le media indépendant du
conseil en stratégie

icone burger fermee

rechercher sur le site

icone recherche
Featured

Enseignement supérieur : b.a.-ba. d’un marché de conseil méconnu

 

Les cabinets spécialisés dans le conseil en stratégie auprès des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) se comptent sur les doigts d’une main. Le marché est pourtant porteur et dynamique. Les cabinets interviennent majoritairement auprès de clients du secteur privé : ils conseillent notamment des fonds et groupes d’écoles dans leur stratégie de M&A.

 

Emmanuelle Serrano
27 Avr. 2021 à 05:00
Enseignement supérieur : b.a.-ba. d’un marché de conseil méconnu

 

Le panorama des cabinets intervenant auprès des acteurs de l’ESR associe des cabinets très divers allant d’EY Parthenon à Mawenzi Partners jusqu’à des acteurs spécialisés – les plus rares – tel que Headway Advisory.

Première raison de leur diversité : le marché grandit régulièrement.

« Le marché de l’enseignement privé, qui représente 4,5 milliards d’euros pour 550 000 étudiants (sur un total de 2,7 millions étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur en France en 2019-2020, ndlr), est en fort développement », souligne Guillaume Tellier, directeur chez Mawenzi Partners.

« Il croît en moyenne de 6 à 8 % par an depuis une décennie. La crise sanitaire a entraîné une baisse de plus de 2 % des arrivées d’étudiants étrangers, mais sa croissance globale régulière, intimement liée à la hausse en valeur des droits d’inscription, compense largement cette érosion conjoncturelle. À terme, une croissance d’environ 4 % par an est projetée. Une vingtaine de locomotives comme Galileo (groupe valorisé à 2,3 milliards d’euros en 2020 (comptant par exemple les Cours Florent, l’Atelier de Sèvres, l’école Penninghen) et INSEEC U (groupe d’écoles de commerce post-bac et autres valorisé à un milliard d’euros en 2019) sont suivis d’une kyrielle d’établissements de plus petite taille. Un seul groupe important est encore indépendant : Ionis Education Group (EPITA, Epitech...). »

Pour décrocher des marchés de conseil dans l’enseignement privé, des « beauty contest » de quelques cabinets

Comment les consultants décrochent-ils leurs contrats dans ce secteur ? « Beaucoup de missions se font de gré à gré en ce qui concerne les écoles privées. Cela se traduit souvent par un beauty contest où trois à quatre cabinets vont être mis en concurrence par le client », résume Julia Amsellem, associée chez EY-Parthenon, branche de conseil en stratégie et direction générale d’EY.

EY-Parthenon a notamment accompagné Ardian en 2020 dans l’acquisition d’une participation majoritaire dans AD Education, plateforme européenne d’éducation dans le domaine des arts, du design, du digital et de l’audiovisuel – qui est notamment propriétaire de l’école de design de Condé. EY-Parthenon a également conseillé Skill & You, acteur du e-learning, lors sa dernière levée de fonds.

Dans l’enseignement supérieur public, des appels d’offres témoignent des besoins de conseil

Si les écoles de commerce et d’ingénieurs privées sont assez discrètes, les établissements publics, soumis au Code des marchés publics, en disent un peu plus sur les besoins au travers de leurs appels d’offres.

On apprend ainsi que la direction générale de l’université Paris-Est Créteil Val-de-Marne (UPEC) cherche un cabinet de consulting pour affiner sa stratégie dans le cadre de ses candidatures à appels à projets, en particulier autour du 4e programme d’investissements d’avenir (annoncé en janvier 2021 par le Premier ministre Jean Castex, il est doté de 20 milliards d’euros sur cinq ans).

On apprend aussi que l’Institut polytechnique de Grenoble cherche des conseils en accompagnement au changement ou bien encore que l’université de Rennes 1 est prête à engager des experts pour l’éclairer dans l’élaboration de ses projets stratégiques (programme Investissements d’avenir, appels à projets ministériels, partenariats stratégiques, collaborations organiques ou contractuelles, etc.).

Deux écoles de commerce, Kedge et l’ESC Pau, ont également récemment publié un appel d’offre pour un accompagnement stratégique.

Dans l’ESR, des enjeux financiers et humains très lourds, des modèles tourneboulés

Les enjeux sont souvent de taille pour ces mastodontes de l’enseignement, qu’ils soient privés ou publics. Le plan stratégique 2020-2025 de l’EDHEC, qui possède des campus à Lille, Nice, Paris, Londres et Singapour, prévoit ainsi 230 millions d’euros d’investissements.

Autre exemple : le campus de Cergy Paris Université qui représente environ 1 000 enseignants, 700 administratifs (BIATSS) et 25 000 étudiants répartis sur douze sites. Son budget de fonctionnement 2020 est de 186 millions d’euros.

« En l’espace d’une décennie, les établissements d’enseignement supérieur ont subi un bouleversement de leurs repères lié à plusieurs phénomènes : la digitalisation a favorisé le développement des cours à distance ; leur business model a évolué de même que la structure de la concurrence. Il y a encore dix ans, c’était assez simple de créer une école, de recruter des enseignants, de mettre en place un programme et de remplir des classes après un processus sélectif. Maintenant, un établissement se doit de proposer un programme grande école (PGE), mais aussi un cursus post-bac de trois à cinq ans, des cursus spécialisés post-expérience et de la formation continue. Les exigences de la recherche ont également fortement impacté les modèles organisationnels et économiques », explique Sébastien Vivier-Lirimont, managing partner du cabinet HEADway Advisory, dédié au conseil en stratégie des acteurs de l’ESR.

« Le marché est passé en une décennie d’un modèle de purs services à un modèle industriel avec des investissements longs en amont. Le modèle économique est devenu plus intensif en capitaux : il s’agit de créer des campus intelligents avec des infrastructures pédagogiques lourdes (digitalisation, ERP coûteux, systèmes adaptatifs de gestion et de suivi des performances, etc.) », ajoute-t-il.

Les établissements doivent ainsi raisonner capex, systèmes d’information et modèle opérationnel, tandis que le digital prend une place de plus en plus importante dans la gestion des enseignements et dans celle des écoles. 

« Les ressources professorales aussi sont devenues critiques. Selon nos calculs, le coût de publication moyen d’un article de recherche dans une revue scientifique de rang 1 est de 250 000 euros dans une école de management. Depuis cinq ans, les questions que nous recevons sont plus fondamentales, plus profondes. Elles concernent l’identité stratégique des établissements, le modèle opérationnel et stratégique en lien avec la révolution de fond causée par le digital, la diversification de l’offre de programmes, le modèle économique et le financement de la recherche. De nouveaux sujets émergent également à la faveur de la crise sanitaire comme la gestion des risques et le pilotage », précise encore Sébastien Vivier-Lirimont.

Mue digitale et consolidation du marché

La transformation digitale est sans doute le sujet qui revient le plus dans les demandes des acteurs de l’ESR. « Ils veulent capitaliser sur les opportunités offertes par le digital : en matière de marketing digital, sur le référencement sur les moteurs de recherche ou la présence sur les réseaux sociaux, en matière de processus de recrutement, sur les forums étudiants ou via des ateliers à distance, en matière d’offre pédagogique, sur les cours en présentiel et distanciel, sur le e-learning. Ce volet numérique nécessite souvent de lourds investissements dans des learning management systems », décrit Julia Amsellem.

Face à une concurrence accrue de la part d’acteurs anglo-saxons, tels que les plateformes d’apprentissage en ligne internationales comme Coursera et edX ou les Gafam (Google propose un bachelor à 300 €/an), les acteurs de l’enseignement privé doivent croître pour survivre.  « Il y une course à la taille et aux économies d’échelle qui favorise la consolidation des écoles entre elles ou entre groupes d’écoles déjà constitués afin de créer de nouveaux campus régionaux ou à l’étranger », analyse Guillaume Tellier.

Autres facteurs de changement : une hyperspécialisation galopante (écoles dédiées au management hôtelier, à l’intelligence artificielle, etc.) et une course à la taille. « Aujourd’hui, un étudiant sur cinq est inscrit dans un établissement privé. Il y a cinq ans, c’était un sur six. Dans cinq ans, ce ratio sera sans doute d’un sur quatre. L’État favorise cette privatisation », complète Sébastien Vivier-Lirimont.

Internationalisation et formation professionnelle : deux enjeux de croissance

Autre sujet de consulting récurrent, le volet international a pris une place grandissante au fil des ans. Pour attirer des étudiants étrangers sur son campus, une école doit se poser des questions sur son branding et la commercialisation de son offre à l’international, déterminer quelle diversification de son corps professoral peut être obtenue.

Là encore le recours à des consultants extérieurs peut se faire sentir. « L’internationalisation recouvre plusieurs facettes : cela peut correspondre au besoin d’internationaliser le portefeuille d’écoles d’un groupe en procédant à des acquisitions ciblées ou bien à l’opportunité de recruter plus largement des étudiants à l’étranger pour tirer avantage de la croissance de marchés émergents », indique Julia Amsellem chez EY-Parthenon.

Quoiqu’avec la crise sanitaire tout a changé sur ce point : moins d’étudiants sont venus dans l’Hexagone se former. « Une école a tout intérêt à ne pas trop dépendre de cette manne », prévient Julia Amsellem.

La formation professionnelle peut constituer un bon relais de croissance. « On note une vraie convergence entre enseignement supérieur et formation professionnelle avec des cadres qui cherchent des cursus courts ou des salariés souhaitant progresser dans leur carrière grâce à un 3e cycle par exemple », déclare-t-elle. 

L’essor des nouvelles technologies stimule ce besoin. Les écoles doivent y répondre en amendant leur programme (formations certifiantes ou diplômantes, types de diplômes à mettre en place, etc.). Les perspectives de croissance sur ce sujet sont solides, et avec elles des possibles missions de conseil associées, comme l’anticipe Guillaume Tellier : « Cette offre ne représente encore en moyenne que 10 à 20 % du chiffre d’affaires pour une école, mais cela devrait progresser, ne serait-ce que parce que les entreprises ont des poches plus profondes que les étudiants. »

Emmanuelle Serrano pour Consultor.fr

Crédit phtoto : Adobe Stock.

 

Bain & Company Boston Consulting Group EY Parthenon L.E.K. Consulting Julia Amsellem
Emmanuelle Serrano
27 Avr. 2021 à 05:00
tuyau

Un tuyau intéressant à partager ?

Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !

écrivez en direct à la rédaction !

commentaires (1)

Vincent
30 Avr 2021 à 16:29
C'est l'occasion de rappeler le superbe plantage de BCG sur le dossier INSEEC, complètement surpayé par Cinven qui était conseillé par les Verts...

citer

signaler

1024 caractère(s) restant(s).

signaler le commentaire

1024 caractère(s) restant(s).
9 * 4 =

France

  • BCG : Guillaume Charlin sur le départ
    18/11/24

    L’un des ténors du BCG en France, Guillaume Charlin, 54 ans, patron du bureau de Paris entre 2018 et 2022, serait en passe de quitter le cabinet.

  • Alerte rouge : la com de crise au secours des cabinets de conseil
    15/11/24

    Toutes les entités de conseil en stratégie ne subissent pas d’incendies simultanés, comme McKinsey, mais chacune peut y être exposée. La communication de crise dispose-t-elle d’antidotes ? Éléments de réponse avec Gantzer Agency, Image 7, Nitidis, Publicis Consultants - et des experts souhaitant rester discrets.

  • Un partner d’Oliver Wyman se lance à son compte
    15/11/24

    Le partner Retail/Consumer Goods d’Oliver Wyman, Julien Hereng, 49 ans, a quitté tout récemment la firme pour créer son propre cabinet de conseil en stratégie et transformation, spécialisé dans les secteurs Consumer Goods, Luxe et Retail, comme il le confirme à Consultor.

  • Missions strat’ ESG : go ou no go ?
    13/11/24

    À l’heure où les premiers engagements d’entreprises en termes d’ESG pointent leur bout du nez (en 2025), comment les missions de conseil en stratégie dédiées ont-elles évolué ? Toute mission n’est-elle pas devenue à connotation responsable et durable ? Y a-t-il encore des sujets zéro RSE ? Le point avec Luc Anfray de Simon-Kucher, Aymeline Staigre d’Avencore, Vladislava Iovkova et Tony Tanios de Strategy&, et David-Emmanuel Vivot de Kéa.

  • Tir groupé pour le partnership français du BCG qui s’enrichit de 5 associés
    11/11/24

    Si Arnaud Bassoulet, Florent Berthod, Sophie Gebel et Marion Graizon ont toutes et tous rejoint le BCG il y a plus de six ans… parfois plus de dix, Lionel Corre est un nouveau venu ou presque (bientôt trois ans), ancien fonctionnaire venu de la Direction du Trésor.

  • Trois promotions et un transfert : 4 nouveaux partners pour McKinsey en France
    08/11/24

    Trois des heureux élus sont en effet issus des effectifs hexagonaux de la Firme : Jean-Marie Becquaert sur les services financiers, Antonin Conrath pour le Consumer, et Stéphane Bouvet, pilote d’Orphoz. Quant à Cassandre Danoux, déjà partner Stratégie & Corporate Finance, elle arrive du bureau de Londres.

  • Le partnership français de McKinsey perd 7 associés en 2 mois
    30/10/24

    L’automne fait son œuvre au sein de la Firme, les feuilles tombent… et les partners aussi. Les nouveaux départs sont ceux de Flavie Nguyen et Thomas London.

  • Deux associés EY-Parthenon propulsés au comex d’EY France
    29/10/24

    Julia Amsellem, qui a rejoint l’entité de conseil en stratégie d’EY en 2017, et Étienne Costes, engagé depuis 2013, font partie des 17 membres du nouveau comex d’EY dans l’Hexagone.

  • Pauvreté : l’étude choc d’Oliver Wyman
    23/10/24

    C’est une étude coup de poing que le cabinet Oliver Wyman a réalisée à titre pro bono pour le collectif ALERTE (fort de 35 associations, dont Action contre la Faim, Médecins du Monde et ATD Quart Monde) dédié à la pauvreté et à l’exclusion. Elle est intitulée « Lutter contre la pauvreté : un investissement social payant. » L’une des conclusions plutôt contre-intuitive : combattre la pauvreté par des financements serait un investissement gagnant-gagnant, pour les personnes concernées comme pour l’économie nationale. Les analyses du président d’ALERTE, Noam Leandri, et de Jean-Patrick Yanitch, partner à la tête de la practice Service public et Politiques publiques en France.

Super Utilisateur
France
hec, essec, escp, em lyon, edhec, centrale paris, polytechnique, insead, enseignement supérieur, état
3614
Bain & Company Boston Consulting Group EY Parthenon L.E.K. Consulting
Julia Amsellem
2022-01-11 21:41:39
1
Non
France: Enseignement supérieur : b.a.-ba. d’un marché de
à la une / articles / Enseignement supérieur : b.a.-ba. d’un marché de conseil méconnu