« Les clients attendent des consultants de poser les bonnes questions » - Arnaud Gangloff, Kéa
Selon les senior partners de Kéa, Arnaud Gangloff et Angelos Souriadakis, le métier de consultant en stratégie a profondément muté ces dernières années.
Consultor : Vous affirmez : « On ne fait plus de la stratégie comme avant. » Que voulez-vous signifier ?
Angelos Souriadakis : Nous n’avons quasiment plus de missions de stratégie universelle, comme des missions de développement, de diversification, d’internationalisation, de scaling, d’intégration… des missions de 12 mois aboutissant à X scénarios et Y recommandations. Nous sommes entrés dans une nouvelle ère dans laquelle il s’agit de proposer des méthodologies pour répondre aux questions des dirigeants, avec une forte dimension maïeutique. Et sur certains sujets, comme l’économie souhaitable que nous maitrisons bien, nos clients attendent même une approche propédeutique (apport d’outils et analyses, étude préparatoire à une autre plus approfondie/plus spécialisée, nldr) qui leur permet d’internaliser certaines méthodes et approches novatrices.
Arnaud Gangloff : Les sujets sont en effet multidimensionnels. Prenons un exemple concret de mission sur laquelle nous intervenons en ce moment pour une grande banque française et pour laquelle nous travaillons sur une plateforme de droit carbone. Sur les questions de financiarisation du droit carbone, le client n’a pas besoin de nos compétences. En revanche, nous leur proposons un modèle économique de plateforme que nous avons développé qui est une véritable création de valeur pour le client.
Qu’est-ce qui a radicalement changé dans l’écosystème du dirigeant ? Depuis quand la bascule s’est-elle faite ?
A.S. : La plupart des dirigeants sont confrontés à des polycrises simultanées depuis une dizaine d’années avec la nécessité de gérer plusieurs pas de temps, du temps court au temps long, dans une double injonction, assurer la pérennité de l’entreprise sur le temps long, tout en favorisant son agilité pour répondre aux soubresauts du marché et aux crises. Le dirigeant doit aussi prendre en compte d’autres dimensions : la notion de périmètre géographique avec un retour du local, la gestion des enjeux de performance éco et de résilience écologique, les risques de crises sanitaires, économiques, financières, géopolitiques, et les technologies qui perturbent le business model…
A.G. : La notion de polycrises est centrale, car jusqu’à présent, les dirigeants étaient confrontés à un seul type de crise à la fois, comme le krach boursier de 2001-2002, la crise financière en 2008… Aujourd’hui, ils font face à des crises multidimensionnelles dans un monde en profond déséquilibre. La crise sanitaire liée à la Covid-19 n’a été qu’un révélateur, mais elle a eu des répercussions profondes dans certaines dimensions, en particulier dans le rapport entre l’humain et l’entreprise. Ce rapport est d’ailleurs fortement réinterrogé par les avancées technologiques majeures et très rapides de ces dernières années, avancées que notre façon de penser les stratégies et transformations prend clairement en compte.
Concrètement, qu’est-ce que cela implique en termes de missions ?
A.S. : Lorsque les dirigeants nous appellent, c’est moins pour résoudre des problèmes sur quelques mois que pour les accompagner sur un temps très long, de 2 ou 3 ans. Les plans d’investissement vont être tirés par une vision plus prospective. Au cœur de la pratique de conseil en stratégie et transformation se pose la question des nouveaux éléments de valeurs, c’est-à-dire comment calculer la valeur hors économique. À côté de l’étalon euro, nous devons prendre en compte l’étalon climat, l’étalon social et environnemental.
Et sur le travail des consultants ?
A.G. : C’est également polydimensionnel. La notion d’assertivité du conseil est derrière nous. Il est donc impératif d’abord de former celles et ceux que l’on recrute à nos méthodologies, notamment la Positive Business Map (les 9 champs d’action pour réussir la transition responsable des entreprises, ndlr). Afin de faire de la bonne prospective, il faut bien sûr de bonnes compétences en économie/économétrie, mais aussi d’autres ingrédients, comme des savoir-faire en sociologie, en histoire… Une chose est sûre, les clients n’attendent pas de réponses, mais reconnaissent les bons consultants à leur faculté de poser les bonnes questions et de lui apporter les expertises adéquates pour aller dans la bonne direction. Et nous avons l’humilité de ne pas essayer de répondre à des questions que l’on ne comprend pas.
En quoi Kéa est-il pour vous différenciant par rapport à d’autres cabinets ?
A.S. : Par notre volonté de travailler la matière stratégique et la transformation à partir de l’écosystème de l’entreprise, les filières, les parties prenantes (élus, citoyens, associations…). Mais aussi notre culture de cabinet français et européen. Nous avons toujours le souci de travailler la raison d’être et la singularité des clients pour développer leurs avantages concurrentiels. Notre plus-value passe aussi par notre travail basé sur l’économie souhaitable, notre volonté de développer la souveraineté française et européenne, notre couverture d’une multitude de champs grâce aux acquisitions. Et, bien sûr, par notre qualité relationnelle et notre présence auprès de nos clients qui nous reconnaissent comme des « trusted advisors ».
A.G. : Nous sommes très attachés à lier les intérêts des parties prenantes entre elles, car l’écosystème est particulièrement important dans certains secteurs comme l’aéronautique, le nucléaire, l’alimentaire, qui nous permet d’avoir une vision systémique. J’ajouterais une dimension conjoncturelle, car dans le temps présent, nous avons le courage de maintenir le cap de l’économie souhaitable dans un contexte complexe dans lequel il serait beaucoup plus simple de revenir au court terme.
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