Ces mouvements de hauts fonctionnaires scrutés par la HATVP
La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique contrôle la reconversion de nos hauts fonctionnaires. Depuis le 1er février 2020, elle a ainsi examiné la situation de 264 agents publics dont sept seulement – un haut fonctionnaire est récemment passé du Trésor au BCG – ont rejoint des cabinets de conseil en stratégie.
Lionel Corre, sous-directeur assurances à la direction générale du Trésor, l’administration centrale rattachée au ministère de l’Économie et des Finances, rejoint le Boston Consulting Group en tant que partner (un grade que le BCG vient de créer il y a peu, situé en-dessous de managing director & partner, et au-dessus de principal). Il rejoint le centre d'expertise « services financiers et restructurations » ce 1er février.
Un recrutement, confirmé par l’Argus de l’assurance, sur lequel la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a émis plusieurs réserves. Et dont le Trésor a fait publiquement état sur ses réseaux sociaux, suscitant l'ire des Internautes jugeant que la puissance publique encourageait par là les « pantouflages » (le passage au privé des hauts fonctionnaires, relire l'article de Marianne)
Diplômé de Polytechnique (promo 2000) et de Sciences Po (2005), Lionel Corre a débuté comme commissaire contrôleur au sein de l’ACA, l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, avant de rejoindre l’Agence des participations de l’État en 2008 comme chargé d’affaires dans la prise de participation majoritaire de l'État dans AREVA. Entre 2011 et 2012, il est conseiller en charge de la politique énergétique du ministre de l’Industrie, de l’Énergie et de l’Économie numérique, entre autres responsable de la réforme du marché de l'électricité en France (loi NOME).
De 2012 à 2016, Lionel Corre est conseiller économique au sein de l’Ambassade de France en Israël. Il rentre ensuite à la DG du Trésor, d’abord comme secrétaire général du Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), qui est elle-même acheteuse régulière de conseil (relire notre article), avant d’être promu sous-directeur des assurances en 2017.
C’est là que le nouveau partner du BCG, qui a quitté ses fonctions au Trésor le 10 janvier, a piloté plusieurs réformes structurantes pour le secteur de l’assurance : réforme du cadre prudentiel de l’assurance-vie en période de taux bas, réforme de l’épargne retraite et de l’assurance-vie dans le cadre de la loi PACTE, gestion des réserves dans le cadre de la réforme des retraites, négociation de la révision de la directive Solvabilité ll, négociation d’une nouvelle régulation des activités transfrontalières en Europe etc.
Au BCG, Lionel Corre retrouvera deux autres membres du corps des Mines, Agnès Audier, au cabinet de conseil depuis plus de quinze ans et actuellement senior advisor au service de la practice secteur public, et David Parlongue, ex-conseiller « financement des entreprises » d'Emmanuel Macron à Bercy, partner au BCG depuis 2019, indique La Lettre A.
Une arrivée qui n’est pas passée inaperçue auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Créée en 2013, elle s’est vue confier plusieurs dispositions sur la déontologie des agents publics par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.
Depuis l’entrée en vigueur de cette loi le 1er février 2020, tout projet de nomination d'un conseiller ministériel, d'un collaborateur du président de la République, d'un directeur d'administration centrale ou d'un directeur général des services ayant exercé une activité privée lucrative au cours des trois dernières années doit être soumis à l'approbation préalable de la Haute Autorité. Depuis le 1er février 2020, elle a examiné 573 situations de ce type
À l'inverse, la Haute Autorité contrôle aussi la reconversion de nos hauts fonctionnaires. Depuis le 1er février 2020, la HATVP a ainsi examiné la situation de 264 agents publics – pour moitié, des collaborateurs du président de la République et des conseillers ministériels –, dont 65% ont fait l'objet d'un avis de compatibilité, avec ou sans réserve.
Sur ces 264, seuls sept cas de reconversion de hauts fonctionnaires dans des cabinets de conseil en stratégie ont eu lieu. « Ils sont très rares », jugeait Didier Migaud, le président de la HATVP, qui était entendu par la commission d’enquête du Sénat sur l’influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques.
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1 % : c’est la part des 7 000 anciens de l’École nationale d’administration qui à un moment ou un autre de leur carrière sont passés dans le privé, et très précisément dans des cabinets de conseil en stratégie, selon les données agrégées par Consultor.
Avec respectivement dix-huit et dix-sept actuels et anciens consultants, McKinsey et le BCG concentrent le plus grand nombre d’énarques. La promotion Léopold Sédar Senghor (2002-2004) concentre le plus grand nombre de diplômés à être passés par le conseil en stratégie (quatre diplômés). Enquête sur les raisons, les réussites et les échecs d’un « pantouflage » méconnu.
Une audition au cours de laquelle Didier Migaud a confirmé avoir été saisi du cas de Lionel Corre – dont le nom n’a cependant pas été prononcé au cours de l’audition. Il était alors question d’« un ancien sous-directeur des assurances à la direction générale du Trésor, polytechnicien, qui y exerçait des fonctions depuis 2017 après être passé par le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) ». Ce qui colle parfaitement avec le profil de Lionel Corre.
Un passage du Trésor au BCG sur lequel Didier Migaud a indiqué que la HATVP avait émis plusieurs réserves « qui feront naturellement l'objet d'un suivi ». Ainsi, par exemple, a rappelé Didier Migaud, « cette personne […] doit s'abstenir d'intervenir de quelque manière que ce soit, directe ou indirecte, dans toute décision relative à une mission ou à une prestation au profit de l'État […] ». « Nous serons vigilants, et nous nous adresserons régulièrement à cette personne pour vérifier le respect de ces réserves », a ajouté Didier Migaud.
Dans un autre cas, où « une personne membre d'un cabinet ministériel […] était auparavant directrice du domaine "secteur public" d'un grand cabinet de conseil », une personne qui n’a pas non plus été nommée durant l’audition de Didier Migaud, elle doit à la demande de la HATVP « se déporter de toute discussion ou de toute décision portant sur les différentes entités du cabinet. Elle doit également s'abstenir d'intervenir de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, dans toute décision relative à une mission ou à une prestation au profit de l'État pour laquelle l'une de ces entités serait candidate. Elle doit enfin se déporter des rendez-vous et échanges organisés avec les entités du cabinet et se faire systématiquement accompagner par un autre membre du cabinet lors de rencontres plus larges auxquelles participerait l'une de ces entités ».
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