Loisirs : face à Airbnb & co, l’État avance ses pions
En juin dernier, le président Macron annonçait un vaste plan de reconquête du secteur du tourisme, qui a subi le tsunami covidien.
L’un de ses piliers, Alentour, une plateforme touristique de proximité, officiellement lancée il y a quelques jours. À la manœuvre pour sa préfiguration et sa mise en place, le cabinet PMP>, sur le dossier depuis le printemps, à la demande de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Une mission à la fois classique pour ce cabinet pour qui ce secteur représente une part significative de son activité, et à la fois unique, dans un contexte économique et politique hors-norme.
Il est l’un des secteurs les plus impactés par la crise sanitaire mondiale. Le tourisme, un fleuron français (la France reste le pays le plus visité au monde), qui a généré en 2019 quelque 57 milliards d’euros de chiffre d’affaires et représentait près de trois millions d’emplois. Un secteur qui peinait à se relever de la désertion des touristes internationaux à la suite des attentats de 2015 puis des grèves des Gilets jaunes en 2019… Et patatras ! La crise de la covid-19 met d’un coup sur off les déplacements nationaux et internationaux, oblige à fermer de multiples sites touristiques, et met à l’arrêt pour de nombreux mois le secteur. En 2020, les recettes du secteur du tourisme ont été divisées par deux… Un secteur qui a cependant été résilient, avant tout grâce aux aides massives du « quoi qu’il en coûte » de l’État : 30 milliards d’euros (Md€) ont déjà été versés, 15 Md€ sont encore à venir…
Mais, au-delà du soutien financier, la relance du secteur passe aussi par le plan de reconquête en cinq axes annoncés par le Président en juin dernier : amélioration de la formation et de l’attractivité des métiers, montée en qualité de l’offre touristique, valorisation du patrimoine vert, naturel et culturel, soutien à l’investissement dans les infrastructures et notamment de mobilité douce, accélération de la numérisation du secteur.
C’est dans ce contexte hautement politique que PMP intervient depuis plusieurs mois pour la Caisse des Dépôts/la Banque des Territoires autour d’une nouvelle offre de plateforme (une demande de Bruno Le Maire à Olivier Sichel, DGA de la CDC) à destination des touristes mettant en lien les différents acteurs d’activités touristiques de proximité avec les hébergeurs (hôtels, clubs, résidences de vacances…). La CDC est une grosse consommatrice de conseil, et de conseil en stratégie en particulier. Fin 2019, un nouvel accord-cadre (de sept lots) était signé pour un généreux montant prévisionnel de 25 millions d’euros (M€) (relire notre article ici)... et PMP référencé sur le lot Études préalables à un investissement (pour un montant prévisionnel total de 3 M€), avec neuf autres cabinets de conseil et groupements, dont Roland Berger qui est également intervenu en amont du lancement d’Alentour.
Le secteur du tourisme et des loisirs est un champ historique pour PMP, un cabinet de presque vingt ans d’âge, plus connu pour son expertise télécom, tech, énergie/mobilité, ou encore institutions financières. « Nous intervenons depuis des années pour de grands groupes de l’hébergement, de la mobilité et des infrastructures tels qu’Accor, la Compagnie des Alpes, ou Europcar, pour des distributeurs, par exemple, France Billet, mais aussi pour des institutionnels, en particulier sur la Coupe du monde de rugby 2023 et les JO 2024, sur des stratégies d’acquisition/M&A, des enjeux de distribution, de plateformes e-commerce et d’expérience client », confirme Philippe Curt, associé fondateur de PMP, en charge de la practice tourisme/loisirs/culture, qui compte une douzaine de consultants – sur un total de 130 consultants en 2021.
Une mission de PMP pour la Caisse des Dépôts qui a lieu alors que les cabinets de conseil en stratégie sont actuellement nombreux à intervenir auprès des différents acteurs du tourisme ou les entreprises du secteur en difficulté (relire notre article ici). À l’instar d’Advancy qui accompagne Pierre & Vacances (ici) ou d’EY-Parthenon qui a réalisé une étude d’impact (là).
Réservation d’activités de loisirs : un segment sous-digitalisé
Alentour est une plateforme B2B2C d’offres touristiques qui a l’ambition de concurrencer les mastodontes du secteur, tels que Booking, Airbnb, Abritel dont la plupart proposent déjà des outils de réservation d’activités de loisirs par géolocalisation à proximité de chez soi… L’idée paraît simple : permettre au client final de réserver, en quelques clics, un hébergement et des activités dans la région qu’il visite.
« Ce qui fait sa plus-value, c’est que ce sont les hébergeurs présents sur le site qui sont les prescripteurs d’activités autour de chez eux. Cela crée une véritable synergie entre les acteurs touristiques locaux et présente un gage de qualité des offres ; les hébergeurs n’ayant aucun intérêt à promouvoir des activités non qualitatives. C’est un principe de curation que les autres sites présents ne proposent pas », complète Philippe Curt.
Selon ce partner de PMP, cette plateforme répond avant tout à un enjeu global, la digitalisation des activités touristiques en France, « le maillon le moins digitalisé, mais une offre de proximité essentielle ».
Selon la Banque des Territoires, sur les 22 milliards d’euros par an de chiffre d’affaires des prestataires d’activités touristiques, seuls 5 % sont issus d’une e-réservation. « Dans l’hébergement, c’est 50 % des réservations… et jusqu’à 71 % dans les transports », a chiffré lors de la présentation Timothée de Roux, le président de la plateforme Alentour.
« La solution technique fournie par Amadeus (ndlr, une boîte tech espagnole dédiée aux voyages) est en développement depuis plusieurs années, et sera exploitée en France par Alentour, et ailleurs en Europe par Amadeus directement. Quoi qu’il en soit, la plateforme arrive avec le bon timing. Le secteur des activités est difficile à adresser, car il est très disparate et très peu digitalisé. Il existe 30 000 hébergeurs touristiques en France, et cinq fois plus de producteurs d’activités touristiques », appuie Sébastien Charbonnel, senior consultant.
Alentour permet à la fois de répondre aux besoins des professionnels, mais aussi aux attentes des visiteurs. « La demande du marché porte sur un tourisme de proximité. Puis, la décentralisation est la mission première de la Banque des Territoires. La tour Eiffel et le Mont-Saint-Michel ne sont pas les seuls sites patrimoniaux français. Il faut faire découvrir la diversité du patrimoine sur l’ensemble des territoires », ajoute Philippe Curt. L’un des autres objectifs de poids de la plateforme est d’offrir une alternative française aux grandes plateformes, souvent basées aux États-Unis, qui font la pluie et le beau temps des vacances, à qui les pros du secteur reprochent leur prédation sur les commissions.
Le déroulement de la mission
Depuis mars dernier, PMP planche donc sur cette plateforme à fort enjeu. Une première étape s’est déroulée jusqu’en juin avec un dispositif réduit, mais plutôt senior, entre un et deux consultants à temps plein, un directeur associé et le partner en charge de la practice. « Le travail s’est fait en deux temps. Le premier cadrage stratégique de cette plateforme a été réalisé par un autre cabinet stratégique (ndlr, Roland Berger) qui a travaillé sur le marché, ses acteurs et ses intermédiaires, le positionnement de ses activités dans la chaîne de valeur, le potentiel de développement digital, le positionnement B2B ou B2C… Nous avons affiné ce travail strat’, affiné le business plan, participé au deal avec Amadeus et défini les conditions de mise en œuvre et la feuille de route d’Alentour », détaille Philippe Curt.
Une deuxième phase, opérationnelle, a eu lieu cet été. « Nous avons lancé la plateforme, en test avec le CRT Côte d’Azur (ndlr, comité régional de tourisme). Cette phase pilote a plutôt bien fonctionné, près de 200 hôtels se sont connectés, et plus de 2 200 activités ont été référencées dans la région », atteste Sébastien Charbonnel. PMP, dont le terme de la mission n’est pas encore défini, continue donc le déploiement d’Alentour : en Savoie et Haute-Savoie pour la saison hivernale, puis en Nouvelle Aquitaine et dans d’autres territoires courant 2022.
Reste à savoir si cette nouvelle plateforme sera viable et pérenne à l’échelle nationale. Expérience Airbnb ou Booking Attractions se sont déjà positionnés sur ce sujet des activités touristiques. Sans grand succès pour l’instant.
En cause, la complexité de la fragmentation des producteurs d’activités de loisirs. « Nous avons plusieurs avantages : l’impulsion de la Banque des Territoires, interlocuteur privilégié des socioprofessionnels, nous permet d’avoir une vision d’investissement à long terme. Nous n’avons pas un fonds d’investissement sur le dos pour nous mettre la pression », a souligné, confiant, le chef d’Alentour, Timothée de Roux.
Barbara Merle pour Consultor.fr
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