« Le chiffre d’affaires des quatre Grands de l’audit ne croît pas plus vite que le reste du marché », Jean-Baptiste Hugot
Tous les deux ans, Jean-Baptiste Hugot – Journaliste et observateur de la vie du conseil en France depuis 20 ans - édite une nouvelle version de son Guide des cabinets de conseil en management. L'ouvrage, depuis sa création en 1993, est devenu une référence incontournable pour qui veut tout savoir du secteur.
Cette année encore, Jean-Baptiste Hugot dévoile pour Consultor les coulisses de son écriture et sa vision du marché.
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Le Guide des cabinets de conseil en management répertorie l'ensemble des acteurs du marché employant au moins 40 consultants. Depuis deux ans, il fournit a minima un index avec les coordonnées de chaque structure. La plus importante partie du guide est consacrée à l'analyse, en détail, de quatre-vingt-six des cabinets les plus importants.
Quelles sont les nouveautés de cette douzième édition ?
D'abord, il faut savoir qu'entre chaque édition, je réalise à nouveau toutes les interviews. Pour chaque cabinet, il peut y avoir des évolutions. Ensuite, ce qui a changé dans le corps du guide, c'est l'arrivée de nouvelles structures. Tous les deux ans, il y a des cabinets qui apparaissent et d'autres qui disparaissent. Cette fois, une vingtaine d'entreprises sont présentes pour la première fois dans le guide. C'est plus que la moyenne habituelle. À titre d'exemple, la belle réussite dans le segment des cabinets de conseil en stratégie, c'est l'arrivée d'Emerton. Il entre par la grande porte. Il y a deux ans, il n'était même pas dans l'index et il se retrouve dès cette édition dans le corps du guide.
Un autre changement de taille, c'est une communication plus souple et plus ouverte. La tendance avait déjà débuté avec la onzième édition. Elle s'est cette fois-ci largement accentuée et confirmée. Plusieurs raisons à cela. Il y a l'arrivée aux commandes de nouvelles générations de dirigeants, plus enclines à parler. Il y a aussi une nouvelle nécessité pour les structures de taille moyenne : les acheteurs prennent plus de poids dans le processus décisionnel, ce qui a tendance à défavoriser les structures de plus petite taille.
Le modèle du conseil intuitu personae disparaît peu à peu. Pour contrer ce phénomène, les cabinets de taille moyenne cherchent plus de visibilité. Le temps du « vivons cachés, vivons heureux » est révolu. À l'inverse, certains cabinets ne communiquent plus à l'instar de CSC. Depuis le changement de dirigeants il y a trois ans, je n'ai plus aucun contact. Il y a aussi ceux comme Mars & Co, qui ont toujours été très discrets. C'est une stratégie assumée et revendiquée, mais elle a tendance à disparaître.
Depuis 1993, vous êtes un observateur privilégié de l'évolution du conseil en France. Quelles sont les grandes tendances que vous avez pu relever, notamment depuis la précédente édition en 2013 ?
Pour le conseil en stratégie, il y a la mini-révolution du Syntec. Certains gros acteurs comme McKinsey ou Bain s'assoient désormais autour de la table. Cela témoigne d'un changement dans le rapport au marché. Le phénomène incontournable, c'est l'arrivée des Big Four dans l'industrie du conseil.
Ils achètent de nombreuses structures, et pas uniquement dans le conseil en stratégie. D'une façon générale, je suis assez circonspect, car il y a une réelle problématique d'intégration. Par exemple, lorsque PwC a repris Booz, ce dernier a perdu la moitié de ses clients en France. La raison était simple, ils étaient audités par PwC et il y avait là un conflit d'intérêts. EY a de son côté acquis Greenwich. Or ce cabinet est très implanté dans les télécoms. Quand on sait qu'EY est le commissaire aux comptes des trois plus gros opérateurs français, on peut se poser la question de l'avenir de l'activité de Greenwich.
Il faut attendre de voir comment tout cela va évoluer. C'est d'ailleurs le titre de mon chapitre sur le sujet, « l'audit dans le conseil, une affaire à suivre ». Je note par exemple que, si l'on s'attarde sur les résultats des quatre grands de l'audit, leurs chiffres ne croissent pas plus vite que le reste du marché, à périmètre constant. La croissance externe donne une impression fausse de dynamisme, qui reste à confirmer.
Parmi les autres évolutions notables, il y a l'hyperdynamisme des cabinets des années deux mille. Je pense à Sia Partners, à Weave ou à Colombus. Solucom également, qui a choisi une stratégie de croissance externe tous azimuts. Chaque année, Solucom intègre plusieurs cabinets et l'entreprise fait déjà trois fois la taille de Sia ou six fois celle de Weave. Ce phénomène de l'émergence d'acteurs du millénaire n'est pas nouveau, mais cette année, il se confirme très nettement.
Concernant le conseil en stratégie, on voit les trois gros acteurs connaître des croissances autour de 15 % quand d'autres cabinets historiques ont des croissances plutôt négatives. Est-ce que le monde change et va-t-on vers un marché à deux ou trois acteurs principaux maximum ?
Je ferai la distinction un peu différemment. Il y a deux acteurs, le BCG et McKinsey, qui explosent tous les compteurs. Ensuite, un peu à part, il y a Bain, qui a connu une forte croissance en France pendant plusieurs années, a un peu ralenti quelque temps et semble repartir à la hausse. Derrière, il y a Roland Berger ou A.T. Kearney, qui semblent marquer le pas. Ce sont des cabinets qui ont connu des crises internes. Elles ont forcément eu un impact sur l'activité. Ils disent désormais que les crises de gouvernance sont passées, qu'ils se sont stabilisés, même si les rumeurs persistent. À voir...
Pour ce qui est de la concentration du marché, je pense qu'elle a vocation à continuer. À mes yeux, au-delà de cette question, le réel changement, c'est le digital. Il a un impact sur tous les pans de l'économie. Même le conseil en RH doit désormais intégrer ce changement. Contrairement à ce qui se dit parfois, je ne pense pas que le digital change le métier même du consultant. C'est simplement une nouvelle brique qui s'ajoute à ses compétences.
En revanche, cette révolution a pour conséquence de voir émerger des acteurs qui viennent de métiers très éloignés du conseil. Les SSII bien sûr ont leur rôle à jouer, parce qu'elles ont la légitimité. Mais je pense avant tout aux pure players. Ce sont des entreprises très technologiques au départ qui se tournent peu à peu vers l'accompagnement à la transformation. Apparaissent alors des sociétés comme OCTO Technology, qui ont une double culture technique et conseil.
De ce côté, les acteurs traditionnels du conseil en stratégie réagissent. J'ai été très étonné de voir que McKinsey recrute des spécialistes par centaines et devient développeur d'application. J'appelle d'ailleurs McKinsey « le nouvel Accenture ». Ils n'ont de toute façon pas le choix. Leurs clients sont bousculés de toutes parts par les Uber, Blablacar, Airbnb... et les cabinets de conseil doivent suivre ces changements.
Mais attention, les stratèges ont encore toute leur place. Le digital, ça n'est pas que technologique. Par exemple, les particuliers peuvent désormais prêter directement aux entreprises. Cela va changer le métier des banques, indépendamment de l'aspect purement technologique. Sur ce point, avoir les compétences techniques n'est pas obligatoire. Il faut les connaître, savoir qu'elles existent et les comprendre, mais pas obligatoirement les maîtriser parfaitement.
Prenez le modèle Apple. Ce qui est malin, ça n'est pas l'iPod, qui reste un lecteur MP3. Ce qui fait la différence, c'est l'environnement économique, l'Apple Store. Là, on parle de stratégie pure.
Gillian Gobé pour Consultor.fr
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