BCG : quand vient l’heure de la sortie
Le Boston Consulting Group a instauré un processus standardisé de gestion des fins de contrat de ses consultants.
Plusieurs ex-BCG nous en donnent les principes de fonctionnement.
[Sollicité pour commenter ces informations, le bureau du BCG à Paris indique que "le CTP n'est pas public par nature. Nous ne confirmons ni ne validons ces faits chiffrés", ndlr]
Une fin pas forcément prévisible
Le turnover des cabinets – c’est-à-dire la proportion du contingent de consultants qu’il faut renouveler chaque année – est relativement élevé. Grosso modo, il concerne 15% des effectifs, avec toutes les précautions que pareille estimation implique, notamment à cause des trous d’activités ou des conjonctures défavorables qui augmentent sensiblement ce chiffre.
Mais pour des facilités de raisonnement, prenons une moyenne de 15%. Au Boston Consulting Group, avec actuellement 330 consultants en place à Paris, il s’agit donc de gérer une cinquantaine de départs chaque année.
Pour ce faire, et ainsi constamment adapter le volume de consultants à la charge de travail tout en répondant aux exigences qualitatives attendues de chacun de ses collaborateurs, le BCG a mis en place ce qu’il appelle le Career Transition Program (CTP). Derrière ce titre un peu fourre-tout, il s’agit d’offrir un traitement commun à tous les futurs ex-consultants BCG et de faciliter leur retour à l’emploi.
Car ici, on ne fait pas dans l’esclandre et les portes qui claquent. Même si pour des gens plutôt brillants qui ont réussi à intégrer une des marques de la stratégie les plus en vue, l’aveu d’échec peut être cinglant et le coup au moral un peu dur à encaisser.
Le départ – tous grades confondus – est acté lors d’une des revues de performance diligentées deux fois par an par un partner référent. Ce bilan biannuel est très classique dans le secteur, avec quelques petites variations de forme et de fréquence d’une maison à l’autre.
Au BCG, il porte sur une série de critères, comme la capacité d’analyse ou la relation client, à quelques petites différences près en fonction du niveau atteint dans la hiérarchie. On attendra plus d’un manager en termes de développement de l’activité, et plus de leadership de la part d’un senior.
Au BCG, trois grands cas de figure peuvent déclencher le départ d’un collaborateur.
- Le niveau d’incompétence est atteint, et les notes reçues s'en ressentent nettement
- Le consultant répond encore aux exigences et obtient des notes passables, sans toutefois pouvoir espérer passer au grade supérieur
- Volonté individuelle de mettre un terme à son contrat, même si les perspectives de progression ne sont pas bouchées
Dans les deux premiers cas, une alerte peut être donnée aux personnes concernées six mois avant, par la voix d'un partner. "Tu es sur la sellette, fais gaffe", avertit-il en substance. Mais le couperet de l’évaluation négative peut intervenir de façon plus brutale, si par exemple l’objectif du nombre des départs augmente d’un coup. La performance individuelle seule ne fait pas tout, faut-il encore que le volume d'activité suive.
Six mois maximum pour rebondir ailleurs
Une fois dans le collimateur, deux options s’offrent aux consultants concernés : take the money and run, ou bien bénéficier d’une forme légère d’outplacement pendant un certain délai, fixé par l'usage à six mois.
Choix un : il s’agit de se mettre d’accord sur une rupture conventionnelle du contrat de travail, moyennant cinq à six mois de salaire. Un mois après signature de la rupture conventionnelle, le consultant quitte le cabinet.
Une minorité choisit cependant cette option et préfère une période tampon gérée en interne. C'est ce laps de temps d'une durée de six mois avant le départ effectif du consultant, qui est à proprement parler pris en charge par le CTP.
En un mot, le programme est conçu pour simplifier le départ, côté consultant et côté cabinet. Le consultant bénéficie d’un encadrement censé faciliter son recyclage professionnel dans les meilleures conditions. Celui-ci inclut une rémunération laissée intact alors que la charge de travail est ramenée peu ou prou à zéro, une dizaine d’heure de coaching pour retravailler le CV, un accès privilégié aux partners pour tout piston potentiel, ainsi qu’à une base de données d’offres d’emploi notamment fournies par le réseau des anciens.
Plutôt confortable ? Sur les deux premiers mois, sans aucun doute, mais la pression va ensuite croissant, et certains n’hésitent pas à parler d’une guerre des nerfs. Au bout de quatre mois, ce sont bien deux tiers des consultants visés qui ont trouvé à se recaser. Ceux-là démissionnent de leur propre chef.
Pour le tiers de consultants restant, en règle générale ils cherchent dans un secteur plus difficile ou veulent un poste très pointu. Le partner référent les informe que la période de ballotage arrivera bientôt à son terme. Les face-à-face de suivi se multiplient, et la pression monte doucement, sans jamais devenir frontale.
Dans l'immense majorité des cas, l'objectif, des deux côtés, est bel et bien de mettre un terme à l'inconfort de la situation au plus vite. Si, toutefois, le message ne devait pas passer auprès de certains, les appels du pied peuvent se faire plus insistants. Au bout de cinq mois, le cabinet peut par exemple mettre dans la balance le retour du staffing sur des missions peu gratifiantes, accompagné d'une baisse plus que significative de la rémunération.
Par Benjamin Polle pour Consultor, portail du conseil en stratégie- 06/07/2012
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