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Accenture Strategy : les dessous de la réorganisation

Que reste-t-il de l’ambition d’Accenture dans le domaine du conseil en stratégie avec cette nouvelle organisation ? Éléments de réponses.


Benjamin Polle
20 Fév. 2020 à 05:23
Accenture Strategy : les dessous de la réorganisation

En France, Cédric Vatier, déjà directeur général pour la France et le Benelux d’Accenture Strategy, prendra la direction d’Accenture Strategy & Consulting (dans cet ordre), l’un des pôles internes nés de la réorganisation annoncée mi-janvier par le nouveau PDG Julie Sweet et dont le patron en France d’Accenture s’est fait le porte-voix récemment. D’autres patrons régionaux seront nommés aux mêmes fonctions d’ici le mois de mars, avec l’ambition de tripler l’activité consulting d’Accenture.

Deux mois après qu’Accenture à New York a fait savoir dans un communiqué de presse qu’il remettait à plat son modèle d’organisation de groupe de conseil diversifié, le remue-ménage est bien engagé, ainsi que l’a annoncé Olivier Girard, le patron d’Accenture France, le 10 février devant 200 cadres dirigeants.

Il décline pour sa zone les priorités identifiées, dès le 13 janvier dans un communiqué publié à New York par Julie Sweet. Celle qui a succédé le 1er septembre 2019 à Pierre Nanterme en tant que CEO du colosse aux 492 000 salariés et 43,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires au 31 août 2019 dressait alors une ligne directrice claire : la simplification.

L’ensemble des lignes de services d’Accenture est réduit à quatre offres : interactive, technology, operations et strategy & consulting, en lieu et place de digital, technology, operations, consulting et strategy.

Exit le digital dont la direction d’Accenture estime qu’il est partout et qu’il n’a plus à faire l’objet d’une verticale dédiée. Mais surtout fusion de strategy avec consulting : ce qui, à première vue, revient à mettre un terme à la marque de conseil en stratégie lancée en fanfare par Accenture en 2014 et dont la destinée en France et au Benelux avait été confiée à Fabrice Asvazadourian, un ancien partner de Roland Berger).

« Accenture ne veut pas tuer la poule aux œufs d’or »

En interne, nos interlocuteurs chez Accenture Strategy s’empressent d’indiquer que la réorganisation est mineure et que les efforts déployés pour monter en gamme sont saufs : « La marque Accenture Strategy demeure telle qu’elle existe. Accenture ne veut pas tuer la poule aux œufs d’or : Strategy croît à deux chiffres par an, a réussi à installer un positionnement prix et des taux journaliers moyens élevés, et offre des évolutions de carrière qui n’ont pas à rougir de la concurrence. »

En clair, la réorganisation en cours n’invaliderait en rien le positionnement premium de la marque.

Chiffres déclaratifs à l’appui : la marque de conseil en stratégie enregistrerait une croissance à deux chiffres tous les ans et compterait 450 consultants et 50 partners en zone Gallia (France, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg) – ce qui positionnerait l’activité de conseil en stratégie sur un ratio de neuf consultants pour un partner, assez élevé, mais crédible dans le secteur.

Sauver le soldat Accenture Consulting

À les entendre, les raisons de ce rapprochement sont ailleurs. Un sujet de taille d’abord, nous dit un autre partner. « Accenture Consulting, ce sont plusieurs dizaines de milliers de consultants dans le monde ; Accenture Strategy, 10 000. Il fallait arriver à un ensemble dédié au conseil qui soit plus cohérent », explique-t-on.

Puis un sujet de coordination. « Les équipes d’Accenture Consulting étaient divisées en cinq groupes sectoriels (communication, media & technology, financial services, health and public service, products, ressources, ndlr) et étaient très silotées », explique une autre source. Les synergies entre Accenture Strategy et Consulting sur des missions de TJM allant de moins de 1 000 euros par jour et par consultant à plus de 2 000 euros ne fonctionnaient pas ou mal. Accenture Consulting ne constituera donc plus qu’une seule équipe, censée être mieux coordonnée et plus puissante.

Désormais un P&L européen se substitue aux P&L des groupes sectoriels. P&L qui s’appliquaient à Accenture Consulting mais pas à Accenture Strategy. A fortiori, au moment de sa création en 2013 puis de son lancement en 2014, Accenture Strategy, qui a multiplié les acquisitions depuis (Javelin Group, Schlumberger Business Consulting, les activités retails de Kurt Salmon), a vidé de sa substance les équipes d’Accenture Consulting préexistantes. Au point d’en faire le parent pauvre des activités de conseil, d’autant plus qu’Accenture Digital, autre marque lancée à la même époque, avait aussi pioché dans ses effectifs.

Le rééquilibrage est donc pour maintenant avec l’ambition de tirer vers le haut Accenture Consulting dans une seule et même entité de grosso modo 40 000 personnes dans le monde : Accenture Strategy & Consulting qui inclura aussi les capacités d’Applied Intelligence, la data science made in Accenture.

En France, cet ensemble comptera 1 000 consultants, dont entre 250 et 350 consultants Accenture Strategy selon les chiffres variables donnés à Consultor (LinkedIn décompte 209 consultants Accenture Strategy en France le 19 février 2020). Tous seront organisés selon une matrice assez classique dans le conseil en stratégie d’une douzaine de secteurs (automobile, industries manufacturières, aviation, retail, utilities...) et quelques fonctions (finances, RH…).

Améliorer la coordination entre Strategy & Consulting

Ils seront emmenés par des patrons d’activités Accenture Strategy & Consulting en charge de distribuer les rôles et d’améliorer les synergies. « Sur les missions de bout en bout, nous le faisions un peu à la manière de Monsieur Jourdain, sans le savoir. Nous avons une marge réelle de progrès sur ce point », dit l'un de nos interlocuteurs.

Avec une répartition claire des rôles : à Accenture Strategy les fusions et acquisitions, les plans stratégiques, les budgets base zéro, les grosses missions de transformation, de performance industrielle, de stratégie de croissance dans de nouveaux services, de due diligence stratégique, et à Accenture Consulting la conduite du changement, l’urbanisation de système d’information ou la mise en place de process opérationnels dans la logistique ou la supply chain.

En France, c’est Cédric Vatier qui prendra la tête de ce nouveau pôle conseil. Au niveau mondial, Annette Rippert, qui dirigeait jusqu’à présent Accenture Technology aux États-Unis, prend la direction mondiale des équipes Accenture Strategy & Consulting. Alors que Kathleen O’Reilly, senior managing director, patronne de la région Nord-Est aux États-Unis depuis 2016 et précédemment senior managing director pour la practice communications, media & technology d’Accenture Strategy, prend, elle, la tête d’Accenture Strategy.

Et le bal des nominations ne fait que commencer. Des nouvelles têtes de pont strategy & consulting sont en cours de sélection dans les différentes régions d’activités différentes d’Accenture dans le monde. Elles interviendront d’ici mars et donneront, veulent croire nos interlocuteurs, la priorité à des gens issus des rangs d’Accenture Strategy. « Seront promus ceux qui ont les business les plus performants », élude l’une de nos sources.

Multiplier par trois le volume d’activité en cinq ans, mais à quel prix ?

Objectif de ces grandes manœuvres : la croissance. Accenture considère ne pas être à sa part de marché optimale dans le conseil. L’ambition des équipes strategy & consulting sera de multiplier par trois le volume d’activité en cinq ans.

On n’en saura pas beaucoup plus sur le réalisme de ces professions de foi et la croissance réelle des activités d’Accenture Strategy. Car, dans les faits, le portefeuille de clients d’Accenture Strategy en zone Gallia que décrivait à Consultor Fabrice Asvazadourian en 2017, alors patron d’Accenture Strategy, reste peu ou prou le même : une cinquantaine de gros clients récurrents quoique les services de communication d’Accenture en France nous indiquent qu’ils ont beaucoup crû ces dernières années.

Et un défi de notoriété auprès des clients et des recrues encore loin d’être gagné. D’ailleurs, en 2017, Fabrice Asvazadourian parlait de 150 recrutements prévus en 2018… Sans que l’effectif d’Accenture Strategy ait crû depuis puisqu’il serait toujours de 450 en zone Gallia. Là non plus aucun chiffre officiel n’est communiqué. « Nos plans de recrutement strategy ne sont pas impactés. Notre taux d’attrition, que nous ne communiquons pas, est dans la moyenne du marché du conseil », indique, sans autres précisions, la communication d’Accenture France à ce sujet.

Si ces réorganisations peuvent susciter quelques frustrations, personne n’en fait état frontalement. « Il n’y a aucun renoncement de notre part. C’est une réorganisation interne, tonne un autre partner Accenture Strategy. Notre leadership est consolidé et ce regroupement renforce notre positionnement de consultants globaux multicartes, qui est beaucoup plus tenable sur le long cours que celui de McKinsey, Oliver Wyman, Roland Berger ou Kearney. »

Dans l’immédiat, au siège d’Accenture à Paris, non loin de la bibliothèque François Mitterrand, tout change mais rien ne change pour les équipes de consultants : les équipes d’Accenture Consulting et d’Accenture Strategy resteront chacune à leur étage. Peut-être, seulement, qu’à compter du printemps, quand les réorganisations seront pleinement opérationnelles, prendront-elles un peu plus souvent l’ascenseur.

Benjamin Polle pour Consultor.fr

Oliver Wyman McKinsey Roland Berger
Benjamin Polle
20 Fév. 2020 à 05:23
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