Le conseil en stratégie à la recherche de son impact
Efficacité, impact des missions : des notions sur lesquelles les cabinets sont en grande majorité aux abonnés absents. Et pourtant, ce voile pourrait être en train d’être levé. Pour la première fois, CO, un cabinet de conseil de format coopératif et à but non lucratif, a fait réaliser une étude d’impact auprès de ses bénéficiaires.
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CO, et sa vocation – conseil et stratégie pour l’intérêt général –, a ainsi tenu à jauger la valeur ajoutée de ses missions dans le développement des organisations qu’il accompagne. « Cela fait huit ans que CO existe, faisant le pari que la stratégie pouvait avoir une valeur et une utilité pour l’intérêt général, et il nous semblait temps de vérifier que nous tenons nos engagements de société à mission », contextualise Benoît Gajdos, DG de CO, 200 missions au compteur fin 2021, par ailleurs associé-cofondateur de Kea. Dans la sphère des cabinets privés, CO reste certes un cabinet singulier (ici), dont Kea & Partners est l’un des cofondateurs (avec Algoé, Colombus et Weave devenu Onepoint), rejoints plus récemment par Mawenzi (là) et Bartle (conseil en management). Des cabinets, pour certains des sociétés à mission – à l’instar de CO, Kea ou de Colombus depuis deux ans (ici) –, particulièrement impliqués dans la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), et donc logiquement soucieux de leur impact.
Une étude sur mesure
Cette étude dédiée, réalisée durant le premier semestre 2021, cherchait à appréhender les retombées directes des interventions de CO sur les projets et organisations que le cabinet a accompagnés, mais également sur les dirigeants eux-mêmes ainsi que sur les investisseurs sociétaux soutenant ces actions (sur les onze participants à l’enquête, deux ont répondu nominativement, AG2R La Mondiale et la Fondation la France s’engage). Pour ce faire, un questionnaire a été envoyé à l’ensemble de ses quelques 180 clients bénéficiaires (une centaine de réponses reçues), amendé par une vingtaine d’entretiens quali et une étude détaillée de quatre cas. « La spécificité de CO par rapport aux autres entreprises pour lesquelles nous réalisons des études d’impact, c’est que ce cabinet aide ceux qui aident. Il n’y a donc pas d’impact direct sur le terrain, mais il contribue à l’action de ses organisations bénéficiaires », signifie Adrien Baudet, directeur associé de Koreis, le cabinet en charge de l’étude.
C’est par souci d’indépendance et besoin de compétences extérieures que la réalisation de l’étude a été confiée à Koreis, le cabinet étant spécialisé dans l’évaluation d’impact des acteurs de ce pan très spécifique qu’est l’économie sociale et solidaire (qui a, entre autres, comme clients Les Restos du coeur, Médecins du monde, Emmaüs). Étude d’impact. De quoi parle-t-on vraiment ? Efficacité et impact des missions, ce n’est pas du pareil au même. Quand la mesure de l’efficacité est appréhendée par l’atteinte de certains objectifs du plan stratégique, l’impact d’une mission s’évalue sur la performance des actions des cabinets, « à savoir les changements qu’elles parviennent à créer dans la situation ou la trajectoire de leurs bénéficiaires », ajoute Adrien Baudet. Ainsi, un plan strat’ peut être considéré comme réussi quand l’impact est impossible à établir.
La preuve par l’exemple
L’une des dirigeantes des organisations interrogées sur cette étude d’impact est Claire Tournefier, fondatrice et DG de Rejoué, association créée en 2010 pour donner une seconde vie aux jouets grâce à des processus d’insertion sociale et professionnelle. Cette asso a été accompagnée par CO sur plusieurs missions depuis 2018, notamment lorsqu’elle a été lauréate de la Fondation la France s’engage pour l’aider à acquérir des compétences nouvelles et dans son nécessaire changement d’échelle et, plus récemment, sur la structuration de son activité commerciale et de son réseau de distribution. « Cet accompagnement par étapes nous a permis de cibler nos différentes problématiques, d’obtenir des indicateurs, des outils d’études, et de nous apporter des méthodologies. Cela nous a permis de gagner beaucoup de temps et d’éviter la dispersion. À chaque fois, nous avons pu mettre en œuvre les recommandations par des actions et franchir une nouvelle étape. Passer de l’intuitif à la rationalité nous confère une vraie crédibilité face à nos clients », consolide Claire Tournefier. Un impact du travail de CO plus que positif donc pour cette association qui a pris aujourd’hui une autre dimension : 60 personnes par an intégrées dans le chantier d’insertion, du gain de chiffre d’affaires, 45 tonnes de vieux jouets collectés en 2021, des recrutements à venir, l’ouverture d’une 3e boutique et d’un atelier plus adapté… « Aujourd’hui, nous sommes confrontés à de nouveaux sujets, celui de pouvoir produire suffisamment pour répondre à une demande en très forte croissance ou celui de la supply chain », amende la DG.
Objectifs tenus
Une synthèse démontrant globalement des résultats très positifs avec une moyenne générale de 8,4/10. Pour exemple, 90 % des dirigeants estiment que l’accompagnement de CO leur a permis une meilleure appropriation des objectifs par les équipes, 83 % de définir des objectifs stratégiques adaptés à leur situation, 85 % d’améliorer la réussite du projet. Parmi les points plus faibles : l’amélioration des capacités des bénéficiaires à utiliser leurs ressources de façon efficiente (59 % de réponses positives), la capacité à s’adapter aux changements de leur environnement (59 %), la capacité à développer leurs activités, leurs services ou leurs produits (58 %), l’efficacité globale (57 %), le renforcement des capacités de leur organisation (70 %).
Mais au-delà des chiffres bruts, le cabinet a avant tout cherché à identifier le réel curseur de son impact. « Globalement, nous voyons que CO a tenu le pari d’un niveau d’impact très important, d’aider au développement de la capacité de ces organisations et à l’accélération ou à la réussite des projets accompagnés. Et CO, qui s’est créé sur une conviction, que le conseil en stratégie peut aider les projets d’intérêt général à accroître leur impact et assurer leur pérennité, a réussi cette mission », se réjouit Benoît Gajdos, particulièrement fier de l’une des singularités de l’approche de ce cabinet : la maïeutique, sa capacité à faire « accoucher » les idées et connaissances de ses bénéficiaires, associée à un modèle innovant de co-construction.
La théorie du changement en application
Si les données quantitatives ont leurs limites, cette étude apparait cependant à haute valeur ajoutée pour les commanditaires. « Avec les six cabinets partenaires, ce qui nous importe, au-delà des résultats, était de construire la théorie du changement. Mesurer notre impact nous donne un outil qui permet, à partir d’une mission donnée et de différents types d’action, d’avoir de réels indicateurs d’impact. Cela nous permet d’envisager de façon plus efficace notre propre évolution, d’augmenter l’efficacité sociale et économique de nos missions et de donner accès à un conseil en stratégie adapté dans sa forme et dans ses prix », assure le DG de CO. La théorie du changement (la formalisation théorique des liens entre la mise en œuvre d’une activité et les effets recherchés parmi les bénéficiaires de cette activité) est aussi l’intérêt premier pour Adrien Baudet de Koreis, le réalisateur de l’étude. « Penser la théorie du changement, c’est expliquer le lien logique entre les besoins d’accompagnement que CO diagnostiquait parmi ses bénéficiaires, les modalités d’interventions choisies, et les effets directs ou indirects attendus de l’action », souligne-t-il.
Benoît Gajdos voit aussi dans les résultats de cette étude d’impact inédite un intérêt de premier plan pour cette nouvelle manne d’investisseurs sociétaux, une catégorie d’investisseurs récente en quête de sens (comme le montre notamment le secteur du PE). « Cela peut aider en particulier ceux qui se destinent à l’intérêt général. Cette étude montre clairement un retour sur investissement socio-économique maximal quand on mixe financement direct et financement de l’accompagnement. C’est une façon aussi de montrer que ces financements ont un poids essentiel dans la pérennisation de ces structures, et cela aide au développement d’un modèle économique plus résilient. »
Un canevas pour prolonger l’action
Étape suivante pour CO et ses associés : tirer des enseignements de cette étude. Comment poursuivre le travail au-delà de l’accompagnement purement stratégique des bénéficiaires ? « C’est une demande de leur part. Ils pensent que l’impact serait plus important si l’accompagnement se prolongeait au cours de la mise en œuvre. Et cela pose une question de fond. Quel modèle d’intervention et quelle proposition de valeur pouvons-nous inventer ? Une chose est sûre. Le modèle classique opérationnel ne fonctionnera pas. En cause, la barrière économique infranchissable », s’interroge son DG, Benoît Gadjos. Un nouveau défi disruptif de taille pour ce cabinet de conseil en stratégie.
L’engagement RSE quasi généralisée des cabinets de conseil en stratégie (relire ici) va certainement donner le La de ce type d’étude. « La pratique d’évaluation d’impact est de plus en plus généralisée dans les grandes entreprises. Les cabinets généralistes commencent eux aussi à s’y intéresser de près », confirme l’associé de Koreis, Adrien Baudet. « Nous faisons le choix de partager l’intégralité des résultats et le référentiel méthodologique utilisé. Nous souhaitons ainsi interpeller les acteurs du conseil pour qu’ils s’en emparent, et que nous puissions croiser nos travaux d’études d’impact, comparer différents formats et actions… voire élaborer un référentiel d’évaluation commun », lance Benoît Gajdos de CO. À bon entendeur…
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