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À dada sur la météorite gaming

Dans le contexte mondial de pandémie du covid-19 et des confinements imposés en France comme ailleurs, les jeux vidéo, divertissement roi à la maison, se font la part belle. Un secteur où les stratèges font irruption qu’ils soient cofondateurs, dirigeants ou au service de la stratégie des grands groupes.

Pierre-Anthony Canovas
16 Mar. 2021 à 05:00
À dada sur la météorite gaming

 

C’est l’un des grands vainqueurs de la crise du covid-19 en France, comme à travers le monde : le jeu vidéo. Confinés à deux reprises en 2020 et invités à « rester chez eux » le plus possible, les Français ont eu besoin de se détendre et de lâcher prise… La manette – ou le smartphone – a alors joué plus qu’à l’accoutumée le rôle d’exutoire bien nécessaire. D’après les chiffres du Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs (Sell) dévoilés lundi 1er mars, le marché français du jeu vidéo a réalisé « une performance historique », selon les termes du syndicat, avec un chiffre d’affaires de 5,3 milliards d’euros, en croissance de 11,3 % (4,8 milliards d’euros en 2019) !

Météorite gaming

Le gaming, à rebours de nombreux autres secteurs, bénéficie donc de la crise. La règle vaut pour tous les poids lourds du secteur : les ventes de la Switch de Nintendo crèvent par exemple le plafond, les applications de jeux s’arrachent sur les smartphones, l’éditeur de Call of Duty ou de Candy Crush, Activision Blizzard, publiait en août un chiffre d’affaires en progression de 38 %.

L’essor est encore plus soutenu en ligne ! La plateforme de jeux de Microsoft, Game Pass, passait en avril 2020 les 10 millions d’inscrits, quand Twitch, le plus populaire des carrefours des joueurs en ligne, atteignait le vertigineux chiffre d’un milliard et demi d’heures de jeux cumulés par l’ensemble de ses utilisateurs. Tous les géants montent d’ailleurs au créneau de la distribution de jeux en ligne : Apple, Google, Tencent, Amazon, avec en ligne de mire la martingale d’un Netflix des jeux vidéo.

Pareille effervescence n’est pas passée inaperçue auprès des entreprises de conseil en stratégie. Sur le sujet, les cabinets publient ou comptent des associés dédiés (ici chez Bain au bureau de Rome). On n’évoque pas les nombreuses entreprises de conseil dédiées à 100 % à cette industrie.

Gaming-consulting : pas de deux

Un pas de deux entre le gaming et le consulting qui ne se limite pas à des conseils. Nombre d’anciens du conseil en stratégie y trouvent des secondes vies à mille à l’heure.

Catherine Seys en est un bon exemple. L’ingénieure des Mines (2000) passe huit ans chez Kea à la sortie de ses études où elle atteint le grade de manager, avant notamment de rejoindre l’éditeur français Ubisoft (Rayman, Assassin’s Creed…). Elle y est active au sein du Strategic Innovation Lab, une équipe d’une quinzaine de personnes chargées d’alimenter la vision stratégique du PDG d’Ubisoft Yves Guillemot.  

Idem chez Homa Games, un studio de création français et éditeur de jeux sur mobile lancé en 2018 et qui vient d’annoncer mi-février une levée de fonds en amorçage de 12,5 millions d’euros.

L’ADN de la jeune pousse : des jeux sur mobile auxquels on joue rapidement entre deux pauses. Ce sont les hyper-casual games. La société parisienne qui connaît une croissance importante travaille avec des clients en Asie, aux États-Unis et en Europe et compte désormais près de 80 salariés internationaux contre une trentaine il y a un an. 

Homa Games mise beaucoup sur le rôle des consultants. Exemple récent : Julien Bourhis, un HEC qui a fait ses classes chez Roland Berger avant de passer au Boston Consulting Group, avait été nommé quelques mois plus tôt, VP en charge des opérations. 

S’il n’était pas gamer avant de débarquer du BCG, Julien Bourhis qui dirige aujourd’hui une trentaine de personnes venant de parcours variés souhaitait s’orienter vers une start-up en forte croissance avec un produit de grande consommation. Pour lui, l’enjeu crucial au quotidien est de réussir à mixer les profils entre les créatifs et les consultants.

Wanted : consultants en stratégie

« Le but n’est pas de faire une boîte de consultants ni de faire une boîte sans consultants, mais il faut réussir à faire le match entre différentes personnes de l’équipe », souligne-t-il. Et ce dernier de mettre en avant l’importance de certains stades dans la vie de l’entreprise où les stratèges, « des gens qui vont surstructurer et suranalyer », ont un rôle essentiel à jouer.

Le passage par la case conseil est à ce point apprécié chez Homa Games que l’entreprise va jusqu’à le préciser dans certaines de ses annonces, en soulignant que les backgrounds issus de cabinets de conseil en stratégie seront minutieusement regardés. Ainsi de cette fiche de poste récente pour un rôle de responsables de relation avec les éditeurs : elle précise que la boîte à outils du parfait consultant est un gros plus. Les profils de consultants avec un savoir-faire poussé dans la résolution de problèmes, le management de projet et dotés d’une communication claire ont toutes leurs chances.

Homa Games n’est pas seul dans le milieu à avoir sa petite préférence pour les profils d’anciens consultants en stratégie. Le géant britannique King (l’éditeur de Candy Crush Saga racheté par Activision en 2016) a, dès 2014, fait une place de choix à Antoine Le Nel, un ingénieur qui a passé six ans chez Oliver Wyman et deux ans au BCG. Entré en tant que director en charge du CRM, il est aujourd’hui vice-président dédié aux sujets de croissance (growth).

« C’est un environnement qui bouge très vite et même de façon parfois brutale, le tout dans une temporalité courte, on a besoin d’une grande adaptabilité et c’est dans l’ADN des consultants », explique le responsable. Pour le Français installé à Barcelone à la tête d’environ 80 salariés, dont une quinzaine d’anciens consultants, ce profil est apprécié, car les stratèges évoluent facilement dans cet univers très ancré dans les grandes séries de données.

Son parcours personnel n’est d’ailleurs pas non plus une exception au sein des dirigeants du groupe. Outre le fondateur et ancien PDG de King, l’Italien Riccardo Zacconi, passé par LEK et le BCG, l’actuel président Humam Sakhnini est un ancien de McKinsey tout comme la directrice business Evelyn Rothblum.

Un vivier de missions ciblé

Si les consultants peuvent user de leurs talents au sein des entreprises de gaming, ils peuvent aussi être amenés à opérer des missions classiques de restructuration, d’acquisitions, de due diligence ou de conduite de changement lors de crises majeures, même si c’est encore loin d’être la norme.   

Dernier exemple en date fin janvier : le Bordelais Asobo, créé en 2002 et devenu au fil des années le premier développeur indépendant français de jeux vidéo sur console et PC, vient d’ouvrir son capital au nouveau fonds Sagard NewGen lancé en juillet 2020 : 30 % du capital contre 20 millions d’euros. L’objectif est désormais de soutenir les ambitions de croissance de la société, une opération dans laquelle les équipes de Roland Berger et l’un de ses partners Jean-Michel Cagin ont été impliqués.

Des opportunités de missions de conseil dans le gaming que les cabinets, qui n’y sont encore que timidement, cherchent à mieux saisir. « Nous suivons de près cette industrie en plein essor qui tire son épingle de la crise actuelle », reconnaît Philippe Curt, associé chez PMP.

Au sein du cabinet, certains consultants maison connaissent bien cette industrie. L’un d’eux, Akram Samar, explique : « L’industrie du gaming est une industrie finalement un peu oubliée par le conseil. Elle nécessite en effet une approche marketing très particulière avec des comportements clients qui sont très spécifiques. Un des gros sujets du moment et bien connu du cabinet porte notamment sur l’évolution du modèle d’affaires (cf. plus haut), des achats de jeux à la carte à des plateformes façon Netflix.»

Une industrie qui devrait bondir

Les missions potentielles ne devraient en tout cas pas manquer tant le secteur bouge et grossit. D’après une étude du cabinet britannique Juniper Research, l’industrie du jeu vidéo devrait générer près de 200 milliards de dollars de revenus (165 Md€) en 2025 contre 155 milliards (127 Md€) prévus en 2020 ! Et en France ? Le cabinet parie sur 13 milliards de dollars (10,7 Md€) de revenus globaux pour l’ensemble de l’industrie dans quatre ans à peine ! De quoi susciter bien des envies…

Pierre-Anthony Canovas et Benjamin Polle pour Consultor.fr

Crédit photo : SEOUL - SEPT 24: A big balloon - Pikachu figure from Pokemon anime in Seoul on September 24. 2016 in South Korea.

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Pierre-Anthony Canovas
16 Mar. 2021 à 05:00
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Philippe Curt
2021-11-01 21:53:29
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