Cabinets de conseil : la « folle » course aux labels RSE
B Corp, EcoVadis, Engagé RSE, Lucie 26000… Les labels RSE pullulent… Dans le cadre de leur démarche de responsabilité sociétale des entreprises (RSE), certains cabinets de conseil en stratégie ont opté pour cette labellisation dédiée. Une jungle disparate pour le moins luxuriante où il devient difficile de se repérer. D’autres cabinets se disent très sélectifs sur le sujet, mettant de côté volontairement ce qui est aussi (avant tout ?) un bel outil de com’…
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Les labels RSE, c’est un peu l’auberge espagnole (cf. encadré)… « On ne dénombre pas moins d’une dizaine de labels généralistes. À cela, il faut ajouter les labels nationaux, régionaux, thématiques, sectoriels ! C’est un monde un peu nébuleux, qui manque de cohérence, où l’on ne sait pas toujours qui est derrière leur création. Certains sont importants et très utiles. Mais la grande majorité des labels, privés, n’enrichissent que ceux qui les promeuvent », regrette Geneviève Férone, une historique de la notation sociale et environnementale des entreprises.
Pour éviter toute confusion, les cabinets de conseil en stratégie, ayant fait la démarche de labellisation, ont donc opté pour les plus (re)connus, gages de sérieux.
De quels labels les cabinets disposent-ils ?
- B Corp : Kea & Partners en 2020
- OC&C Strategy Consultants et Vertone visent une labellisation pour 2021
- EcoVadis : Bain & Company qui est rentré au capital (ici), Vertone, Cylad Consulting, Kearney
- Best Place to Work : Kearney, Bain
- Great Place to Work : Oliver Wyman
- Happy at Work : Kea
- CarbonNeutral : Kearney depuis 2010, Bain depuis 2012, Oliver Wyman depuis 2020.
A contrario, d’autres cabinets n’ont encore aucun label, par choix, ou parce qu’ils ne l’ont pas encore fait et envisagent de le faire.
Facteurs d’amélioration interne, arguments commerciaux : la raison d’être des labels
Les labels RSE se démultiplient donc comme des petits pains, où se côtoient le bon et le moins bon… Alors, quel est donc, pour les cabinets de conseil, l’intérêt d’afficher tel ou tel label ? Ils seraient avant tout des gages d’excellence différenciants pour les clients…
« Les labels sont un outil précieux de notre stratégie RSE, au cœur de notre métier depuis plusieurs années maintenant. Ils sont des facteurs de remise en question, d’amélioration pour aller vers toujours plus d’excellence en la matière. Par exemple, B Corp est un label international exigeant, de 200 critères internes, qui nous pousse dans une dynamique constante de progression », atteste David-Emmanuel Vivot, senior partner de Kea & Partners.
Même son de cloche chez Kearney. « Nos programmes et nos actions RSE ont été engagés depuis plus de dix ans, et c’est ce qui compte le plus pour nous. Les labels sont un peu la cerise sur le gâteau qui nous aident à fixer nos ambitions dans un cadre, nous challenger, et à nourrir nos idées, », explicite Avra Tzeveleki, la manager RSE de Kearney.
Plusieurs motivations peuvent donc exister derrière la recherche de labels des cabinets de conseil en stratégie : un label pour continuer à progresser chez Kea et Kearney, une vitrine chez Vertone, mais aussi un argument commercial.
« Après notre labellisation EcoVadis – nous sommes dans le top 3 % de notre catégorie (dans le barème EcoVadis, ndlr) –, nous sommes entrés dans une logique de certification B Corp depuis janvier dernier, un autre vrai label engagé qui nous pousse encore à élever notre niveau d’exigence. Nous partageons par ces labels cette démarche active de business à impact positif, car il nous paraît important de prouver à nos clients notre propre engagement. Cela devient également de plus en plus un critère pour les services achats des entreprises », confirme Florence Hirondel, manager, l’un des piliers « vertoniens » de l’équipe RSE.
Le label en tant que facteur commercial, plus que comme facteur de recrutement : c’est ce que confirme aussi Anne Baudrier, la DRH de Kearney : « Les labels RH (ndlr, Kearney est labellisé Best Place To Work) ont plus d’influence auprès de nos clients que de nos candidats qui font assez peu confiance aux tampons et nous rejoignent moins pour les labels que pour nos engagements concrets. »
Les labels RSE en France, la caverne d’Ali Baba
Ils peuvent se décliner en quatre catégories :
- Une dizaine de généralistes dont les principaux : B Corp, EcoVadis, Engagé RSE (Afnor), Lucie 26000, UN Global Compact…
- Une dizaine de labels sectoriels : Coopératives So Responsables (pour les coopératives agricoles, relire notre article), Human For clients (Institut national de la relation client), RSE Proprement Engagés (industries de la détergence des produits d’entretien et des produits d’hygiène industrielle), label SCOP du BTP, BioED (entreprises bio), Enseigne Responsable (Mousquetaires, Carglass, Mie Câline)…
- Les labels thématiques : Relations fournisseurs et achats responsables, Diversité, Happy at Work, Best Place to Work
- Territoriaux : ETRe Bourgogne Franche-Comté, Réseau Alliances dans les Hauts-de-France, Alsace excellence, Lyon ville durable…
Multiplication des labels
Quelles qu’en soient les raisons, une forme de course aux labels a bien lieu dans le conseil.
Ainsi le cabinet Cylad Consulting a-t-il été labellisé EcoVadis en septembre dernier. « Nous avons également signé le Global Compact des Nations unies. Ce sont des corpus qui nous aident à progresser », souligne Laurence Massat, la partner en charge des sujets RSE.
Kearney a lui aussi opté pour la labellisation active. Le cabinet a décroché pas moins de trois labels environnementaux, EcoVadis, CarbonNeutral, CDP (ex-Carbon Disclosure Project), et participe à plusieurs référentiels mondiaux (Global Reporting Intitiative, World Economic Forum, Stakeholder Capitalism Initiative…). Des marqueurs d’engagement forts pour ses clients.
Choisir le juste label pour les cabinets qui se lancent
La course aux labels dans le conseil comme ailleurs est « certaine » pour Geneviève Férone, cofondatrice de Prophil, cabinet de conseil en stratégie dédié à la convergence des modèles philanthropiques et économiques. « C’est une façon de donner un signe de réassurance. Mais un label, des caches à cocher, ne vaut pas un travail stratégique de fond », dit-elle.
Chez Ares & Co, la réflexion est en cours, avec une approche qui se veut la plus mesurée possible face aux nombreux labels disponibles. « C’est une démarche que nous souhaitons entreprendre cette année, car c’est un excellent moyen de valoriser notre engagement réel – mais finalement “personnel” donc sans publicité –, et notre image notamment auprès des jeunes. Le label Positive Workplace pourrait être l’un de nos partenaires à court terme », annonce le chief operating officer d’Ares & Co, Mehdi Messaoudi.
Pour le bureau parisien d’Oliver Wyman, la priorité n’est pas à l’obtention de ces « sésames », mais avant tout l’engagement de ses équipes. « Nous ne sommes ainsi pas rentrés à ce jour localement dans cette logique de labels (dans le groupe mondialement, Oliver Wyman dispose de plusieurs labels, ndlr). Cela est clairement l’un de nos axes pour notre prochaine étape pour renforcer l’engagement de nos équipes, fortifier notre culture et notre marque », confirme Jacques-Olivier Bruzeau, l’office leader du bureau parisien depuis 2009.
Du côté d’Eight Advisory, en début de démarche RSE officielle depuis un an, la question des labels ne se pose pas… pas encore en tout cas. « L’objectif de labellisation se fera certainement dans un deuxième temps. Ce sera l’occasion de se fixer d’autres objectifs », atteste le DG d’Eight Advisory, Éric Demuyt.
Enfin, certains cabinets refusent catégoriquement de faire le jeu des labels. « Quand on connaît le dessous des cartes, les méthodologies uniquement quantitatives et déclaratives, on ne se dit pas que c’est un blanc-seing », confirme Boris Imbert, associé de Mawenzi Partners.
Pour tenter de mettre de l’ordre dans cette offre inégale et surabondante de labels RSE, en France, la Plateforme RSE créée en 2012 par le gouvernement à la demande de partenaires sociaux, a remis en début d’année une série de recommandations en faveur de la robustesse et de la crédibilisation de ces labels. La députée Stéphanie Kerbarh a de son côté fait voter un amendement au projet de loi de finances 2021 en faveur de la création d’un poste de direction de la RSE en charge de la commande publique, placée sous l’autorité du Premier ministre.
L’experte en notation sociale et environnementale Geneviève Férone souhaiterait même que cette structuration se passe au niveau européen. Car aujourd’hui, il n’existe que peu ou pas de label RSE européen…
Barbara Merle pour Consultor.fr
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