Mère et associée : quand la quadrature du cercle devient possible
Série « nouvelle vie d’associés » 6/6. L’accès au rang d’associé fait vibrer ce secteur. C’est la consécration derrière laquelle courent ceux qui survivent à des parcours longs, résistent à la charge de travail, acceptent de renoncer à leur vie privée… Alors comment y sont-elles et sont-ils arrivé(e)s et comment se sentent-ils (elles) quand ils (elles) touchent au but et sont élu(e)s ? Leur vie professionnelle est-elle chamboulée du tout au tout ? Quelle sera la prochaine étape ?
Nous avons posé toutes ces questions à plusieurs associé(e)s parisien(ne)s récemment élu(e)s dont nous publions les portraits dans le cadre d’une série. Épisode numéro six (lire ou relire les épisodes un, deux, trois, quatre et cinq) : à 32 ans, après dix ans de maison chez Simon-Kucher & Partners, Alix Nepveux s’est frottée à nombre de secteurs, de l’aérien à la chimie en passant par la banque de détail, pour finalement se spécialiser dans la grande distribution et le digital. Elle est responsable à Paris du développement de la practice software & Internet, en lien avec les bureaux de SKP dans la Silicon Valley notamment. Elle a été cooptée partner en juillet, juste avant son départ en congé maternité. Un calendrier qui lui a d'abord semblé délicat avant de lui paraître évident.
« Je suis en congé maternité, mais je me suis dit que ce serait mieux de se rencontrer au bureau… », déclare dans un sourire Alix Nepveux, enceinte de huit mois en cette fin d’été 2018, et future partner de Simon-Kucher à Paris. Une promotion qui intervient un peu moins de dix ans après son arrivée au sein du cabinet, en 2009, fraîchement diplômée de l’ESCP Europe.
À l’époque, le bureau de Paris de Simon-Kucher, où elle a effectué un de ses stages de césure, compte une trentaine de consultants, spécialistes du cœur de métier du cabinet : le conseil en stratégie marketing. « Nous travaillons sur la structure de l’offre et les prix, ainsi que sur l’accompagnement de la fonction commerciale », précise-t-elle.
Au cours des premières années, les consultants peuvent être amenés à travailler sur tous les secteurs. À partir du grade de manager, « on vous demande de vous orienter vers des problématiques plutôt BtoC ou BtoB ». Les practices sectorielles, elles, sont structurées au niveau du groupe.
Et à Paris, « étant donné la taille du bureau, les consultants travaillent pour plusieurs practices ».
La parenthèse Buffalo Burger
Fin 2013, alors qu’elle vient de passer manager, la jeune femme, qui s’interroge alors « sur le fait de rester dans le conseil ou de faire autre chose », décide de rejoindre le groupe Buffalo Grill, un client du cabinet, qui souhaite lancer une deuxième enseigne, Buffalo Burger.
« J’ai d’abord effectué une mission de trois mois, avant d’accepter le poste de numéro deux de Buffalo Burger, où j’étais plus particulièrement en charge de structurer l’offre et d’organiser la chaîne logistique. » Ce qui l’a notamment amenée à « goûter tous les burgers de Paris » !
Le premier restaurant ouvre environ un an après. « Lors de la première ouverture, on apprend énormément de choses, c'est très intéressant. À la deuxième ouverture, il y a encore des choses à apprendre, à améliorer. Mais à partir de la troisième ouverture, j’ai commencé à m’ennuyer. Ce que j’aime, c’est “craquer le cas”, se frotter un peu à l’implémentation éventuellement, mais les tâches opérationnelles répétitives, cela ne me convient pas. »
Retour chez SKP
Si cette expérience lui permet de se rendre compte que le conseil est bien un métier qui lui correspond, elle regarde néanmoins du côté d’autres postes opérationnels avant d’envisager d’y retourner. « Quand j’ai quitté SKP, on m’a dit “la porte est grande ouverte et tu reviens quand tu veux”, et je suis toujours restée en contact avec le partner responsable du compte Buffalo Grill, David Vidal, qui est encore aujourd’hui un mentor pour moi. Et après avoir exploré quelques pistes de postes en entreprise, c’est lui qui m’a convaincue de revenir, en me garantissant notamment que je pourrais travailler sur des projets BtoC, ce qui correspondait à mes envies. »
Réintégrée au grade de directeur – « le cabinet m’a permis de progresser comme si je n’étais pas partie » –, elle négocie également un retour en 4/5e : « Je ne travaillais pas le vendredi et, pour être sûre de m’y tenir, je me suis engagée à donner des cours de français à des migrants tous les vendredis matin. »
Un engagement associatif et un temps partiel qu’elle assure pendant environ quatre mois, « le temps d’être certaine que revenir au conseil était bien ce que je voulais ».
Lors de son retour chez SKP, fin 2015, le cabinet compte désormais une soixantaine de consultants à Paris. « J’ai travaillé sur des missions retail en BtoC, comme on me l’avait promis, et je suis passée assez rapidement senior directeur. »
La vente de ses premières missions
Elle réfléchit alors à un terrain de jeu à développer sur le plan commercial. « J’ai choisi la practice software et internet, et de l’attaquer sur un angle axé start-up. C’est une practice très active au niveau du groupe et j’ai pu bénéficier de l’expertise des partners qui la développent aux États-Unis, en Allemagne, au Royaume-Uni... Ce qui m’a permis de vendre assez rapidement mes premières missions. »
C’est ainsi qu’elle se rend compte « que le meilleur moyen de travailler sur des missions qui m’intéressent c’est d’aller les chercher moi-même », « que cela me plaisait », et « ne m’empêchait pas d’être dans le delivery et de suivre les missions de bout en bout ».
Alix Nepveux a par exemple récemment travaillé pour Dashlane, une application desktop et mobile permettant de synchroniser ses mots de passe et de sécuriser et fluidifier l’usage quotidien d’Internet. « Nous les avons accompagnés sur la priorisation de la longue liste de fonctionnalités nouvelles qu’ils envisageaient de développer, et sur l’évolution de la structure et des prix de leur d’abonnement freemium », se souvient-elle. Jusqu’à ce que l'entreprise mette sur le marché la sixième version de son application l'été dernier, avec un certain succès.
Enceinte et candidate à l’association
Quand, en 2017, arrivent les premières discussions relatives à une candidature au partnership, elle hésite : « Je venais de me marier et notre priorité était d’avoir un enfant », explique-t-elle. Quand on lui en reparle début 2018, « je savais alors que j’étais enceinte, et je me suis demandé si, au final, ce n’était pas le meilleur moment pour moi : le process de sélection des candidats au partnership se déroulant de mars à juillet, cela me laissait le temps d’avoir mon bébé en septembre et de profiter de mon congé maternité avant de prendre mes fonctions de partner ».
Un timing au cordeau qui peut faire peur, mais qui n’effraie ni la jeune femme ni la centaine de partners que compte le partnership mondial de Simon-Kucher. À commencer par Kai Bandilla, managing partner du bureau de Paris, « qui m’a dit qu’il n’y avait pas de raison que cela m’empêche de devenir partner », ajoute-t-elle. De fait, en juillet 2018, la cooptation d’Alix Nepveux, alors enceinte de six mois, est validée.
Le plus difficile : ralentir le rythme
De cette période très particulière, la jeune femme retient que « le plus difficile, c’est de ralentir le rythme : il a fallu que le médecin m’arrête pendant une semaine parce qu’il jugeait que j’étais fatiguée pour que je prenne pleinement conscience du fait que je ne pouvais pas assurer la même charge de travail que d’habitude ».
Elle en parle alors avec les partners. « Ma hantise était de me retrouver toute seule chez moi à tourner en rond », confie-t-elle. Le cabinet lui retire alors une mission qu'elle devait mener, afin qu’elle puisse se concentrer sur celles à terminer.
Et « avant de partir, fin juillet, j’ai eu le temps de boucler toutes mes missions et d’organiser ma passation et le travail en mon absence ». Autre dossier à préparer également : sa prise de participation au capital du cabinet. « Devenir actionnaire du partnership mondial représente un engagement financier assez conséquent, avec une période de probation de deux ans au bout de laquelle les nouveaux partners sont confirmés ou non dans leurs fonctions », explique-t-elle.
Son retour au cabinet, en tant que partner et maman d’un bébé de trois mois, ne semble pas la préoccuper outre mesure. « Je sais qu’il y a une vague à passer et qu’il faut se réadapter en tant que maman active, mais je ne suis pas sûre que ce sera plus compliqué comme partner qu’en tant que senior directeur. D’autant plus que je serai, dans une certaine mesure, plus libre d’organiser mon travail comme je l’entends ; c’est moi qui vais placer le curseur. »
Et puis, ajoute-t-elle, « mon objectif, c’est aussi de construire et former des équipes avec des gens de confiance sur qui on peut s’appuyer, et donc pouvoir déléguer en partie sur certains sujets ».
Miren Lartigue pour Consultor.fr
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