Combien de consultants par partner ? Le taux d'encadrement met le marché du conseil sens dessus dessous
Existe-t-il des champions du conseil en stratégie cachés en France, tout comme ceux identifiés en Allemagne à l’occasion d’un sondage auprès de clients outre-Rhin ? En tout cas, recenser le nombre de partners et de consultants par société de conseil en stratégie en France permet d’aller au-delà de la notoriété spontanée des marques – et de la qualité des prestations qu’inconsciemment on y associe. C’est l’exercice auquel Consultor s’est livré.
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Un premier constat, le plus évident : ramenée au marché parisien, la sédimentation « Top tier » des cabinets de conseil part en fumée. En comparant le nombre d’associés des cabinets inventoriés par Consultor, d’un point de vue quantitatif uniquement, la prédominance de McKinsey, du Boston Consulting Group et de Bain – alias MBB – ne tient pas.
Dans cette perspective, il ne faut plus considérer, à Paris, un trio de tête, mais un quinté dans lequel figurent Oliver Wyman et Roland Berger. Puis vient un second groupe : celui des cabinets qui passent la dizaine d’associés, en allant de Kea (dix-huit associés) à Monitor Deloitte. Et un dernier groupe de cabinets dont l’effectif d’associés tombe sous la dizaine.
Du point de vue des effectifs, les chiffres recensés par Consultor ne sont pas plus dans les clous du très révéré MBB. Premier enseignement largement admis : le BCG est de loin le premier par la taille de son staff de consultants. En revanche, la suite est moins connue : Roland Berger se démarque des cabinets suivants avec 273 consultants et se positionne davantage dans le sillon de McKinsey, que dans le groupe aux staffs allant grosso modo de 200 à 100 consultants.
« C’est un indicateur que l’on suit, non pas pour nous comparer, mais pour rester fidèle à notre positionnement »
Mais ces deux premiers critères sont sans doute les moins intéressants, bêtement quantitatifs en quelques sortes. Car en classant les cabinets de ce panel selon un ratio du nombre de consultants par associés, on parvient à des résultats radicalement différents et des interprétations tout aussi variées. « C’est un indicateur que l’on suit, non pas pour nous comparer, mais pour rester fidèle à notre positionnement : une équipe senior resserrée », indique Alain Guillot, managing director chez AlixPartners.
Si on classe ces ratios du plus petit au plus grand, apparaissent d’abord les cabinets où, dans l’organigramme au moins, les consultants sont les moins nombreux par associé. Surprise : ce sont Theano Advisors, Courcelles Conseil, Ylios et Oliver Wyman qui arrivent en tête, avec un taux d’encadrement inférieur à 5 consultants par associé.
Ce qui est a priori un gage très fort d’accessibilité des partners, de leur engagement dans les missions, voire par extension un gage de missions responsabilisantes et plus intéressantes. À la différence de grosses maisons de conseil en management où il n’est pas rare de compter un associé pour vingt-cinq à trente consultants.
6 consultants par associé dans la stratégie, 12 dans le conseil en IT : « Pas un jugement de valeur, mais des métiers différents »
« Le ratio est indicateur intéressant pour distinguer les cabinets et leurs types de missions : 6 ou 7 consultants par associé est le niveau type des pure players du conseil de direction générale quand douze consultants par associé tendent davantage vers le conseil en organisation ou en IT. Ce n’est pas un jugement de valeurs mais ce sont des métiers différents », pose Grégoire Baudry, partner chez Bain, en charge du recrutement à Paris.
À une nuance près pour Oliver Wyman et Theano Advisors : tous deux héritent du modèle du Delta Consulting Group, où des associés âgés d’une quarantaine d’années ou plus conduisaient des missions en solo, avec pas ou peu de consultants. Or même si ces derniers sont partis ou sur le départ, plusieurs associés de Delta comptent dans les rangs du partnership parisien après que Delta a été fusionné avec Mercer Management Consulting et Oliver Wyman en 2007.
Et Theano Advisors a été mis sur pied en 2012 par Michel Zarka qui, dans une autre vie, avait créé Conduite et Management du Changement, une société reprise par Mercer en 2002, puis fondue dans Delta. Theano est la continuation du modèle de Delta – après le départ en retraite du fondateur David Nadler en 2013.
« Les modèles sont différents. Dans le cas d’Alix, nous ne recrutons quasiment pas de jeunes diplômés. Dans notre cabinet, la moyenne du nombre d’années d’expérience, managing directors et consultants confondus, est supérieure à quinze ans ; chez certains de nos concurrents, elle tourne plutôt autour de cinq à sept ans », dit Alain Guillot.
Chez AlixPartners, à Paris, les managing partners passent « plus de 50 % » de leur temps à la réalisation de la mission, à leur production, et non pas en supervision à distance. « Certains de nos clients nous disent : “Alix se différencie par la présence de ses associés, car ils ne viennent pas que pour signer le contrat et lors du dernier comité de pilotage”. »
Les cabinets à forte séniorité intégrée et les autres ?
À bon entendeur ! Quoiqu’aucun cabinet ne dira on the record que ses associés ne sont pas investis dans les missions, ou hands-on comme veut l’anglicisme d’usage. Ceci dit, les interprétations à donner à ces chiffres sont plurielles. À première vue, on serait tenté de ranger les cabinets dans deux typologies : d’un côté, les maisons aux missions à forte séniorité intégrée, type Alix ; de l’autre, les sociétés où le nombre de consultants à staffer relève davantage de l’usine. Ce qui ne tient pas non plus longtemps l’analyse.
Chez L.E.K., plutôt en queue de peloton de cet indicateur de consultants par associé, on réfute l’image d’un partner cantonné au rôle de « super commercial ». On défend plutôt des associés ambidextres : proches des consultants mais par ailleurs tenus à des objectifs commerciaux suffisamment importants pour « nourrir » tout le staff.
Et moins de consultants par associé n’est pas non plus synonyme de moins de développement commercial. Au contraire, l’implication des associés dans les missions pourrait faire boule de neige. Une implication qui peut être à niveaux variables selon l’ancienneté des associés : les plus expérimentés prenant avec le temps clairement un rôle de supervision, d’influence ou de signature de gros contrats, renvoyant la conduite de la mission à des grades d’associés inférieurs, voire à des consultants seniors.
Une mesure significative pour les étudiants, les consultants et les clients
Ailleurs, on dément la pertinence de comparaisons au-delà du périmètre des practices. « Le taux d’encadrement est un indicateur structurant du conseil de direction générale, mais practice par practice. Je regarde ce que font les quelques associés de McKinsey ou de Roland Berger dans le domaine des services financiers ; au-delà ça n’a pas de sens », explique Antoine Desjars, senior partners chez Ares & Co, justement 100 % dédié au secteur financier.
D’autres dézinguent courtoisement des ratios artificiellement bas du fait de nominations très rapides au grade de partners ou du fait de la multiplication des partners non-exécutifs dédiés à la RH ou à la vie des bureaux, sans lien avec les clients. Mais en tout cas, afficher des équipes seniors semble un prérequis.
Comme chez Oliver Wyman, où le ratio affiché de 4,5 « traduit la volonté du cabinet et des clients d’avoir plus de séniorité sur les projets, avec des équipes resserrées », explique le bureau parisien.
Côté consultants, le taux d’encadrement n’est donc pas une amulette qui garantit la qualité des relations avec les associés ou celle des missions. Tout juste permet-il de mettre en regard la marque avec l’organisation du staff. Ensuite, aux consultants et aux clients de faire leur choix.
Avec, comme dit Grégoire Baudry, un bon indicateur en tête : « Connaître la réalité de l’engagement des partners. Passent-ils leur temps en démarchage commercial ou à aider les équipes sur les missions ? Nous conseillons aux étudiants de poser la question aux juniors ». Quant aux clients, il n’est pas rare chez Bain qu’ils se fassent préciser en amont d’une mission le temps utile de profils seniors et expérimentés qu’ils auront à disposition.
Benjamin Polle pour Consultor.fr
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