Europe : les achats de conseil en stratégie reculent
Après que l’Union européenne avait été épinglée pour des factures de conseil jugées exorbitantes, son bras exécutif, la Commission européenne, vient de publier la liste des missions de conseil en stratégie achetées en 2022. La facture totale baisse. Les consultants continuent cependant à intervenir sur une grande diversité de sujets dans tous les secteurs.
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6,2 millions d’euros : tel est le total des missions de conseil en stratégie achetées par la Commission européenne en 2022.
C’est ce qu’il ressort des données que la Commission publie chaque année au 30 juin sur son système de transparence financière (voir le site https://ec.europa.eu/budget/financial-transparency-system/analysis_fr.html) concernant les subventions, les prix et les marchés publics attribués sur la part du budget de l’Union européenne que la Commission gère.
Le chiffre de 6,2 millions d’euros recouvre les marchés attribués aux cabinets recensés dans le guide de Consultor et dont les noms figurent dans les données publiées par la Commission. Il est sensiblement inférieur aux 10,6 millions d’euros que Consultor comptabilise en 2021 ou encore aux 15 millions d’euros de 2017.
Mais, avec 6 millions d’euros, 2022 n’est pas non plus la plus petite année au compteur : sur les 13 années pour lesquelles Consultor a collecté les données publiées par la Commission européenne, la moyenne des achats de conseil en stratégie se situe à 5,2 millions d’euros et la valeur minimale atteinte en 2012 avec 2,8 millions d’euros commandés.
Selon les données 2022, Cylad, le Boston Consulting Group et McKinsey ont bénéficié de nouveaux contrats.
Satellite et carbone
Ainsi, Cylad a-t-il été retenu par la Direction générale de l’industrie et de la défense pour accompagner GovSatCom, le futur système satellitaire de communications sécurisées entre États de l’Union européenne – un mandat de 900 000 euros.
Quand le BCG, de son côté, a été mandaté pour accompagner le déploiement de solutions de capture de carbone, dites CCUS en anglais, dans les secteurs des cimentiers et de la valorisation des déchets, et ce en Italie et en Grèce. La mission doit courir jusqu’en 2027 pour des honoraires d’un million d’euros.
Cabinet | Direction de la Commission européenne acheteuse | Année | Sujet | Montant en euros |
McKinsey Solutions (Belgique) | Agence exécutive européenne pour la santé et le numérique | 2022 | Dispositif flexible d'innovation et de manufacture de contre-mesures médicales en cas de menace sanitaire internationale | 2 700 000 |
Cylad Consulting (France) | Direction générale de l'Industrie et de la Défense | 2022 | Soutien au déploiement de Govsatcom et préparation de la concession cadre du programme de l’Union pour une connectivité sécurisée | 996 000 |
McKinsey Solutions (Belgique) | Service de préparation et de réaction en cas d'urgence sanitaire | 2022 | Contre-mesures à la résistance antimicrobienne | 824 000 |
Boston Consulting Group (Italie) | Agence exécutive européenne pour le climat, les infrastructures et l'environnement | 2022 | Herccules (décarboner l’industrie avec des CCUS en Europe du Sud) | 714 000 |
McKinsey Solutions (Belgique) | Direction générale de l’appui aux réformes structurelles | 2022 | Réserve stratégique de ressources essentielles en fonction des capacités industrielles | 600 000 |
Boston Consulting Group (Italie) | Agence exécutive européenne pour le climat, les infrastructures et l'environnement | 2022 | Herccules (décarboner l’industrie avec des CCUS en Europe du Sud) | 384 928 |
Dans la foulée du covid, McKinsey choisi par Bruxelles sur les « menaces sanitaires transfrontalières »
McKinsey est le cabinet qui ressort le plus dans ces nouvelles attributions de contrats. Les consultants de la firme basés en Belgique ont été sollicités à plusieurs reprises l’année dernière par la Direction générale de l’appui aux réformes structurelles, par l’Agence exécutive pour la santé et le numérique ou par l’Agence du conseil européen de l’innovation et des PME.
Le cabinet a notamment été retenu pour aider les services de la Commission à déterminer de quelle manière les pays membres de l’Union européenne pourraient au mieux coordonner leurs capacités manufacturières en cas de « menaces sanitaires transfrontalières sérieuses ». Un contrat à 2,7 millions d’euros qui rappelle à quel point le cabinet, avec le BCG notamment, a été aux avant-postes sur la réponse apportée par les États (il est intervenu en France, en Italie ou encore aux États-Unis) à la pandémie de covid.
Roland Berger, incontournable sur les programmes spatiaux
Roland Berger, cabinet le plus représenté avec 40 missions de conseil recensées depuis 2009 pour un total d’honoraires de 36 millions d’euros, n’a pas reçu de nouvelles commandes en 2022. Cela dit, le cabinet avait été retenu par les services chargés de la politique étrangère de la Commission en 2021 pour un accompagnement global des programmes spatiaux européens, un sujet sur lequel le cabinet semble être devenu quasi incontournable au sein de la Commission européenne avec, par exemple, au fil des ans, 20 missions différentes sur la radionavigation européenne Galileo. La nouvelle mission qui lui a été achetée en 2021 est, elle, de 5,9 millions d’euros d’honoraires.
Les dernières données 2022 confirment la tendance observée en 2020 et 2021 à une certaine prévalence de McKinsey sur le nombre de commandes de conseil en stratégie passées : sur les 21 missions achetées sur ces trois années, 13 sont allées à McKinsey, 3 au Boston Consulting Group, 2 à Cylad, 1 à Strategy& et 1 à Roland Berger.
Mais, dans l’ensemble, donc, un certain ralentissement est à noter pour 2022.
La Cour des comptes fera le suivi de ses préconisations d’ici 2 ans
Est-ce une conséquence du pataquès politique déclenché par la révélation sur des centaines de millions d’euros perçus en honoraires par les Big Four auprès de l’Union européenne (voir notre article https://www.consultor.fr/articles/39-millions-d-euros-en-dix-ans-la-commission-europeenne-ne-megote-pas-sur-les-consultants-en-strategie) ?
Ou un marqueur de la prise en compte du rapport publié par la Cour des comptes européenne voilà tout pile un an (voir notre article https://www.consultor.fr/articles/la-commission-europeenne-fait-son-examen-de-conseil) ? Elle s’y inquiétait de la hausse des dépenses annuelles de conseil, de pratiques d’achat très perfectibles et de la forte opacité entourant ces achats. Aucune base n’existait par exemple entre les services de la Commission européenne pour vérifier qu’elle n’achète pas deux fois la même chose.
Rien ne permet de conclure que les derniers chiffres publiés traduisent une prise en compte des recommandations de la cour. « Pour tous nos rapports d’audit, un exercice de suivi formel a lieu au bout de 3 ans », indiquent les services de la Cour interrogés par Consultor.
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Quelques mois après que le Sénat français a dénoncé l’influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques hexagonales, la Cour des comptes de l’Union européenne (ECA) a rendu un rapport pointant les dépenses galopantes de consulting de la Commission européenne – dont celles de conseil en stratégie. François-Roger Cazala, représentant français de l’ECA et rapporteur de ce document, nous en explique les enjeux.
Les consultants en stratégie dans tous les pays, tous les secteurs et sur tous les sujets
En attendant, la Commission européenne ne résume pas à elle seule tout le sujet des achats de missions de conseil en stratégie dans le secteur public européen. Les récentes annonces de marchés publics dans divers pays membres de l’Union européenne montrent que recourir à des consultants en stratégie est un réflexe bien établi, quel que soit le pays, quel que soit le secteur, quel que soit le sujet.
Ce dont témoignent très bien par exemple les marchés publics européens obtenus par le BCG : ces derniers mois, le fonds de pension suédois Fjörde AP Fonden, la Radiodiffusion publique des Pays-Bas (Nederlandse Publieke Omroep) ou encore la banque de développement de l’État de Rhénanie du Nord-Westphalie (NRW.Bank) se sont tous tournés vers le BCG pour que ses consultants les aident à revoir leur organisation, leur stratégie ou encore leurs process. Avec, à la clé, plusieurs millions d’euros d’honoraires.
De même de McKinsey qui a été retenu, au côté de Bearingpoint et de Deloitte Advisory, par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, une agence de l’Union européenne créée en 2005 pour améliorer les réponses de l’Union aux maladies infectieuses. La mission sera réglée par 1,8 million d’euros. Délivrables attendus à ce prix : une évaluation stratégique de la réglementation, du marché et de l’écosystème de l’agence, ainsi que des recommandations concernant son organisation et son management.
À la même période, en Allemagne, Roland Berger était appelé par Berlin sur l’éventuelle vente de la branche fret de la Deutsche Bahn (un contrat à 440 000 euros sur lequel plusieurs autres cabinets interviennent).
Enfin, à noter que la publication des attributions de marché de conseil en stratégie semble être beaucoup plus répandue en Allemagne que dans n’importe quel autre pays européen. À date, en 2023, les ministères et établissements publics allemands ont rendu publics 10 marchés sur le portail européen Ted, beaucoup plus que tous ses voisins (3 marchés annoncés en Irlande, 2 marchés aux Pays-Bas, en Suède ou en France).
Autant d’attributions de marchés publics qui feront d’ailleurs l’objet d’un prochain rapport de la Cour des comptes européenne. Cette dernière, indique-t-elle à Consultor, prépare un rapport sur la régularité des passations de marchés publics dans l’Union européenne. Le consulting sera concerné au premier chef, beaucoup de missions étant attribuées de cette manière. Publication attendue à l’automne.
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