Enquête – La crise de gouvernance de Deloitte Consulting impacte Monitor
Entre décembre et janvier, trois partners parisiens de Monitor Deloitte ont quitté leurs fonctions. Deux autres pourraient suivre.
- Pourquoi KPMG accélère le mariage de la stratégie et des transactions
- Philippe Pruneau : des bancs du conseil à ceux du Stade Français
- Itw du président de PwC : « La scission audit-conseil, qu'apporte-t-elle ? »
- EY : la scission du conseil et de l’audit entre dans le vif du sujet
- OC&C : rideau pour Philippe Pruneau
- Les marges grises du développement des auditeurs dans le conseil
- OC&C : après Paris le déluge ?
- EY : une « One Team » et beaucoup de questions
Au total, une dizaine de partners sur les soixante-dix que compte l’ensemble des activités de conseil de Deloitte Consulting en France ont fait de même récemment. Philippe Rémy, ancien partner d'Oliver Wyman et vice-président de Capgemini, prend les rênes de Deloitte Consulting. Stéphan Régnier, qui arrivait lui aussi de Capgemini, n'a occupé les mêmes fonctions que quelques mois début 2018.
Pour le management actuel de Monitor Deloitte, l’épisode ne remet pas en cause la croissance de l’activité de conseil en stratégie et plusieurs arrivées sont en préparation.
Trop c’est trop. Échaudés par la gouvernance de Deloitte Consulting en France qu’ils ont jugée « incompétente », — c’est le terme qu’ils emploient dans un courrier interne adressé à la direction de Deloitte France en mai —, trois des partners de Monitor Deloitte, la marque de stratégie de Deloitte Consulting, ont quitté, en décembre puis en janvier, l’actuelle équipe de douze partners qui s'était constituée au fil du temps après le rachat de Monitor par Deloitte.
La génération Roland Berger s'en va
Jean-Charles Ferreri, Cyril Gay Belan et Grégory Morel étaient simultanément arrivés de Roland Berger en 2014 et 2015. Leur départ s’ajoute à celui de Jean-Marc Liduena, lui aussi ancien partner de Roland Berger et principal de Booz & Company, qui s’était déjà retiré de Monitor Deloitte en 2017 pour occuper d’autres fonctions d’encadrement chez Deloitte Consulting.
Tous les quatre avaient contribué à installer Monitor Deloitte en France. Ce qui paradoxalement a très bien fonctionné : Monitor Deloitte a très largement agrandi ses équipes de consultants dans la capitale française (de quarante en 2010 à quatre-vingts actuellement) ; Monitor Deloitte a su attirer plusieurs principals des marques concurrentes les mieux installées de la place (Bain, BCG…) ; Monitor Deloitte a significativement développé ses prestations hors des activités historiques de Monitor auprès de grands laboratoires pharmaceutiques, notamment dans les services financiers, en s'appuyant pour ce faire sur le vaste univers de métiers de conseil présents chez Deloitte.
Un parcours quasi parfait. Sans une double crise de gouvernance qui, dès 2017, a jeté le doute dans l’esprit de plusieurs partners sur les capacités de développement de Monitor Deloitte au sein de Deloitte Consulting.
La première crise commence en 2017 dans la foulée de la nomination de Sami Rahal (Essec 1990, Insead 1999), pur produit Deloitte où il a fait une grande partie de sa carrière, à la suite d’Alain Pons, en tant que CEO de Deloitte France et Afrique francophone.
Très largement élu par le collège des partners français, ses premières nominations ne sont pas forcément celles espérées. Pour le conseil, il choisit Michel Elmaleh – qui n’a pas répondu aux sollicitations de Consultor – à la place de Didier Taupin qui a été l'artificier de la bonne intégration de Monitor chez Deloitte.
Un camouflet pour certains associés de Deloitte Consulting qui jugeaient plus légitime que la direction du conseil soit confiée à l’un de ceux siégeant au comité de direction du consulting France. L’instance compte cinq à six partners qui représentent l’ensemble des 70 partners, 1 200 consultants et 200 millions d’euros de chiffre d’affaires (dont 18 pour Monitor Deloitte) que compte Deloitte Consulting en France. Soit 15% des 1,2 milliard d'euros de chiffre d'affaires que réalise Deloitte en France.
L'épisode Stéphan Régnier provoque une vague de départs
La discorde s’envenime encore davantage quelques mois plus tard. En janvier 2018, Stéphan Régnier, un mathématicien de formation, arrive de Cap Gemini après une première vie chez Peat Marwick Consulting. Il doit seconder Michel Elmaleh à la tête du consulting de Deloitte.
Sauf que le tandem Elmaleh-Régnier ne fait pas long feu : quelques mois après son arrivée, Stéphan Régnier quitte ses fonctions.
La goutte d’eau de trop et une nouvelle marque d'amateurisme pour plusieurs partners. Une quinzaine d'entre eux, dont plusieurs de Monitor Deloitte, qui entretenaient des relations déjà maussades avec Michel Elmaleh, adressent à Sami Rahal en mai, une « déclaration d’incompétence » pour fustiger ce qu’ils estiment être des fautes de Michel Elmaleh. Et font des propositions qui, lorsqu'ils sont reçus par Sami Rahal en juin, restent lettre morte, selon eux. Sami Rahal promet l'arrivée d'un, voire deux, nouveaux managing partners en remplacement de Stéphan Régnier. Des candidats ont été sondés chez Cap Gemini, Accenture et A.T. Kearney.
Mais le divorce avec une partie des partners est consommé et plusieurs chasseurs de tête, informés de la situation, font affluer les propositions. En quelques mois, trois partners de Monitor Deloitte et une dizaine de partners de Deloitte Consulting quittent la société. Certains départs sont déjà connus : Cyrille Mallaret (parti en décembre chez Accenture) ou Jean-Luc Taborin (qui en octobre faisait son arrivée à la pharma chez Roland Berger). Mais d’autres, plus nombreux, sont également intervenus au niveau des partners comme à des niveaux hiérarchiques inférieurs.
La complémentarité des offres de conseil en question
Le deuxième volet de la crise de gouvernance est plus interne à Monitor Deloitte. Pour les partners partants, la place laissée à la diversification hors pharmacie, la spécialité historique de Monitor, n’était pas clairement assumée et la particularité d’une prestation de conseil en stratégie griffée Monitor (nombre de consultants par partners, les tarifs journaliers) au sein de Deloitte Consulting insuffisamment défendue.
Côté Thomas Croisier, le managing partner de Monitor Deloitte, ces départs sont davantage à mettre au crédit de projets personnels. « Évidemment, c'est désagréable. Il est triste de voir partir des gens avec qui on a construit quelque chose depuis quatre ou cinq ans », dit-il à Consultor.
Tout en défendant que la croissance de l’activité de la business unit "Stratégie" opérée sous la marque Monitor, parmi la quinzaine de business units de Deloitte Consulting, restera à un rythme de croissance compris entre 30 et 50 % pour l’exercice en cours (de juin à mai).
En ce sens, plusieurs arrivées seraient en préparation pour pallier ces départs, à l’instar de Alexandre Kuzmanovic, un director venu de Mars & Co en juin.
Benjamin Polle pour Consultor.fr
Un tuyau intéressant à partager ?
Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !
commentaires (18)
citer
signaler
citer
signaler
citer
signaler
citer
signaler
citer
signaler
citer
signaler
citer
signaler
citer
signaler
citer
signaler
citer
signaler
citer
signaler
citer
signaler
citer
signaler
citer
signaler
citer
signaler
citer
signaler
citer
signaler
citer
signaler
France
- 30/10/24
L’automne fait son œuvre au sein de la Firme, les feuilles tombent… et les partners aussi. Les nouveaux départs sont ceux de Flavie Nguyen et Thomas London.
- 29/10/24
Julia Amsellem, qui a rejoint l’entité de conseil en stratégie d’EY en 2017, et Étienne Costes, engagé depuis 2013, font partie des 17 membres du nouveau comex d’EY dans l’Hexagone.
- 23/10/24
C’est une étude coup de poing que le cabinet Oliver Wyman a réalisée à titre pro bono pour le collectif ALERTE (fort de 35 associations, dont Action contre la Faim, Médecins du Monde et ATD Quart Monde) dédié à la pauvreté et à l’exclusion. Elle est intitulée « Lutter contre la pauvreté : un investissement social payant. » L’une des conclusions plutôt contre-intuitive : combattre la pauvreté par des financements serait un investissement gagnant-gagnant, pour les personnes concernées comme pour l’économie nationale. Les analyses du président d’ALERTE, Noam Leandri, et de Jean-Patrick Yanitch, partner à la tête de la practice Service public et Politiques publiques en France.
- 15/10/24
Début octobre, deux nouveaux partners ont disparu de la liste des associés de la Firme : Guillaume de Ranieri, poids lourd du cabinet où il évoluait depuis 24 ans, et Xavier Cimino, positionné sur une activité stratégique.
- 07/10/24
Doté d’un parcours dédié presque exclusivement au conseil (BCG, Kearney, Accenture - entre autres), Mathieu Jamot rejoint le bureau parisien de Roland Berger.
- 03/10/24
Depuis avril 2024, les arrivées se succèdent : après Jean-Charles Ferreri (senior partner) et Sébastien d’Arco (partner), Thierry Quesnel vient en effet renforcer les forces vives, « pure strat » et expérimentées, d’eleven.
- 02/10/24
Minoritaires sont les cabinets de conseil en stratégie à avoir fait le choix de s’implanter au cœur des régions françaises. McKinsey, depuis les années 2000, Kéa depuis bientôt 10 ans, Simon-Kucher, Eight Advisory, et le dernier en date, Advention… Leur premier choix, Lyon. En quoi une vitrine provinciale est-elle un atout ? La réponse avec les associés Sébastien Verrot et Luc Anfray de Simon-Kucher, respectivement à Lyon et Bordeaux, Raphaël Mignard d’Eight Advisory Lyon, Guillaume Bouvier de Kéa Lyon, et Alban Neveux CEO d’Advention, cabinet qui ouvre son premier bureau régional à Lyon.
- 23/09/24
Retour sur la dynamique de croissance externe de Kéa via l’intégration capitalistique de Veltys – et le regard du PDG et senior partner de Kéa, Arnaud Gangloff.
- 23/09/24
Astrid Panosyan-Bouvet, une ancienne de Kearney, et Guillaume Kasbarian, un ex de Monitor et de PMP Strategy, entrent dans le copieux gouvernement de Michel Barnier, fort de 39 ministres et secrétaires d’État. Bien loin des 22 membres du premier gouvernement Philippe ; ils étaient 35 sous le gouvernement Attal.