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Du conseil à la brasserie : buller encore et toujours

Deux ans après son lancement, l’atelier de brassage de bière ouvert par d’anciens consultants en stratégie fait le plein. Un modèle rentable où les outils du conseil ne sont jamais loin.

2016, Paris. Après des décennies d’absence, la fièvre du brassage remonte au pays de la cervoise.

18 Mai. 2018 à 11:26
Du conseil à la brasserie : buller encore et toujours

La chaîne de pub Frog Beers est dans la place depuis le milieu des années 1990 (sept enseignes aujourd’hui) et a été rejointe par la brasserie de la Goutte d’Or, la BAPBAP (brassée à Paris, bue à Paris) dans le 11e arrondissement, La Parisienne dans le 13e arrondissement, la Deck & Donohue à Montreuil. Pareille effervescence de micro-brasseries donne des idées à trois amis de promo à l’ESSEC, tous partis dans le conseil en démarrage de carrière.

L’un chez Bain : Gaspard de Stabenrath y restera deux ans comme associate consultant. Les deux autres chez A.T. Kearney : Martin Pellet jusqu’au grade de senior consultant en 2015 et Manuel Delaune qui quitte ATK en 2016 en tant que manager. « La bière a été uniformisée par l’industrie. Quand on a compris que cela ne se limite pas à la Kronenbourg, l’univers des bières artisanales devient passionnant », raconte Martin Pellet, qui dès le lycée fabriquait des petites quantités entre amis.

En 2016, les trois consultants sautent le pas et veulent faire partager le caractère ludique de la fabrication de bières dans leur propre atelier de brassage. Deux ans après, Martin Pellet reste seul à bord de la Beer Fabrique – au côté de trois salariés. L’équipe tient les rênes de la boutique rue Guillaume Bertrand dans le 11e arrondissement.

Deux étages où les groupes de particuliers et de professionnels se succèdent pour participer aux ateliers de brassage. Le modèle est voisin des micro-brasseries et fait florès lui aussi. Brew Unique, Houblonneurs, Ma Bière… les concurrents parisiens directs ne manquent pas. Le principe de ces ateliers est simple : des néophytes passent quelques heures à s’initier au b.a.-ba de la fabrication de la boisson.

Un esprit tourné vers les solutions hérité du conseil

Le processus plutôt simple reste très largement méconnu, alors que la France est pourtant le 26e plus gros pays consommateur dans le monde avec pas moins de 30 litres par personne et par an (Source : Brasseurs de France). Choix des ingrédients (orges maltées, houblons et épices), confection des bières selon différentes recettes jusqu’à la mise en bouteille, dégustation de Stout, Triple, IPA… le principe de demi-journées brassicoles marche. La Beer Fabrique affiche complet, avec 10 000 clients par an, et un modèle économique rentable dès la première année, grâce notamment à des apports financiers raisonnables et un bail commercial peu coûteux.

Plusieurs raisons expliquent l’engouement pour la Beer Fabrique. La première : l’attention portée par les fondateurs pour que l’atelier soit une expérience à part entière, ludique et pédagogique. Ce qui présupposait de régler mille menus problèmes a priori défavorables à la production en série de petites quantités de bière. Quand les brasseries traditionnelles font un à trois gros volumes par semaine, la Beer Fabrique doit en aligner 60 à 80, et assurer pour chacun la fermentation sur une quinzaine de jours avant l’embouteillage et l’étiquetage que les clients reviennent effectuer deux semaines après l’atelier.

« On était le deuxième atelier de brassage à Paris. Il a fallu créer tout le process au millimètre », se souvient Martin Pellet. Dans le même registre, la Beer Fabrique, en plein boboland, se devait d’être trendy, tout en intégrant des contraintes non négociables. Comme la dizaine de postes de travail équipés de plaques de cuisson, chacun desservi par des arrivées en eau à 80 degrés – température requise pour le rinçage du malt après cuisson. Pas forcément évident pour des têtes habituées aux abstractions. « On a dû appeler des experts en plomberie », s’amuse aujourd’hui Martin Pellet.

En lien direct avec les missions ATK

Autant de petits et grands défis à résoudre au jour le jour qui sont en droite ligne avec la culture des solutions érigées au rang de religion dans le conseil. Ainsi, ces missions très opérationnelles de six à huit semaines dans des usines où des consultants ATK, dont Martin Pellet, étaient envoyés pour revoir du sol au plafond toute l’organisation logistique et humaine. « Des missions commandos où on part de zéro avec l’objectif de tout revoir jusqu’au rôle de chaque personne et la place de la moindre machine », dit Martin Pellet.

Une excellence opérationnelle dont les consultants ont pu faire bon usage dans leur nouvelle vie entrepreneuriale. Côté achat, le souvenir le plus structurant des années ATK est celui d’une mission de réduction des coûts de fourniture pour un groupe hôtelier américain. « Ce sont des choses aussi bêtes que le nombre de pains au chocolat servis dans les différents hôtels du groupe, 150 au bas mot. Soit plusieurs milliers de fournisseurs différents à l’échelle de l’Europe. À l’extrême, cela donne un salarié qui se rend à la boulangerie du coin pour compléter la gamme de pains servis pour le petit-déjeuner. Massifier ces achats auprès d’un nombre restreint de fournisseurs permet de rationaliser fortement les coûts », raconte-t-il.

Idem pour les fournisseurs de téléphonie fixe, mobile et internet dont les consultants ont réduit le nombre de vingt-cinq à cinq à l’occasion de la même mission, et les coûts associés de 30 %. Des expériences utiles au moment de fournir sa propre entreprise en malts, houblons, levures, cuves, seaux et autres ! « Je l’applique au quotidien », assure Martin Pellet.

Sur les ventes, la référence est unegamme de produits d’alimentation médicale vendus en pharmacie pour laquelle ATK avait conduit une mission d’augmentation des ventes. Elle consistait à analyser une base de pharmacies selon leur chiffre d’affaires existant et potentiel avec la marque, puis à ranger les pharmaciens et les pharmaciennes selon des profils (« business », « santé », etc.) et adapter l’angle d’attaque et le discours des commerciaux en fonction.

« La logique est exactement la même pour une bière que vous cherchez à distribuer en restauration en France », analyse Martin Pellet. Car, à 31 ans, le fondateur de la la Beer Fabrique s’apprête à commercialiser sa propre bière (L.B.F. - La Brasserie Fondamentale). Elle sera produite en Seine-et-Marne puis distribuée dans les bars et les restaurants. Soit plusieurs dizaines de milliers de lieux où se faire une place. Et une grosse équation commerciale à résoudre. Ce dont l’ancien consultant sera évidemment friand.

Benjamin Polle pour Consultor.fr

18 Mai. 2018 à 11:26
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