Recrutements : à quoi s’attendre en 2018
Dans le sillage d’une croissance élevée du secteur du conseil en France, les recrutements des sociétés de conseil en stratégie – au moins 500 en moyenne par an dans les cabinets suivis par Consultor.fr – s’annoncent soutenus. Il y a même plutôt consensus sur le sujet, que ce soit au sein même des cabinets ou dans les sociétés de recrutement et de chasse de têtes qui les aident à staffer leurs organigrammes.
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McKinsey Paris, selon les informations de Consultor, affiche des objectifs inédits de recrutement de 100 personnes – c’est la première fois en dix ans que les prévisions de recrutement atteignent ce niveau et ne servent pas qu’à remplacer l’existant.
Puisque, of course, entre 20 et 50 % des recrutements compensent les nombreux départs qu’enregistrent tous les cabinets dans un secteur connu pour des taux de turnover élevés. Habituellement, chez McKinsey, ce sont plutôt entre 60 et 80 recrutements qui sont opérés au niveau junior. L’objectif inédit de 100 personnes pourrait encore être relevé en avril 2018. Même bond chez Kea, chez Advancy et, dans une moindre mesure, chez Vertone.
« Les vannes sont ouvertes »
« Les vannes sont ouvertes », résume Aurélien Labrune, manager exécutif senior chez Michael Page en charge du secteur du conseil. Sa division (cinq personnes) qui intervient notamment pour McKinsey, le Boston Consulting Group ou Oliver Wyman, mais aussi pour des boutiques plus modestes telles que Nouvelles Donnes ou Mawenzi Partners, réalise environ un million d’euros de chiffre d’affaires sur ces recrutements dont le nombre a bondi de 50 % au cours des douze derniers mois – quoique la société n’en communique pas le nombre exact.
Le constat est le même chez la concurrence. « Nous observons une croissance des recrutements de 11 % en un an », explique Muriel Wilfred, consultante senior chez Robert Walters. Un chiffre qui rejoint ceux de la croissance tout court du marché du conseil en France : la France devrait finir l’année en tête des treize pays européens sondés en décembre par la FEACO, la Fédération européenne des associations de conseils en organisation, avec une croissance de 11,5 % et un chiffre d'affaires de 6,6 milliards d’euros.
« Nous sommes en forte croissance, forcément nous avons besoin de monde », se réjouit Éric de Bettignies, le CEO d’Advancy. L’enthousiasme est donc de rigueur.
Un enthousiame à nuancer
Plusieurs nuances doivent cependant être apportées. Une première, évidente : le volume de recrutement n’est absolument pas le même entre les plus grands cabinets et leurs confrères de taille moindre.
Si McKinsey, BCG et Bain réaliseront donc 300 recrutements à eux seuls à Paris, L.E.K., Advancy, Vertone, Kea, Oliver Wyman et Exton en cumuleront 195 selon les prévisions 2018 qu’ils ont communiquées à Consultor.
« La tendance à long terme va nettement à un renforcement des effectifs des sociétés de conseil, mais d’une société à l’autre, d’une année à l’autre, d’un projet à l’autre, c’est très volatil », confirme Victor Haim Mamou, ancien consultant au Boston Consulting Group, fondateur du site https://etude-de-cas.fr.
« Le marché pousse et nous actualisons tous les mois nos prévisions de recrutement pour y répondre. Ensuite, en fonction des projets en prospection et ceux qui restent à produire, on tourne les compteurs à la hausse ou à la baisse », abonde Raphaël Butruille, directeur de Vertone.
Chez McKinsey, la réorganisation des grades en cause
Le marché n’est pas toujours la seule cause des recrutements. Autre cas de figure, chez McKinsey : la hausse des recrutements y est autant due à des conditions de marché favorables qu’à un réaménagement interne des grades.
La hausse des recrutements s’y explique aussi en partie par l’augmentation des besoins au niveau associate, précédemment satisfaits par des consultants juniors après deux à cinq ans d’expérience.
Pour ceux qui parvenaient à tenir le rythme jusque-là… Car c’est à ce stade que le cabinet connaissait ses plus grosses pertes d’effectifs qui étaient souvent exténués après leurs premières années. D’où la décision de McKinsey d’accorder à ses juniors un statut intermédiaire de pré-associate.
Ce grade d’observation peut être mis à profit pour aller se frotter à une expérience d’entreprise – souvent chez un client de McKinsey –, un MBA, voire une expérience entrepreneuriale. Avec la certitude de retrouver sa place au retour, pour ceux qui décident de revenir.
Par ricochet, McKinsey doit davantage recruter directement aux grades de pré-associate et d’associate, ce que le cabinet ne faisait pas en France jusque-là.
Davantage de profils spécialisés
Autre trait commun des recrutements dans le secteur : la recherche de profils plus spécialisés pour répondre aux exigences de clients secteur par secteur. Chez Vertone, par exemple, ce sont l’énergie et le tourisme qui sont demandeurs.
Ailleurs, ce sont les spécialistes des data numériques qui ont la cote, comme au BCG où la centaine de recrutements annuels est notamment tirée par ce secteur. À l’instar de Cyrille Vincey nommé cette année chez Roland Berger en qualité de partner en charge des offres data analytics et artificial intelligence.
L’équipe de trois personnes d’Upward Consulting dédiées au conseil en stratégie, qui sont notamment au service du BCG, réalise depuis deux ans un tiers environ de ses cinquante placements annuels à des postes en lien avec la gestion des données numériques.
Impacts de la quasi frénésie ambiante : des processus de recrutement modifés et des grades d'entrée plus favorables
Est-ce que ces besoins plus importants ont des conséquences en termes de pratique pour les cabinets ? « Indéniablement », pour Rafaël Vivier, fondateur associé du cabinet de chasse de têtes Wit Associés, également actionnaire de Consultor. « Certains cabinets ont récemment revu leur processus de recrutement pour les rendre plus courts et/ou plus efficaces. Et pour certains MBB (McKinsey, BCG, Bain, NDLR), les critères d’accès aux entretiens se sont assouplis tant en termes d’expérience que de bagage d’enseignement supérieur. Et arrivé au moment du closing, les grades d’entrée proposés sont parfois plus favorables aux candidats qu’avant cette période quasi frénétique. »
Confirmation au BCG, où « on ne s’interdit pas de renouveler le profil de nos recrutements dans ce domaine, par exemple dans des écoles comme 42 », dit Vincent Gauche, principal au BCG Paris en charge des recrutements. « La cybersécurité a des besoins importants en consultants qui ne trouvent absolument pas preneurs pour l’heure », complète Aurélien Labrune chez Michael Page.
La quête du senior
À cette recherche de spécialisation s’ajoute une quête de séniorité dans les nouvelles recrues. Segment sur lequel les chasseurs sont beaucoup sollicités, puisque les cibles ne courent pas les rues et les cabinets désireux de les intégrer sont nombreux. Kea, par exemple, sur quarante recrutements prévus en 2018, vise quinze profils expérimentés, contre trois et quatre en 2017 et 2016 respectivement. Les recrutements de seniors étaient même majoritaires chez Exton en 2016 et comptaient pour la moitié des nouvelles entrées en 2015.
Chez Bain et Roland Berger, en 2018, un tiers des recrues visées portent sur des profils seniors. « Le BCG Paris embauche 45 % de profils expérimentés », dit Vincent Gauche. « Le recrutement dans le secteur s’est “séniorisé” et s’est spécialisé », estime pour sa part Axel Franco, directeur chez Upward Consulting.
L'importance déterminante de la gestion des recrutements
Une autre constante partout : le caractère déterminant de la bonne gestion des recrutements dans un secteur dont l’unique actif est sa matière grise. « Le recrutement est critique », comme dit Éric de Bettignies. Advancy dit gérer un afflux de 3 000 CV par an. Au BCG, cela peut monter jusqu’à 4 500 et le service DRH compte une vingtaine de personnes, sans parler des consultants seniors mis à contribution pour faire passer des entretiens.
Si clairement le recrutement junior se poursuit via candidatures directes ou par la présence des cabinets sur les campus, tous les tuyaux sont bons pour faire venir à soi les meilleurs profils. Les cabinets continuent à faire miroiter des primes de cooptation. Un consultant en place qui amène à demeure le profil souhaité, soit une connaissance, soit un ami d’école, peut empocher entre 2 000 et 7 000 euros. Selon le calibre de la pépite.
Les causes de l'effervescence
Pourquoi pareilles enchères pour l’entrée dans le conseil en stratégie quand le reste de l’économie montre de timides signes de reprise ? « Des groupes, qui avaient gelé leurs achats de conseil, les ont repris », avance Alix Renard, la DRH de Roland Berger. Michael Page et Robert Walters voient l’impact des nouveaux entrants dans la strat’, Deloitte (Deloitte Monitor) EY (Parthenon), PwC (Strategy&), Accenture (Accenture Strategy) pour ne citer qu’eux.
Mais aussi parce que les entreprises ont recentré leurs activités, dans l’assurance et la banque notamment, préférant externaliser des pans entiers de fonctions, rendant de fait les consultants externes de plus en plus nécessaires. Certains voient même enfin « un effet Macron ».
« Mettez tous ces éléments dans un mixeur. Vous comprendrez pourquoi la reprise du conseil en stratégie amorcée depuis deux ans s’accélère encore et la tension que connaissent les recrutements », estime Philippe Derambure, le CEO d’Exton Consulting.
Des objectifs intenables ?
Au point de rater la marche ? Comme ces 10 % d’industriels français qui ont ralenti leur production au troisième trimestre 2017 faute d’avoir atteint leurs objectifs de recrutement. Le danger est là et les trous dans la raquette sont récurrents. « Sur une population expérimentée de plus de cinq ans, on va péniblement arriver à recruter douze personnes quand il y a une capacité d’intégration de vingt places ». Dixit un professionnel des RH dans les MBB.
Benjamin Polle pour Consultor.fr
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commentaires (1)
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France
- 18/11/24
L’un des ténors du BCG en France, Guillaume Charlin, 54 ans, patron du bureau de Paris entre 2018 et 2022, serait en passe de quitter le cabinet.
- 15/11/24
Toutes les entités de conseil en stratégie ne subissent pas d’incendies simultanés, comme McKinsey, mais chacune peut y être exposée. La communication de crise dispose-t-elle d’antidotes ? Éléments de réponse avec Gantzer Agency, Image 7, Nitidis, Publicis Consultants - et des experts souhaitant rester discrets.
- 15/11/24
Le partner Retail/Consumer Goods d’Oliver Wyman, Julien Hereng, 49 ans, a quitté tout récemment la firme pour créer son propre cabinet de conseil en stratégie et transformation, spécialisé dans les secteurs Consumer Goods, Luxe et Retail, comme il le confirme à Consultor.
- 13/11/24
À l’heure où les premiers engagements d’entreprises en termes d’ESG pointent leur bout du nez (en 2025), comment les missions de conseil en stratégie dédiées ont-elles évolué ? Toute mission n’est-elle pas devenue à connotation responsable et durable ? Y a-t-il encore des sujets zéro RSE ? Le point avec Luc Anfray de Simon-Kucher, Aymeline Staigre d’Avencore, Vladislava Iovkova et Tony Tanios de Strategy&, et David-Emmanuel Vivot de Kéa.
- 11/11/24
Si Arnaud Bassoulet, Florent Berthod, Sophie Gebel et Marion Graizon ont toutes et tous rejoint le BCG il y a plus de six ans… parfois plus de dix, Lionel Corre est un nouveau venu ou presque (bientôt trois ans), ancien fonctionnaire venu de la Direction du Trésor.
- 08/11/24
Trois des heureux élus sont en effet issus des effectifs hexagonaux de la Firme : Jean-Marie Becquaert sur les services financiers, Antonin Conrath pour le Consumer, et Stéphane Bouvet, pilote d’Orphoz. Quant à Cassandre Danoux, déjà partner Stratégie & Corporate Finance, elle arrive du bureau de Londres.
- 30/10/24
L’automne fait son œuvre au sein de la Firme, les feuilles tombent… et les partners aussi. Les nouveaux départs sont ceux de Flavie Nguyen et Thomas London.
- 29/10/24
Julia Amsellem, qui a rejoint l’entité de conseil en stratégie d’EY en 2017, et Étienne Costes, engagé depuis 2013, font partie des 17 membres du nouveau comex d’EY dans l’Hexagone.
- 23/10/24
C’est une étude coup de poing que le cabinet Oliver Wyman a réalisée à titre pro bono pour le collectif ALERTE (fort de 35 associations, dont Action contre la Faim, Médecins du Monde et ATD Quart Monde) dédié à la pauvreté et à l’exclusion. Elle est intitulée « Lutter contre la pauvreté : un investissement social payant. » L’une des conclusions plutôt contre-intuitive : combattre la pauvreté par des financements serait un investissement gagnant-gagnant, pour les personnes concernées comme pour l’économie nationale. Les analyses du président d’ALERTE, Noam Leandri, et de Jean-Patrick Yanitch, partner à la tête de la practice Service public et Politiques publiques en France.