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Recrutement dans le conseil en stratégie : la guerre des talents est repartie

 

2014 fut une année pauvre pour le recrutement de consultants en stratégie. 2015, assez logiquement, a marqué un rebond. Toutefois, vu l'importance de ce dernier, il ne s'agit pas d'un simple rattrapage du retard pris.

Consultor s'est intéressé à la situation et a interrogé des cabinets de toute taille et de tout type. Une dizaine d'entre eux ont répondu à nos questions et détaillé ce qui, pour certains, restera comme une année exceptionnelle.

 

25 Nov. 2015 à 15:05
Recrutement dans le conseil en stratégie : la guerre des talents est repartie

 

« Le recrutement est critique pour notre cabinet ». Cette phrase du cofondateur dAdvancy, Éric de Bettignies, nous l’avons entendue lors de chacun de nos entretiens avec les autres cabinets. Le sujet est si sensible que les chiffres annoncés doivent être relativisés, la communication jouant un rôle central dans la « guerre des talents » que se mènent les différents cabinets. Par ailleurs, certains refusent de communiquer sur le nombre de départs. Les recrutements annoncés ne constituent pas forcément une croissance nette des effectifs. Quoi qu'il en soit, les données que nous avons pu recueillir disent au moins une chose, le secteur se porte bien et embauche à tour de bras.

« Une année exceptionnelle »

Du plus petit cabinet au mastodonte international, tous nous annoncent un volume de recrutement à faire pâlir un conseiller Pôle emploi. Parmi ceux qui nous ont répondu, c’est le BCG qui affiche le plus gros volume. Le bureau parisien a intégré plus d’une centaine de nouveaux collaborateurs cette année. Un chiffre conséquent comparé aux 500 employés que compte l’entreprise en France. Les autres cabinets étrangers sont sur la même tendance.

Chez LEK, dont l’antenne française est de taille plus modeste, 2015 aura été une année hors norme. Le bureau de l’Hexagone est passé de 56 à 71 collaborateurs en moins d’un an. Valérie Schajer, en charge des ressources humaines, avoue « une année exceptionnelle ». Pour la première fois, le cabinet a même fait appel à des contrats en CDD, pour des missions très spécifiques. « La croissance nette de 15 nouveaux collaborateurs s’explique à la fois par un nombre de missions très important et un turn-over un peu plus faible qu'habituellement ». Ce volume conséquent n’est pas l’apanage des firmes anglo-saxonnes. Les cabinets français n’ont pas chômé non plus. Advancy et Chappuis Halder annoncent chacun autour de 25 recrutements en France. Vertone n’est pas bien loin, avec 18 recrutements, suivi de Kea & Partners et sa quinzaine d’embauches. PMP, Eleven ou encore Ares & Co se situent tous autour de la dizaine d’embauches.

Des plans de recrutement très souples

L’autre enseignement de notre étude, c’est la flexibilité avec laquelle les cabinets gèrent leurs recrutements. Beaucoup nous annoncent avoir dépassé leur budget initial. Chez Advancy, Éric de Bettignies assure « qu'une vingtaine de recrutements étaient programmés. Mais nous avons finalement atteint les 25 embauches parce que nous avons toujours de la place même quand notre programme est bouclé pour d’excellents profils qui nous surprennent ». Le discours est partagé par tous, le recrutement dans le conseil en stratégie est aussi une affaire d’opportunité. Du côté de Vertone, qui recrute principalement des juniors, Raphaël Butruille précise que le cabinet est « ouvert aux consultants expérimentés issus d’autres grands cabinets de conseil, qui ne sont pas convaincus ou qui sont déçus par la pression, l’anonymat, la grande taille de leur cabinet. »

Charlotte Polderman, recruiting director du BCG, l’explique en d’autres termes. Selon elle, « ce n’est pas qu'une question de volume. Il y a de la place pour l'ensemble des meilleurs chez nous ». Pareil du côté de Chappuis Halder. Comme l’explique Nathalie Rioufreyt, chief talent, « dans ce métier, il est difficile de savoir douze mois à l’avance ce qu’on va vendre ou pas. Nous accordons notre plan de recrutement initial aux objectifs de développement de nos offres et de nos expertises, et sommes régulièrement prêts à ajuster en fonction de la croissance réelle du business, des opportunités ou de la rencontre avec d’excellents candidats ». Finalement, ce n’est pas seulement le nombre de missions qui décide des embauches. À l’inverse, les cabinets peuvent choisir de recruter moins que prévu si les candidatures ne sont pas entièrement satisfaisantes. C’est notamment le cas d’Advancy, dont certains des stages proposés dans le cadre de son International Trainee Program, sont restés vacants spécifiquement parce que les candidats ne maîtrisaient pas les langues demandées.

Place aux jeunes

Les jeunes diplômés et les juniors constituent le gros des nouvelles embauches. En moyenne, ils représentent environ 70 % des recrutements en 2015. Cette tendance semble plus importante que les années précédentes, où les cabinets, en période de crise, préféraient intégrer des professionnels aguerris. Chez PMP conseil par exemple, la plupart des jeunes pousses ont été embauchées à l’issue de leur stage. Le cabinet, qui a intégré une dizaine de nouveaux collaborateurs cette année, a proposé un contrat à 75 % de ses stagiaires à la fin de leur formation. Le jeune cabinet prépare l’avenir. Éric Dupont, l’un des cofondateurs, explique que l’entreprise « souhaite doubler sa taille d’ici trois ans. » Elle forme ainsi ses équipes en apportant à de jeunes professionnels « un savoir-faire, mais aussi un savoir-être PMP ».

Le mercato des seniors

Les collaborateurs expérimentés ne sont pas laissés pour compte pour autant. Lorsque l'un des plus gros acteurs de la place recrute 30 seniors, il ne va pas les chercher uniquement dans l'industrie. S'ensuit alors un jeu de chaises musicales et il suffit de lire la rubrique des nominations pour s'apercevoir qu'un départ entraîne bien souvent une arrivée, et ainsi de suite. Quelle que soit la méthode de recrutement employée (chasse, annonces, cooptation), ce ne sont pas seulement les compétences techniques du senior qui sont recherchées, mais également, et avant tout, sa capacité à s’inscrire dans le projet entrepreneurial du cabinet. Éric Dupont explique que PMP conseil a « lancé des recrutements ciblés de managers seniors pour accélérer (leur) croissance et soutenir le projet, pas uniquement pour renforcer une expertise ».

Idem pour Ares & Co. Antoine Destombes, principal en charge du recrutement, anticipe l’arrivée de plusieurs managers l’année prochaine pour accompagner la croissance globale du cabinet. En effet, après Londres, le jeune cabinet a ouvert cette année un nouveau bureau au Luxembourg.

Des recrutements franco-français

Ares & Co est l’un des rares cabinets à prendre en compte sa croissance internationale dans ses recrutements à Paris. La constitution de son équipe luxembourgeoise s’est notamment faite via la France. Chappuis Halder ou encore PMP conseil recrutent également des Français pour leurs bureaux à l'étranger. Le mouvement semble être assez logique, ces trois cabinets étant en forte croissance et/ou au début de leur phase d’internationalisation. Pour les autres cabinets, avec une implantation plus ancienne hors de nos frontières, les recrutements sont gérés localement, et ce peu importe que les P&L soient intégrés ou non. Pour autant qu’un consultant peut ensuite être relocalisé, mais s'il n’est que rarement embauché dans cet objectif.

Les relations avec les écoles au cœur de la stratégie de recrutement

Si les jeunes diplômés ont la cote, leur origine n’a pas beaucoup changé. Ils viennent très majoritairement des grandes écoles françaises de commerce et d’ingénieur. À partir d'une certaine taille, ils sont quelques-uns, très rares, à diversifier leurs recrutements. Chappuis Halder en fait partie et recrute aussi des universitaires très spécialisés pour des postes d’expertise, notamment en mathématiques ou sciences économiques. Pour le reste, le vivier de talents continue d’être puisé dans huit écoles en France.

La concurrence est donc rude et pour les attirer, à chacun sa technique, en fonction de la taille du cabinet, de ses ambitions ou de sa culture. Les plus riches choisissent souvent une présence massive. Du côté du BCG, selon Charlotte Polderman, la présence dans les écoles cibles intègre toute la panoplie des relations : forum, case cracking, coaching, cours, sponsoring mais aussi des événements propres. Prochainement, le BCG accueillera 500 étudiants à l’hôtel Intercontinental pour le BCG Inside. Cet investissement n’est pas dû au contexte actuel. Le BCG dit refuser la politique du stop and go dans les relations avec les écoles, contrairement à ce que peuvent faire certains autres grands noms.

Charlotte Polderman explique que la présence sur les campus est « un investissement sur le long terme. C’est très prenant pour les équipes, mais arrêter c’est perdre un savoir-faire et la confiance des écoles. Si une année il n'y a pas de mobilisation, le redémarrage sera plus lent les années suivantes ». Cette présence continue porte généralement ses fruits, comme l’enseignait le dernier classement Universum en avril dernier.

Tous les cabinets ne peuvent pas, ou ne veulent pas, investir aussi massivement. Ils choisissent généralement de se focaliser sur un événement ou un type d’activité. Et là encore, à chacun sa méthode. Au-delà de la participation traditionnelle aux forums d'entreprises, Chappuis Halder a, comme l'explique Nathalie Rioufreyt, « concentré ses actions dans les écoles sur des événements ou des rencontres qui mettent en avant notre expertise et nos métiers ». Ares & Co participe de son côté à des événements en rapport avec les valeurs sportives. Antoine Destombes évoque notamment le partenariat historique et exclusif avec Centrale Paris sur le Prologue du Raid. « Il nous apporte un vrai retour, que l’on mesure sur le long terme. Nous recevons régulièrement des candidatures, et pas uniquement de centraliens, clairement liées à ce partenariat ». Mais ce genre d’événement à un coût et il est difficile pour les cabinets français d’être partout.

Lorsque ces derniers n’ont qu’une présence faible sur les campus, c’est souvent par manque de moyens humains et financiers, jamais parce que le sujet ne les intéresse pas. D’ailleurs, plusieurs d’entre eux, en forte croissance, ont explicitement exprimé leur volonté d’accroître leur investissement dans les années à venir.

L’avenir toujours aussi clair

La très bonne tendance des recrutements en 2015 ne devrait pas faiblir en 2016. La plupart de nos interlocuteurs estiment que le nombre de leurs recrutements devrait être stable l’année prochaine. Les cabinets anticipent donc une croissance de leurs effectifs. Les plus ambitieux devraient même faire exploser leur record. Vertone, par exemple, envisage de recruter entre 25 et 30 consultants en 2016 (le cabinet compte 90 collaborateurs actuellement). Kea&Partners annonce 20 nouveaux recrutements, contre 15 cette année. Au BCG, où les objectifs sont qualifiés d’ambitieux par Charlotte Polderman, la campagne 2016 a d’ores et déjà commencé. De quoi laisser entrevoir de belles perspectives pour les consultants et de meilleures encore pour les étudiants qui souhaitent le devenir.

Gillian Gobé pour Consultor.fr

 

Éric de Bettignies Eric Dupont
25 Nov. 2015 à 15:05
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Éric de Bettignies Eric Dupont
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