De la Nasa à la DGA, un faiseur d’étoiles au pays de l’aéro
François Chopard est l’heureux patron de Starburst Accelerator, incubateur de start-up dans le domaine de la défense, du spatial et de l’aéronautique. Il est aussi passé par plusieurs cabinets de conseil en stratégie. Découverte d’un entrepreneur qui commute entre Paris et San Francisco.
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François Chopard (49 ans) a grandi à Cagnes-sur-Mer, près de Nice dans une famille de quatre enfants. À 16 ans, fini la Riviera. Il monte à Paris pour les études. Après la classe de prépa, il intègre Supélec.
Ses études d’ingénieur achevées, il commence sa carrière au centre de recherche d’Airbus en 1994 au sein de la branche qui allait devenir par la suite le missilier MBDA. Il fait un premier crochet par les USA puis opte, à son retour, pour le conseil parce qu'il souhaite changer d'orientation professionnelle.
Ce sera PwC où il adresse une clientèle très française en compagnie d'équipiers du cabinet Bossard Consultants, qui après le rapprochement avec Capgemini, rejoignent les équipes de consultants avec lesquelles il travaille.
François Chopard travaille sur des sujets névralgiques : opérations et stratégie. Pendant ces quatre années qu’il passe chez PwC, il planche notamment sur deux grosses missions vendues à… Airbus.
De l’autre côté de la barrière…
« Au final, je travaillais encore pas mal pour mon ancien employeur, mais avec une autre casquette », se souvient François Chopard. L’exercice s’avère compliqué, car le consultant au background d’ingénieur n’est pas toujours d’accord avec ce que le cabinet vend comme prestations à Airbus.
Sa fonction lui permet pourtant d’avoir une vision plus large que lorsqu’il était uniquement ingénieur. Il acquiert une expertise de la chaîne de valeur globale et du cycle de vie du produit, de l’ingénierie à la vente en passant par l’industrialisation et la production.
François Chopard ne se limite pas au secteur aéronautique, il réalise aussi des missions auprès du joaillier et horloger Cartier ou du label discographique Polygram. « J’ai travaillé avec une bonne équipe de professionnels. J’en revois certains maintenant. Ils sont souvent devenus entre-temps partners au BCG, chez Roland Berger ou Bain comme Jérôme Rein (partner au BCG, NDLR) », ajoute-t-il.
Premières gammes dans l’entrepreneuriat
Après quatre ans chez PwC, c’est la bulle internet qui lui donne envie de s’essayer à une autre actvité qui l’attire depuis toujours : l’entrepreneuriat. Il rejoint alors une jeune pousse spécialisée dans les achats par enchères inversées. Mais l’aventure tourne court. Le chapitre se clôt au bout de deux ans après son lancement.
En 2001, il remonte un petit cabinet de conseil baptisé Arendi consulting, spécialisé en conseil en recherche & innovation auprès de grands groupes. Un positionnement assez proche de ce que faisait à l’époque Arthur D. Little. Le mouvement pour rejoindre ce cabinet se fait donc assez naturellement. Une dizaine de consultants, dont François Chopard, font partie du mouvement, entraînant la liquidation d’Arendi.
Oliver Wyman, l’expérience du conseil à l’anglo-saxonne : une marche à franchir, un autre univers
Il ne s’y attarde pas. Au bout d’un peu moins d’un an, il choisit de partir en 2007 chez Oliver Wyman, qu’il connaît déjà par ailleurs. Oliver Wyman s’appelle encore Mercer Management Consulting et le regroupement (Mercer Management Consulting, Mercer Oliver Wyman et Mercer Delta Consulting) sous la marque Oliver Wyman intervient simultanément à son arrivée.
François Chopard, qui prendra une part active à ce travail de marketing au niveau groupe, intègre la practice américaine aviation, aerospace & defense, dont le siège est à Dallas. Les principaux clients US sont des compagnies aériennes et des sociétés de maintenance, tandis qu’en Europe, la clientèle est plutôt composée de constructeurs.
« C’était une façon de travailler à l’anglo-saxonne avec énormément de méthodologie et des retours d’expérience avec la vente de missions de grande envergure avec une autre approche et des prix en rapport avec ce changement d’échelle aussi. »
Le niveau d’intervention monte d’un cran atteignant les étages de la direction générale. « On travaillait beaucoup à ce moment-là pour Fabrice Brégier, ex-président d’Airbus Commercial Aircraft, et Louis Gallois, ancien président exécutif d’Airbus. »
Rentré comme associate partner, il passe partner au bout d’un an. Il y reste six ans. À 35 ans, le futur patron de Starburst Accelerator redevient « un petit jeune » aux côtés de senior partners aux parcours prestigieux et aux carnets d’adresses bien fournis comme Christian Chautard, un polytechnicien et consultant qui a notamment accompagné Jean-Luc Lagardère dans l’aventure de la création industrielle d’EADS. Il préside aujourd’hui le conseil d’administration du groupe Korian.
Le consultant enchaîne des dossiers passionnants. « À cette période, Airbus se posait des questions sur la pertinence de passer de cinq à quatre, voire trois business units, nous l’avons accompagné dans ces réflexions ». Puis c’est la douche froide post-crise 2008 que les cabinets américains prennent de plein fouet. Un nouveau tournant attend François Chopard.
Once more unto the breach, dear friends, once more !
Fin 2011-début 2012, dans le sillage de la crise de 2008, il quitte le cabinet anglo-saxon et renoue avec un projet qui lui tient à cœur depuis très longtemps : créer sa propre entreprise. Il va effacer le goût d’inachevé laissé par ses deux expériences entrepreneuriales précédentes.
Un ami, Thomas Le Diouron, associate parter chez Oliver Wyman, lui aussi sur le départ, l’encourage sur ce chemin. En 2012, ils créent tous deux Impulse Partners. Tous deux sont de fervents adeptes de l’innovation ouverte. Ils développent un outil de mesure de la maturité de l’entreprise face à l’innovation qu’ils baptisent innovative engine. Ils le font tourner chez plusieurs grands noms de l’aéronautique : Zodiac Aerospace, Daher qui crée à l’époque un laboratoire à San Francisco, et dans une moindre mesure chez Safran également.
L’incubation de Starburst Accelerator, la « pouponnière aux étoiles », et l’aventure internationale
Fin 2012, les deux partenaires font partie des lauréats de l’appel d’offres de la mairie de Paris pour mettre sur pied des incubateurs spécialisés. Ils en lancent deux dans le 15e arrondissement de la capitale, un dédié à l’aéronautique et, un peu plus tard, un autre consacré à la construction/BTP.
« Or, pour exister dans le secteur aéronautique, il faut opérer à l’échelle mondiale », remarque François Chopard qui commence à développer son activité outre-Atlantique aux États-Unis. Il faut faire rentrer de nouveaux partenaires et changer de braquet.
Thomas Le Diouron et François Chopard séparent alors leurs business. En 2015, le Starburst Accelerator, en référence aux nuages de gaz et de poussières observés un an plus tôt par le télescope Hubble et d’où naissent les étoiles, est sur pied.
Au même moment a lieu la création de la filiale à Los Angeles en Californie. Puis viennent les antennes à Singapour et Munich en 2016. L’internationalisation s’est poursuivie depuis avec la création de bureaux à Tel-Aviv, Séoul, Montréal, et Bombay. « Il y a cinq ans, j’étais seul à bord ou presque et maintenant nous sommes une cinquantaine de personnes », fait remarquer François Chopard.
Starburst Accelerator, qui compte la DGA, la Nasa, Thales, l’US Air Force parmi ses clients, se positionne comme une société de services qui aide ses clients à avoir accès à de jeunes pousses fournissant des technologies qui les intéressent.
« Les grands groupes à l’affût de nouvelles technologies émergentes encore mal connues nous donnent leur shopping list en quelque sorte et nous les alimentons régulièrement de différentes manières avec des technologies et des start-up innovantes. Cela peut se présenter sous la forme de panels expliquant combien de start-up existent sur tel ou tel domaine, ce qu’elles ont levé comme fonds, leur degré de maturité, etc. », explique-t-il.
Starburst a développé une base de start-up d’aéronautique et de défense d’environ 8 000 sociétés et tous les ans, elle en découvre un peu plus de 2 000. En plus, depuis trois ans, la société prend aussi de l’equity dans une vingtaine de start-up par an en échange de ses services d’accompagnement. Elle a ainsi investi environ 2,8 millions de dollars par an en autofinancement et dispose désormais d'un portefeuille d’une soixantaine de start-up.
Par chance, peu d'effet covid la concernant : en forte croissance, la société devrait poursuivre sur sa lancée dans les prochaines années en accentuant son internationalisation. Étant très centrée sur la défense et le spatial, dont les budgets n’ont pas reculé au niveau mondial et ont même fortement augmenté aux États-Unis notamment avec l’administration Trump, Starburst Accelerator souffre moins de la crise que traverse l’aviation civile ainsi que les constructeurs et équipementiers aéronautiques.
Le conseil, une corde qu’il continue à faire vibrer
Pour tenir le cap, ses outils de consultants en stratégie lui sont précieux, encore aujourd'hui. « Personnellement et professionnellement, le passage dans les cabinets de conseil m’a permis d’apprendre énormément, notamment comment raisonner, développer une vision, susciter l’engagement de clients à un haut niveau », déclare-t-il. Un seul bémol : ça n’apprend pas le métier d’entrepreneur.
Starburst Accelerator compte par ailleurs dans ses rangs des anciens consultants en stratégie de Roland Berger Paris comme Mathias de Dampierre et Vincent Joséphine. Elle continue d’ailleurs à en recruter, car c’est une bonne formation selon François Chopard. Quand ce dernier ne planche pas sur son fonds d’investissement, il apprécie de piloter lui-même un petit avion pour un saut de puce, par exemple de Frisco à Los Angeles, où la société a un bureau.
Mais la détente parfaite s’écrit plutôt avec un « k » comme kitesurf, et si possible, au Brésil, patrie du constructeur aéronautique Embraer. Le business n’est jamais très loin !
Emmanuelle Rosse pour Consultor.fr
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