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La nouvelle vie très costard-cravate du gymnaste Pierre-Yves Bény

Avant d’entrer en janvier 2017 dans le sérail très prisé du conseil en stratégie, Pierre-Yves Bény était un gymnaste professionnel, médaillé de bronze aux championnats européens de 2004 et multiple champion de France (la dernière fois en 2012).


 

Aurélie Brunet
03 Fév. 2020 à 10:50
La nouvelle vie très costard-cravate du gymnaste Pierre-Yves Bény

Pour ne pas subir sa reconversion, il prend dès 2002 une décision radicale : planifier en détail son parcours académique et sportif pour les dix années à venir. Cette stratégie est payante : en 2013, il sort diplômé de l’ESCP, avant d’entrer quatre ans plus tard chez Kearney comme consultant senior.

En 2002, alors qu’il se prépare à concourir aux JO d’Athènes de 2004 en individuel et en équipe (il y sera finaliste, cinquième aux anneaux), Pierre-Yves Bény a déjà pris sa décision : il aura une vie professionnelle après la gymnastique artistique professionnelle.

Pourtant, ses premières compétitions en gymnastique, Pierre-Yves Bény les a disputées dès ses neuf ans aux niveaux départemental et régional. Il est champion de France à 14 ans en 1997.

Peu importe. Le gymnaste comprend que sa carrière sportive aura un jour une fin.

Dès lors, il prépare durement sa reconversion, avec la même ardeur qu’il s’entraîne depuis ses débuts pour atteindre les sommets sportifs.

À 19 ans, le bac scientifique en poche, il a déjà suffisamment de maturité pour se projeter dix ans en avant. Pour « faire les JO » et poursuivre des études supérieures, il décide de préparer chaque olympiade en deux temps : trois années pendant lesquelles il parallélise études et gymnastique, puis une année entière uniquement dédiée au sport. Cette tactique lui permet de participer aux JO de 2004 et 2012. En 2008, il avait dû annuler sa participation aux JO de Pékin après s’être cassé la main à un mois du départ.

« Si tu fais un BTS, tu finiras chez Décathlon »

En 2004, l’ESCP lui est présentée à l’Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) où il est scolarisé. Il obtient en 2007 un BTS de management des unités commerciales. Certains l’avaient pourtant mis en garde : « Si tu fais un BTS, tu finiras chez Décathlon ».

Le jeune homme ne se laisse pas démonter et réussit le concours d’entrée à l’ESCP via le concours des admissions parallèles sur titre, préparé avec les spécialistes de la reconversion de l’INSEP. Pied de nez au destin, il ira faire un stage de quatre mois chez Décathlon, avant d’entrer à l’ESCP en 2008. Celui qui avait prévu de clore sa carrière sportive à son entrée à l’ESCP ne souhaitera pas finalement s’arrêter sur sa blessure de 2007. Il lisse sa formation sur cinq ans afin de pouvoir se consacrer au sport de haut niveau encore quelques années.

Même si le sport n’est pas qu’un atout. Certaines entreprises craignent de le recruter, car son expérience professionnelle reste encore limitée par sa pratique de la gymnastique de haut niveau. Quelques mois à peine après son entrée à l’ESCP, il entame à 26 ans un stage loin du cheval d’arçons et des barres parallèles chez E. Leclerc comme contrôleur de gestion. Il y travaille de 7 heures à 15 heures, pour ensuite s’adonner à la gymnastique.

Un peu plus tard durant sa formation à l’ESCP, il a son premier contact avec le conseil en stratégie. En décembre 2008, lors d’un cours de stratégie, donné à l’ESCP par un des cabinets de la place. Les consultants lui paraissent « brillants, jeunes et dynamiques », leurs missions « belles et impactantes ». Il n’avait pas prévu spécifiquement de rejoindre Kearney à sa sortie d’école. Mais le secteur l’intéresse. Au point d’y tenter une première expérience professionnelle. Ce sera à l’occasion du dernier stage, en 2013, à l’ESCP : il devient consultant spécialisé retail chez Kurt Salmon. Un stage qui deviendra ensuite son premier emploi.

Quelques mois plus tôt en 2012, il avait clos sa carrière sportive après avoir été finaliste, huitième en équipe aux JO de Londres. Il avait postulé chez Kearney comme dans d’autres cabinets de conseil en stratégie. Face à son profil « intéressant mais atypique », on lui avait recommandé de réessayer après avoir acquis « davantage d’expérience ». Cet échec est loin de le décourager.

Chez Kurt Salmon, il apprend les fondamentaux. Un bon début qui confirme son goût prononcé pour le conseil. Mais au bout de trois ans et demi, il a la sensation d’en avoir fait le tour. De plus, il est approché par deux autres cabinets de conseil en stratégie. Le moment est venu : il recontacte naturellement un ancien manager de Kurt Salmon parti chez Kearney.

Le sport, une bonne porte d’entrée dans le conseil

Après une série de six entretiens sur deux mois, en 2017, il entre à 33 ans chez Kearney, directement au grade d’associate (environ trois ans d’expérience chez Kearney). Il se rappelle avoir apprécié, lors de la phase d’entretiens, la personnalité des personnes rencontrées (consultants seniors, managers, associé et DRH).

Au sein du cabinet de conseil en stratégie, l’exigence et le niveau intellectuel sont très élevés. « Le conseil en stratégie est une autre forme de sport de haut niveau, le risque physique en moins. »

En cela, l’ancien athlète professionnel a une longueur d’avance. Il a conscience que sa résistance au stress est bien plus forte que dans son entourage. Un atout considérable, car « le conseil impose son rythme avec plusieurs niveaux d’urgence ». En cela, il n’oublie pas non plus ses quatre blessures en 2002, 2004, 2007 et 2011, qui l’ont forcé à mieux se connaître et se concentrer sur l’essentiel.

Sans compter, évidemment, les valeurs du sport et le sens du travail en équipe, qu’il met en pratique tous les jours chez Kearney. Dans la gymnastique, même quand il était tout seul sur les agrès, il travaillait en équipe.

Bilan des courses, le sport est un « tremplin pour nouer des liens ». Avec une certaine réussite : en début d’année, il a été promu manager.

A-t-il déjà planifié sa nomination comme partner ? Non, le temps où il planifiait sa vie à une décennie près est révolu. Le consultant avance désormais avec sérénité au jour le jour, au fil des missions. Où aimerait-il être dans dix ans ? « Je ne sais pas, je me vois heureux. »

Peut-être encore chez Kearney. Tout du moins, au bout de trois ans, il aime le contact humain, toucher tous les secteurs et côtoyer des CEO, être souvent chez ses clients, la productivité et l’approche des problématiques propres à Kearney. Avec une dizaine d’associés et son unique mentor, il a déjà mené treize missions portant sur l’organisation, les plans stratégiques sur trois à cinq ans, l’évaluation des potentiels de marché et des fonds d’investissement, ou encore les due diligences. « Nos recommandations doivent être évidentes pour nos clients, jamais imposées. »

Il a beaucoup apprécié une mission l’an passé sur la stratégie de distribution d’une grande chaîne de magasins au Moyen-Orient. Ils étaient partis quatre mois à quinze consultants du bureau de Paris, encadrés par un partner. De quoi rappeler à Pyb – le surnom que lui ont donné les autres athlètes – l’ambiance de ses longs voyages avec l’équipe de France.

D’ailleurs chez Kearney, il ne ressent pas la compétition entre consultants. « Je n’ai jamais vécu la compétition comme autre chose qu’un entraînement », avance-t-il. Bon camarade, il serait même du genre à donner des coups de main.

Travailler sur des missions pour les JO de Paris ? Il en serait comblé, d’autant plus que le consultant n’a encore jamais eu l’occasion de prodiguer ses conseils dans le domaine sportif. Car bien que sa carrière de gymnaste de haut niveau soit terminée, le sport n’est jamais loin.

En effet, il est coach au sein de son club de toujours, le SM Orléans, dont il est aussi le trésorier depuis six ans. Et, en cas de manque, pour s’entretenir et décharger le stress de sa nouvelle vie de manager, il pratique le vélo. 

Aurélie Brunet pour Consultor.fr

Crédit photo : PY BENY REUTERS Mike Blake - stock.adobe

Simon-Kucher
Aurélie Brunet
03 Fév. 2020 à 10:50
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Simon-Kucher
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