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Cash Investigation consacré à McKinsey : le débrief

Au lendemain de la diffusion de l’émission, Consultor fait le point avec, en perspective, la réaction de David Mahé, président de Syntec Conseil, et le regard du journaliste ayant mené l’enquête, Donatien Lemaître.

Consultor
18 Sep. 2024 à 15:00
Cash Investigation consacré à McKinsey : le débrief
© Cash Investigation/Premières Lignes

L’émission était très attendue. Le 17 septembre à partir de 21h05, elle a fédéré 1,72 millions de téléspectateurs.

Le teasing de France 2 promettait des révélations. Qu’en est-il ?

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Tout dépend du regard adopté. Si le géant du conseil américain était au cœur de l’enquête de Donatien Lemaître pour Cash Investigation, l’enjeu était plus précisément d’explorer les liens du cabinet de conseil avec Emmanuel Macron et/ou les ministères et organismes d’État. En ce sens, l’objectif semble atteint.

L’enquête, qui a débuté il y a un an, comporte certains documents inédits qui éclairent des faits déjà connus. Ainsi de l’opération Chicxulub visant à préparer la candidature présidentielle d’Emmanuel Macron, élaborée par Karim Tadjeddine, l’ancien leader Secteur public de la Firme. Le lancement d’une plateforme visant à détecter et mobiliser des militants, Au Service de tous, en fut l’un des outils.

Un témoin identifié par Donatien Lemaître permet de préciser les contours de l’opération – sur plusieurs années, via le nombre de réunions organisées, etc. Les mails présentés par l’équipe de Cash Investigation comportent également des horaires d’envoi – en journée. Six « McKinsey » en tout auraient été engagés dans l’opération, à un titre ou l’autre (plateforme, programme, financement, pré-campagne électorale).

Sur ce volet, une information judiciaire du PNF portant sur les comptes de campagne du candidat Emmanuel Macron en 2017 (et 2022) est actuellement ouverte.

Focus sur certains éléments clés de l’enquête journalistique

Au-delà des mails déjà mentionnés, l’une des « revues de performance » de Karim Tadjeddine (exposée en 2023 par les journalistes du Nouvel Obs Caroline Michel-Aguirre et Matthieu Aron, sur la base des "MacronLeaks") a été présentée. On découvre ce dernier s’y targuant de « connaître le Président (relation ancienne de 10 ans), et des ministres » - pour appuyer son souhait de devenir senior partner du cabinet.

Cet élément, à première vue saisissant, mérite d’être mis en perspective d’autres fiches de revues de performance. Certaines ont été rendues publiques lors de la divulgation par McKinsey US de 114 000 de ses documents – dans le cadre d’un accord transactionnel conclu avec la Justice américaine au sujet du scandale des opioïdes. Dans une fiche (à consulter ici), on peut lire que le consultant concerné « construit de solides relations avec ses clients, du point de vue professionnel et personnel, l’étape suivante étant de renforcer encore les relations en question ». Si le fait d’entretenir une proximité avec ses clients est l’une des caractéristiques du conseil, cela n’induit pas – bien entendu – de s’exonérer des règles d’attribution des marchés publics. C’est tout l’enjeu de l’information judiciaire ouverte en octobre 2022 des chefs de « favoritisme et recel de favoritisme » à l’encontre de la Firme. 

Dans le reportage, les modalités de rémunération des partners au niveau mondial retiennent également l’attention. Comme en témoigne un ancien associé, outre ses 500 000 € de salaire annuel, il touchait en moyenne 500 000 € de dividendes. En effet, les bénéfices réalisés par McKinsey dans le monde « remontent » au siège US de New York, qui appartient à l’ensemble des associés. Ils sont ensuite reversés aux partners au prorata de leur salaire. Une mécanique de rémunération qui existe depuis la création de McKinsey. D’où la grogne des partners mondiaux lorsque la Firme a dû s'acquitter de lourdes pénalités financières dans le cadre du scandale des opioïdes...

Autre document notable, le rapport de la Firme pour la Caisse Nationale de l’Assurance Vieillesse (CNAV) commandé en novembre 2019 à l’UGAP, cité par la commission d’enquête sénatoriale. Une mission de près de 960 000 euros pour 5 mois de prestation visant la transformation de la structure dans le cadre d’une réforme à venir, engagée avant l’adoption de celle-ci – sur la retraite à points. La réforme a finalement été abandonnée.

Interrogé par Cash Investigation, le DG de la CNAV Renaud Villard explique que « lorsque le contexte évolue [la perspective de la mise en œuvre de la réforme, ndlr], on n’attend pas qu’il ait évolué définitivement pour engager une transformation ». Il fait ici référence au calendrier envisagé par le gouvernement – moins d’un an après le vote de la réforme – pour la création de la CNRU dans laquelle auraient dû fusionner toutes les caisses de retraite existantes. Si certains éléments du programme de transformation ont pu être mobilisés et réajustés (selon la direction de la CNAV en 2022), un chef de service a confié à Donatien Lemaître que la mission « avait mis les équipes sous tension et en grande détresse ». Tout ça pour ça ?

Le monde du conseil a boycotté l’émission

Comme Élise Lucet l’a expliqué lors du retour en plateau, aucun cabinet de conseil n’a accepté l’invitation de Cash Investigation, ni même le président de Syntec Conseil, David Mahé. Il en a confié la raison à Consultor.

« Ce sujet ne concerne pas Syntec Conseil, dans la mesure où la question qu’il pose porte sur la façon dont l’État achète des prestations de conseil, spécifie ses besoins et pilote ses achats. »

S’il avait clairement exprimé son opposition au projet de loi visant à encadrer le recours aux cabinets de conseil externes – qu’il renouvelle d’ailleurs, un « régime spécial pour les cabinets et salariés du conseil » n’ayant pas lieu d’être selon lui –, David Mahé a cette fois estimé qu’en tant que représentant de la profession, il n’avait pas à participer à une émission n’abordant pas particulièrement « la vie ni le fonctionnement des cabinets ». Par ailleurs, il s’agissait selon lui « de la mise en scène d’informations connues de longue date ». Sur la qualité ou la pertinence des livrables de McKinsey, il estime également que le reportage n’apporte « pas grand-chose de probant ».

Le regard du réalisateur de l’enquête

Si Donatien Lemaître regrette l’absence des cabinets de conseil lors du débat – « c’était l’occasion pour eux de porter la contradiction » – et celle de David Mahé qu’il dit ne pas avoir « comprise », il souligne les difficultés qu’il a rencontrées pour accéder à des documents pourtant censés être publics et ce, malgré les avis favorables de la CADA, sollicitée à plusieurs reprises. Selon Donatien Lemaître, le travail de collecte d’infos fut très « laborieux », bien plus que lors de précédentes enquêtes qu’il a pu réaliser (la dernière en date, pour Cash Investigation, portait sur la « fraude à la Sécurité Sociale » ).

À l’issue de l’émission, le président de la Commission d’enquête sénatoriale Arnaud Bazin et la rapporteure Éliane Assassi ont publié un communiqué de presse dans lequel ils estiment que le reportage vient confirmer « les constats alarmants » de leurs travaux. Ils ajoutent que l’enjeu dépasse « le seul cabinet McKinsey et nécessite des mesures fortes ». Leur proposition de loi devait retourner à l’Assemblée nationale en seconde lecture juste avant la dissolution de juin dernier. Ils appellent donc à la reprise de son examen « pour que leur texte devienne une loi de la République ».

McKinsey
Consultor
18 Sep. 2024 à 15:00
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commentaires (10)

Clownesque
28 Sep 2024 à 23:05
Vu la qualité des inputs de senior partner on pourra se rassurer : rien de valeur n'aura été gracieusement fourni.

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Lou
26 Sep 2024 à 02:23
Il est vrai que ce scandale se dégonfle à mesure que les éléments sont mis en lumière, du nombre de consultants au renvoi d'ascenseur qui se réduit à Tech for Good et une mission pour la retraite à point ... MK n'est pas le cabinet le plus sollicité et le tourniquet empêche le favoritisme ...

Côté campagne, la plateforme est déclarée dans les comptes ... c'est l'engagement des consultants qui ont des liens de date (politique, visiteurs du soir) qui pose question. Ni les actes en temps que tel mais la coordination du senior Partner avec deux autres consultants est interrogatif ... Le volume horaire consacré à la campagne de 25 réunions en 6 mois est une amplitude qui ne met pas en péril l'activité d'un consultant. Quand à l'usage du mail pro ça semble être le seul élément probant (une erreur courante dans beaucoup de structures) mais insuffisant pour condamner ... il faut regarder du côté des plannings ...

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MONGRAND JEAN-PIERRE
24 Sep 2024 à 10:06
Bonjour,

Je dirige depuis 15 ans un "petit" cabinet conseil spécialisé dans l'accompagnement des organisations publiques. J'ai écrit à Elice LUCET pour participer à l'emission, mais aucune suite n'a été donnée à ma demande. Visiblement, ils recherchaient des grands noms du conseil, qui je le rappelle ne sont pas les seuls acteurs du secteur, n'en déplaise aux journalistes de France Télévisions!

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Nicolas D.
19 Sep 2024 à 22:36
Citation en provenance du commentaire précédent de Lili
" Concernant ... improbable et improuvable. "


Vous devriez revoir le reportage il me semble que vous êtes passer à coté de beaucoup d'informations démontrant plutôt sans débat un travail réalisé gratuitement dans le but d'avoir des contreparties (deux fois plus de commandes), à des tarifs plus qu'élevé pour un rendu faible voir mauvais.

Cdlt

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Angela
19 Sep 2024 à 16:57
Si ça avait été une aide indépendante de quelques consultants (sans lien de hiérarchie entre eux ou qui interviendraient sur des sujets différents) en effet... mais là on a quand même quelque chose qui ressemblerait fort à une petite équipe conseil gracieusement mise à disposition d'un parti (1 associé accompagné d'un assistant et d'un consultant) qui coordonne un même projet (la fameuse plateforme) avec l'aide de leur outil professionnel (les mails et documents auraient a priori bien été écrits sur des boite mails, outils et avec des licences payés par McK à en croire les journalistes....). C'est clairement pas un énorme scandale d'état mais si c'était avéré par le PNF c'est pas très joli pour autant... de là à prouver que derrière la balle a été renvoyée en leur donnant des contrats ce sera difficile à démontrer même si libre à chacun de se faire son avis ;)

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Grabet
19 Sep 2024 à 13:29
La gestion pandémie n'a aucunement été abordée?? Sujet extrêmement sensible

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JeanneDarc
19 Sep 2024 à 12:47
Le monde du conseil a boycotté l’émission. Ont-ils tous des casseroles ? Les missions sont pour la plupart des échecs ? Y a-t-il une coïncidence avec la nomination du chef de Ca......i I.....nT (promo Macron) .... Chuuuuut.

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Rico
19 Sep 2024 à 11:18
Oui enfin la frontière entre temps salarié et temps libre dans le conseil... Quand c'est un Partner qui te "sondes" pour "participer"...
Mais ce n'est bien sûr pas le seul cas de participation à des activités politiques au travail

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Ploup
19 Sep 2024 à 10:59
Citation en provenance du commentaire précédent de Lili
" Concernant l'implication de 6 consultants (au lieu de 20) si c'est sur le temps libre ça reste légal. La […] "


Merci de cette précision, McKinsey.

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Lili
19 Sep 2024 à 02:16
Concernant l'implication de 6 consultants (au lieu de 20) si c'est sur le temps libre ça reste légal. La plate-forme est achetée et piloter des ateliers reste basique, 1 réunion/15j semble loin du travail 'intensif' et 'instrusif' promis. Les consultants ont des horaires flexibles. D'autant qu'il n'y a ni contrat ni facture donc le cabinet n'est pas engagé.
La question est plutôt de savoir si le bénévolat n'a pas été fait sur le temps salarié ce qui serait problématique. Et aussi si ce travail bénévole était trop important et aurait dû être déclaré mais le bénévolat est une zone grise.
Tadjeddine était militant PS et a été dans des think tank ... un profil investi et comme Macron et lui se connaissaient.
L'enquête sera délicate d'autant que la CNCCFP n'a rien relevé de manquant donc je ne suis pas sûre qu'ils aient été si cruciaux vu le nombre de consultants engagés dans la campagne.
Quand au favoritisme, improbable et improuvable.

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secteur public

Lydie lacroix
secteur public
McKinsey, Cash Investigation, enquête, Emmanuel Macron, campagne présidentielle, opération Chicxulub, État, secteur public, Karim Tadjeddine, PNF
13932
McKinsey
2024-09-20 07:49:53
10
Non
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