’officialisation du rachat, un volume d’opérations particulièrement élevé est intervenu en lien avec les actions GreenSky.
Des options d’achat de l’action GreenSky, révèle le média américain, se sont échangées à un rythme anormal. Plus de 12 000 options changent de main le 13 septembre. Ce alors même que le prix des actions GreenSky restait bien inférieur au prix d’exercice de ces options - laissant supposer que l’information de la finalisation du rachat par Goldman Sachs avait pu circuler dans un cercle bien informé.
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Kevin Sneader, qui n’avait pas été réélu en 2021 pour un second mandat aux fonctions de global managing partner de McKinsey, auxquelles il avait accédé en 2018, rejoint Goldman Sachs.
450 000 dollars de profit
Deux mois après la divulgation de ces informations par CNBC, le communiqué de la justice américaine confirme l’existence d’un délit d’initié.
Ce communiqué fait également de Puneet Dikshit, consultant de la firme depuis 2012, partner (depuis 2019) de McKinsey au bureau de New York où il pilotait les activités de conseil de la firme à l’industrie du prêt à la consommation (prêteurs, fintechs, entreprises de paiement), un des principaux boursicoteurs frauduleux sur le cours GreenSky. Un placement qui lui a rapporté 450 000 dollars, selon l’estimation de la justice.
Le montant peut paraître élevé, il est faible par rapport à la rémunération fixe annuelle d’un partner de McKinsey qui peut atteindre le million de dollars, voire beaucoup plus (relire notre article).
En plusieurs fois ces derniers mois, entre le 26 juillet et le 15 septembre 2021, Puneet Dikshit achète – via un compte de courtage ouvert au nom de sa femme auprès d’une entreprises spécialisée – des options sur les actions GreenSky. Alors qu’il est en plein milieu de la mission Goldman Sachs. D’abord en août 2021 puis encore en septembre par petits coups puis beaucoup plus massivement quand Goldman Sachs avait demandé à McKinsey d'établir certains documents en vue de la finalisation de l’acquisition de GreenSky.
Deux jours avant l’officialisation du deal, Puneet Dikshit vend toutes les anciennes options et achètent 2500 d’options valables seulement quelques jours à un prix d’exercice qui semble alors inatteignable.
Encore plus troublant, malgré la séniorité de Puneet Dikshit, l’historique de ses recherches sur les ordinateurs de McKinsey, dont certains éléments ont été rendus publics par la justice américaine, indique des questions relativement élémentaires.
Par exemple le 14 septembre, cette requête sur un navigateur internet : « Que deviennent des options d’achats une fois que l’entreprise est achetée ? ».
Quand Puneet Dikshit tente de rattraper le coup
Le 30 septembre, après la parution des informations de CNCB faisant état de possibles délits d’initiés autour de l’opération GreenSky – Goldman Sachs, Puneet Dikshit tente rétroactivement en interne de faire rentrer ses achats d’options dans les règles que McKinsey demande à ses collaborateurs de suivre en matière d’investissement personnel.
Ainsi le règlement intérieur du cabinet interdit formellement tout investissement dans des actifs au sujet desquels les collaborateurs du cabinet détiendraient des informations non-publiques du fait de leurs fonctions. Et plus largement, ce même règlement intérieur proscrit aux membres de la firme et aux personnes composant leur foyer (époux, concubins, personnes vivant au même domicile plus de la moitié de l’année) d’acheter ou de vendre toute action en lien avec l’un des clients de McKinsey. Cette personal investments policy prévoit enfin que tout achat d’action des membres de la firme ou de leurs proches fasse l’objet d’une pré-validation.
C’est à cette pré-validation que Puneet Dikshit tente alors de se conformer. Elle lui est refusée. Et peut-être a-t-il alors mieux compris ce qui s’annonçait. Du moins, ses recherches internet l’amènent alors à s’intéresser au sort de Rajat Gupta… (relire notre article).
En réaction à la publication de la plainte du ministère public américain à l’encontre de Puneet Dikshit, McKinsey a fait savoir que l’entreprise l’avait licencié (dans un communiqué cité par CNBC).
« Nous avons mis un terme à l’emploi d’un partner pour une violation patente de notre règlement interne et de notre code de conduite. Nous n’avons aucune tolérance pour le comportement décrit dans la plainte et nous continuerons à coopérer avec les autorités », écrit McKinsey. Goldman Sachs s’est dit de son côté « profondément déçu par les allégations de délit d’initiés ».
Puneet Dikshit encourt une peine de 40 ans de prison.
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