Fabrice Asvazadourian : de la stratégie au digital
Après plus de 30 ans dans le secteur du conseil en stratégie, notamment chez Mercer (repris depuis par Oliver Wyman) et Roland Berger, Fabrice Asvazadourian, 57 ans, a pris la tête il y a 2 ans, de Sopra Steria Next, l’activité conseil d’une SSII. Un changement de cap tech pour ce consultant expert des services financiers qui cherchait un nouveau souffle pro « à impact ».
Pourquoi cet ingénieur des Mines, devenu l’un des M. Banques de Roland Berger, senior partner responsable monde des services financiers, a-t-il fait de choix de quitter le conseil en stratégie pour un nouveau challenge dans le conseil en IT ? En prenant la tête d’un jeune cabinet de conseil lancé en 2020 par l’entreprise de services du numérique Sopra Steria…
Mercer, Roland Berger, Accenture Strategy : la banque (presque) par hasard
Rewind. Diplômé de l’école des Mines en 1990, Fabrice Asvazadourian a en effet fait ses armes pros pendant ses 7 premières années comme chairman et CEO des ateliers Asdourian, une PMI française du secteur de l’imprimerie de tradition (timbrage, gaufrage, dorure à chaud, estampage, typo…). C’est en 1990 que son chemin consulting débute lorsqu’il entre dans le cabinet de conseil Mercer Management Consulting, alors une entité de Marsh & McLennan (qui l’avait racheté en 1959, puis intégré à Oliver Wyman en 2003). « J’ai appris mon métier de consultant chez Oliver Wyman et je suis tombé dans la banque par hasard à un moment où il y avait beaucoup de reengineering dans ce secteur et qui était alors particulièrement consommateur de consultants ! » Fabrice Asvazadourian y est promu partner en 2000, puis responsable des services financiers et enfin du cabinet en France. Et ce, alors même qu’il le confie à Consultor : « Je n’étais pas fait pour faire de la banque. Mais dans toutes nos industries, il y a des choses fantastiques à faire. »
En 2011, à 44 ans, le consultant rejoint Roland Berger comme senior partner responsable monde de cette practice. Un cabinet dans lequel l’expert en services financiers aurait pu continuer à couler des « jours heureux » de référent du secteur dans un grand cabinet de conseil en stratégie de la place. Mais à « un moment où se posait la question du futur du métier, et du futur de Fabrice comme consultant », en 2015, Fabrice Asvazadourian est contacté par Accenture pour prendre la tête du pôle Stratégie France et Benelux. « Cette expérience a élargi ma palette de compétences, parce que dans ce cabinet les technologies sont à son cœur, ce qui m’a permis de passer des recommandations à l’engagement, où l’on voit la vitesse de déploiement et les résultats, le véritable impact, ce que l’on ne sait pas bien faire dans le conseil en stratégie. » Entre 2020 et 2022, il est le leader Europe de la practice Banques de ce cabinet de conseil mondial de plus de 700 000 collaborateurs, « un autre job qui a nécessité de passer d’une horizontale à une verticale, du conseil, à l’outsourcing, au digital, à l’intégration, et bâtir une offre end to end ». Accenture, « une machine puissante où tout est superbement processé », dans laquelle le M. Banques Europe se sent un peu à l’étroit. « J’avais envie de retrouver un environnement plus entrepreneurial où on ressent de façon plus tangible notre impact personnel. »
Sopra Steria : une nouvelle corde à l’arc conseil
C’est dans ce contexte que le consultant rencontre le fondateur de Sopra Steria, Pierre Pasquier, et son directeur général, Cyril Malargé, qui souhaitaient donner une impulsion à Sopra Steria Next, tout jeune cabinet de conseil du groupe dédié à la transformation numérique créé en 2020. Pourquoi cette jeune entité de conseil en IT lancée en 2020 par le groupe Sopra Steria a-t-elle su séduire un ponte du conseil en stratégie, plus de 30 ans de carrière au compteur ? « Les projets m’intéressent, à savoir apporter aux clients une offre de conseil qui permet d’aller plus rapidement dans le passage à l’échelle, avec un mélange de business et de tech. Si notre cabinet est actuellement peu connu, nous sommes aussi Sopra Steria, une grande ESN avec sa position très forte sur la tech, une connaissance détaillée du système d’information de nos clients. Un système de conseil qui sait projeter les maillons entre les systèmes legacy (matériels et logiciels parfois anciens toujours actifs dans les entreprises, ndlr) et les nouvelles couches technologiques. »
Ce qui différencie Sopra Steria Next (4 000 consultants en Europe, dont 1 500 pur tech) des multiples cabinets de conseil en stratégie proposant de la transfo digitale ? « Ce n’est pas le plus difficile de définir une cible, d’élaborer une feuille de route stratégique, cela devient moins simple de piloter les programmes de transformation pour les mettre en œuvre, même si les cabinets savent le faire. Et ce qui devient vraiment compliqué, en revanche, et que les cabinets ne proposent pas, c’est de définir comment mettre tout cela sur le système legacy pour que cela fonctionne en temps réel. Tout le monde parle d’IA et fait des POC (Proof of Concept, ndlr), mais il faut savoir s’assurer que le mode industriel fonctionne bien. » Très fier le DG de donner comme exemples-vitrines des missions de son cabinet la digitalisation de l’ensemble du parcours des prisonniers, « c’est utile pour la société, cela montre l’équité de la justice », ou une application de traduction destinée aux agents SNCF à l’occasion des J.O. 2024, ou encore un outil de « chasse à la fraude pour les services des impôts ».
Le défi du DG dans l’IT
Comment ce petit et jeune cabinet de conseil dont la marque n’est pas – encore – identifiée fait-il face à la concurrence des cabinets de conseil en stratégie de la place qui vendent une offre transfo digitale ? Ce n’est pas un sujet aux yeux du DG de Sopra Steria Next. « Les grands cabinets font de moins en moins de stratégie pure, cela peut représenter 10 % de leur activité. Et ils sont en amont de la transformation digitale, notre cabinet est véritablement sur la transformation digitale. Nous sommes complémentaires en réalité, il nous arrive de faire des partenariats et des groupements sur des sujets, notamment dans le domaine de la banque que je connais bien. Et nous sommes capables de faire une grande partie de ce qu’ils font et d’embarquer mieux les équipes de nos clients en avançant. Notre objectif à moyen terme est d’être reconnus comme une marque différenciante. »
Et la marque Sopra Steria, est-ce une force, un frein ? « Il m’a été demandé de regarder ce point de près pour savoir si nous devions changer de nom de marque. Mais nous avons fait le choix de la garder, car elle porte notre promesse. »
Diriger un cabinet de conseil en IT après avoir été à la tête de grands pôles de grands cabinets du conseil en stratégie, c’est aussi un autre métier. « Les partners sont quelque part des artisans, ils vendent leurs projets, les supervisent. C’est ce qui fait le sel de ce métier de mon point de vue. Et je l’ai fait avec grand plaisir. Aujourd’hui, on me demande de porter ce business de 4 000 consultants dans 30 pays, de le démultiplier dans d’autres géographies, de le piloter de façon opérationnelle. J’ai toujours autant de plaisir à conseiller des clients, mais mon premier client, c’est Sopra Steria Next. Et j’ai bien entendu aussi le plaisir de contribuer à la stratégie du groupe en tant que membre du comex. »
Alors, après plus de 30 ans dans le secteur du conseil en stratégie, le consultant ne se voit pourtant pas y retourner. « On n’en fait jamais le tour, même si j’ai fait beaucoup de recoins. Mais cela parait plus qu’improbable, car je m’amuse beaucoup plus aujourd’hui dans la mesure où ce sont mes idées que je développe et que je mets en œuvre. J’ai toute une série de très belles missions qui pourront meubler mes longues soirées… » Au tableau de ses belles missions « banques », Fabrice Asvazadourian en partage deux d’entre elles particulièrement marquantes. Pas forcément sur le fond d’ailleurs… D’abord, une mission gagnée chez Accenture Strategy contre de nombreux autres cabinets candidats où il s’est agi de travailler sur un plan moyen terme et un projet de développement d’une des plus grandes banques françaises. Un très bon souvenir d’avoir surpassé de très sérieux concurrents et où « on a gagné en déplaçant le jeu ». Nous n’en saurons pas plus. Ensuite, alors que Fabrice Asvazadourian était à la tête de la practice Banques de Roland Berger, l’accompagnement d’une banque mise en run off lors de la crise souveraine des années 2010, « un plan de mise sous sarcophage avec un accompagnement programmé de 24 mois ». Deux missions à forts enjeux, « aux deux bouts de la chaine ». Une boucle est bouclée.
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