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Du trois pièces au sweat à capuche : portrait d'un partner devenu entrepreneur

 

Prépa à Saint-Louis-de-Gonzague, entrée à HEC, recrutement par A.T. Kearney, cooptation partner à 35 ans, senior partner à 39 ans : Cyril Garbois est confondant de transparence sur le fait qu’il est un pur produit d’une forme d’élitisme à la française, dont on retrouve mille exemples dans les staffs de la plupart des cabinets de conseil en stratégie.

 

08 Fév. 2019 à 08:36
Du trois pièces au sweat à capuche : portrait d'un partner devenu entrepreneur

 

À la quarantaine, il vient de décider de quitter ce sillon pour une vie entrepreneuriale. Qui n'est pas non plus aux antipodes de sa vie d’avant : il cocrée une application de gestion d’épargne des particuliers, appelée Cashbee et dont le lancement est attendu dans les prochaines semaines. Portrait.

Cyril Garbois a le parcours architypique de ceux dont le conseil en stratégie regorge : des jeunes gens brillants qui choisissent le conseil par défaut à la sortie de prestigieuses études. Lui, c’était HEC, après une classe préparatoire à Saint-Louis-de-Gonzague et puis A.T. Kearney parce qu’en 1999 il y avait fait un stage de trois mois en troisième année, en master de finance à l’école de commerce de Jouy-en-Josas.

Les gens y étaient bright, les seniors à peine plus âgés que lui, l’ambiance bonne, les perspectives de croissance fortes : un cadre qui répondait alors en tous points à ses « attentes de jeune diplômé ». La réflexion ne va plus loin, il signe.

C’est le début d’une histoire de quinze ans entre lui et le conseil en stratégie, et d’une rapide spécialisation dans les services financiers. Là aussi, une sorte de « non-choix » qui n’était guidé que par sa majeure à l’école.

Dopamine à la Banque postale

Son histoire pourrait être celle de beaucoup de profils qui s’essaient au conseil en stratégie : des hauts très forts, et des bas très profonds, avec une interrogation lancinante sur la date à laquelle on pourrait sortir de cette classe préparatoire bis de début de carrière.

« C’est un métier dans lequel on a des cycles de quelques années du fait de l’intensité des tâches et des promotions récurrentes. On est toujours à la veille d’une nouvelle promotion. L’effet dopamine est fort », raconte-t-il aujourd’hui.

La dopamine, ce fut par exemple le travail d’un an et demi en tant que manager conduit au côté de la direction de la Poste pour l’accompagner dans la création de la Banque postale, en 2006. Structuration d’une offre sur la base de services financiers rudimentaires, obtention de l’agrément bancaire, et satisfaction de voir sortir quelque chose de terre au bout d’une mission de conseil : ces dix-huit mois de collaboration avec Patrick Werner, le « père de la banque du pauvre » comme fut surnommé l'ancien président du directoire de la Banque postale, sous la supervision de Thierry Pascault, le partner d'A.T. Kearney en charge de la mission, furent le point haut de son parcours de consultant en France.

Lassitude des missions identiques

Les « down », ce fut, en revanche, la lassitude des missions changeantes, mais finalement un peu toujours similaires. Au point en 2008 d’envisager sérieusement, alors qu’il vient de passer principal, de prendre la porte de sortie. Il est rattrapé in extremis par une proposition d’expatriation au Moyen-Orient : Dubaï. Où avec d’autres, il est catapulté avec femme et enfants pour aller développer ce qui est alors un embryon d’activité.

Il replonge pour plusieurs années, avec l’effervescence des débuts. Les voyages d’un pays à l’autre dans la région s’enchaînent plusieurs fois par semaine. Le bureau croît de quinze à plus de cent personnes et, lui, devient partner en 2011. Le retour en France en 2014, motivé par l’entrée au lycée de ses enfants, est plus dur. Au Moyen-Orient, la dynamique était celle d’un marché émergent, en très forte croissance ; à Paris, la logique est celle d’un marché plus mature, et donc plus routinier.

Et puis la scène bancaire et assurantielle française est bourdonnante. Les start-up pullulent. Par contraste, les réseaux bancaires et d’assurances sont, eux, d’une lenteur saisissante. Si les clients de Cyril Garbois à la tête des banques et des assurances sont bien conscients des changements qu’ils doivent affronter, avec des moyens colossaux pour les mettre en œuvre, ils sont aussi souvent pris dans une inertie du fait de leur taille et d'une nasse informatique qui les plonge dans des mois de labeur pour des micro-changements.

Surtout, personnellement, « je n’avais toujours pas été confronté à un choix de carrière structurant : à 35 ans, j’étais partner, à 39, senior partner, c’était tout tracé. Est-ce que je voulais continuer sur une forme de plateau ? »

Ne pas rester sur un plateau professionnel

La réponse est non. Fin 2017, il réfléchit à un projet entrepreneurial de sortie du conseil. Entre-temps, il a fait la connaissance de Marc Tempelman, un ami d’ami diplômé de l’ESCP qui vient de passer dix ans à la Bank of America entre Londres et New York. Lui aussi recherche un second souffle professionnel.

Rapidement, entre eux, émerge l’idée de monter une fintech, dans le domaine de l’épargne. Pour plusieurs bonnes raisons à leurs yeux : à commencer par le poids des sommes en jeu, 1 000 milliards d’euros dormants sur des livrets mal rémunérés et coûteux pour les banques. Ils y voient une marge importante pour des services nouveaux sur ce segment, comme d’autres anciens consultants avant eux.

Dans cette phase de lancement, le background d’ancien partner spécialiste des services financiers est un atout indéniable mais aussi un fil à la patte. Un atout évident, car se lancer à la quarantaine avec des moyens – les années dans le conseil ont été rémunératrices –, du réseau et de l’expertise limite très significativement la prise de risque.

« Dans les réseaux entrepreneuriaux, on n’a pas le profil type. On a vite accès à beaucoup de monde et notre expérience nous amène à prendre des décisions plus sûres », avance Cyril Garbois. Pas facile pour autant de couper les ponts avec une clientèle ancienne de hauts dirigeants. Surtout que l’entrepreneuriat, expertise ou non, n’est pas un calendrier réglé au jour près.

En 2018, Cashbee met plus de temps que prévu à sortir des cartons et, parallèlement, d'anciens clients de Cyril Garbois manifestent le désir de poursuivre des liens de conseil intuitu personae après son départ d’ATK Paris en août 2017. D’où la création de 101 Advisory, une boutique de conseil en stratégie – dont la vocation est de s’éteindre progressivement.

Le temps que Cashbee soit opérationnelle et compte ses premiers clients. Ce qui devrait être le cas dans les prochaines semaines, le temps notamment d’obtenir un agrément bancaire – cette fois pour sa propre société. Qui se veut un avenir de mass market avec un objectif de moyen terme de plusieurs dizaines de milliers de clients.

Pourtant, le passé des consultants n’est jamais loin. Début février, Cashbee a été sélectionné pour intégrer Platform58, le nouvel incubateur dédié à la fintech d’un établissement qu’il connaît bien : la Banque postale. « Un hasard », assure Cyril Garbois.

Benjamin Polle pour Consultor.fr

08 Fév. 2019 à 08:36
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charles edouard bouee, Saint-Louis-de-Gonzague, HEC, A.T. Kearney, Cyril Garbois, entrepreneur, création d'entreprise, témoignage, après conseil, alumni
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