Roland Berger face aux salariés de Bosch Normandie
Un cabinet de conseil en stratégie se trouve à nouveau au cœur d’une bataille sociale. Roland Berger a été missionné il y a quelques mois pour trouver un repreneur du site Bosch de Mondeville en grandes difficultés, site spécialisé dans la production de pièces auto, primé en 2018 pour sa transformation digitale i4.0 (Manufacturing 4.0).
Au début des années 2000, Bosch Mondeville comptait 1500 salariés ; un effectif qui avait déjà été réduit à 700 en 2012.
Les quelque 500 salariés ont appris au printemps 2023 le plan social mis en place dès mi 2024, avec cent emplois en moins à la clef (départs en préretraite et volontaires) avec, à défaut de repreneur, la perspective d’une fermeture du site en 2025.
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La Plateforme de l’automobile (PFA), qui regroupe toute la filière automobile française, a rendu publique une étude confiée à Roland Berger en partenariat avec la direction générale des entreprises du ministère de l’Économie sur les segments industriels les plus porteurs pour demain dans la sous-traitance automobile.
Dans le cadre de sa mission, Roland Berger avait ainsi sondé plus de 200 entreprises, étudié plus précisément une trentaine, et proposé deux à la direction de Bosch, Mutares et Telma. Une annonce qui avait déclenché une grève massive le 26 février au sein du site normand comptant 80 % de grévistes (une intersyndicale Sud-CFE-CFTC-CFDT).
En cause, le potentiel repreneur Mutares, holding industrielle allemande spécialisée en restructuring, comme l’ont confirmé plusieurs représentants du personnel CFTC à Consultor.
« Nous mettre Mutares en Premium, c’est du foutage de gueule. Ce n’est pas à la hauteur de Bosch et de ses valeurs. Ce sont aujourd’hui des financiers qui gèrent cette entreprise, dont un ancien de McKinsey (Stephan Hartung, président du board management de Bosch, ndlr) », tempête Emmanuel de Santos.
« Concernant Mutares, nous avons découvert des liens forts entre des membres de ce fonds et de Roland Berger, cabinet aussi d’origine allemande, des anciens du cabinet sont au sein du fonds et réciproquement », ajoute Damien Barea.
« L’accord-cadre, que nous avons signé en juillet 2023 avec Bosch, stipulait que le repreneur devait faire preuve de solidité économique, sociale et industrielle. Sur le plan économique, rien à dire, le fonds pèse 6 milliards d’euros. Sur le projet industriel, il n’y a rien, et socialement, on a bien vu ce qu’il a fait à Lapeyre ! » complète Yann Lemonnier.
Depuis, devant cette levée de boucliers sociale, Mutares a retiré son offre, ce qui a conduit à la levée de la grève le 4 mars.
Quant à l’autre repreneur potentiel, Telma, l’un des leaders mondiaux des freins à induction, il n’aurait ni un projet solide ni les fonds pour que le projet soit viable selon ces salariés. « Les discussions sont encore à venir. C’est un petit industriel qui a envie, mais qui devrait avaler quatre fois plus gros qu’eux », pointe Damien Barea.
Comment s’est déroulée la mission de Roland Berger au vu des représentants du personnel ?
« Nous avons été extrêmement déçus, car c’était déjà ce cabinet en 2015 qui nous avait fait mettre en EMS (Electronic Manufacturing System, sous-traitance électronique, ndlr), mais à une condition qu’il n’y ait pas plus de 50 % d’EMS, sinon le site n’était soi-disant pas viable. Et quelques années plus tard… », s’énerve Emmanuel de Santos.
Ils ont rencontré les équipes de Roland Berger quatre fois entre septembre 2023 et janvier 2024, des réunions d’une heure, avec des équipes différentes de 4 ou 5 consultants à chaque fois, françaises, allemandes et autrichiennes, notamment Olivier Hanoulle, partner à Paris, Christoph Burckhart, partner M&A de Francfort, Jorg Brünner, senior partner restructuring à Munich, August Reinish, consultant M&A à Vienne.
« Ils nous partageaient l’état des lieux des éventuels repreneurs, mais comme ils étaient liés au principe de confidentialité, nous n’avons pas appris grand-chose. Et nous n’avons pas eu le sentiment qu’ils nous écoutaient et n’avons jamais eu de réponse claire sur nos questions sociales », déplore Damien Barea. Il ajoute concernant le coût d’une telle mission : « C’est le seul truc qu’on ne nous a pas dit. Ce que l’on sait, c’est que le cabinet sera payé en totalité seulement s’il y a une reprise effective. »
Contacté par Consultor, le groupe Bosch a répondu laconiquement : « Le groupe Bosch a fait le constat il y a plusieurs mois de la nécessité de chercher un repreneur pour le site de Mondeville. C’est dans ce contexte que le groupe Bosch a fait appel au cabinet Roland Berger. »
Quant à Roland Berger, qui a été également sollicité, il écrit : « Pour des raisons de confidentialité, nous ne faisons de commentaires ni sur les entreprises, ni sur les institutions publiques, ni sur nos clients, comme il est d’usage dans notre secteur. »
Aujourd’hui, Roland Berger n’a pas pour autant fini sa mission et doit reprendre ses recherches pour trouver de nouveaux repreneurs viables d’ici juin prochain, sous peine de liquidation. « Bosch a demandé à Roland Berger de revoir sa copie, mais de ce que l’on a compris, c’est que le cabinet a épuisé tout le stock d’éventuels repreneurs », se désole Yann Lemonnier.
Le cabinet Roland Berger connaît plutôt bien ces sujets sociaux, particulièrement ceux du secteur auto. Il est intervenu à plusieurs reprises en 2020 et 2021 pour étudier l’avenir des fonderies Aluminium à Ingrandes-sur-Vienne et des fonderies du Poitou.
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