Une ex-Roland Berger se frotte à la néo-banque
Depuis début 2019, Caroline Ménager, une ancienne consultante de Roland Berger de 2006 à 2008, travaille au lancement de Pixpay, une application de néo-banque destinée aux ados et à leurs parents. Pour l’heure, une carrière dans le marketing et les outils d’ancien consultant paient : la start-up vient d’effectuer une première levée de fonds. La jeune société entend rallier plusieurs milliers d’abonnés en Europe.
À 37 ans, la Havraise de naissance décide en janvier 2019 de quitter après deux ans son poste de directrice marketing chez les cinémas Pathé-Gaumont, pour lancer sa propre start-up, la néo-banque Pixpay à destination des adolescents de 10 à 18 ans et de leurs parents, dont elle est la chief marketing officer (CMO).
« C’était comme une évidence. » Le coup de fil en octobre 2018 de son ami Benoit Grassin est un vrai déclic. Fraîchement diplômée de HEC, elle avait connu Benoit Grassin, l’ancien cofondateur de MonDocteur revendu à l’été 2018 pour 50 millions d’euros à Doctolib, en 2006, le premier jour de son stage chez Roland Berger. Lui y restera de 2006 à 2010 jusqu’au rang de senior consultant. Un autre des héritages d’un rapide passage dans le conseil en stratégie.
Deux ans dans le conseil, pas plus
À 24 ans, elle choisit de rentrer chez Roland Berger, « la voie royale pour commencer et un excellent complément, plus concret et pragmatique, de HEC ». Face à Bain & Company, le Boston Consulting Group et L.E.K. Consulting, elle aura un « coup de cœur » pour Roland Berger lors des entretiens. Elle se souvient au cours de son recrutement d’un cas, où chaque candidat était étudié selon sa dynamique au sein du groupe. « Roland Berger semblait aller au-delà des compétences techniques, sur le terrain des qualités humaines. »
Que lui reste-t-il de ses deux années chez Roland Berger ? « Ce passage m’a fait découvrir en accéléré des métiers, des secteurs, des managers et des méthodes de travail. » C’est sans surprise que Caroline Ménager reprend encore aujourd’hui ces méthodes « très structurées et méthodiques » comme les plans stratégiques et les budgets base zéro.
Évidemment pour développer le modèle Pixpay, les vieux réflexes Berger sont là : la « feuille de route produit » a été développée au terme de l’interview d’une centaine de familles sur leurs besoins, les points de frictions avec les adolescents et les fonctionnalités souhaitées.
« Mais Roland Berger, c’est aussi un cercle d’amis très fort, qui a presque les vertus d’une classe préparatoire. Tout le monde s’y tutoie. J’y ai trouvé de la solidarité, une forte bienveillance et un certain humanisme. »
Elle n’aura pas le temps de s’y spécialiser, passant « d’un partner à un autre » pour des missions de quelques mois, mais toujours sous le mentorat d’Alexis Gardy (alors principal, aujourd’hui managing partner au Canada de Roland Berger). Elle se souvient avoir aimé les missions stratégiques pour les « utilities ».
Après un budget based zero pour Aéroports de Paris, elle préconisera une réduction de coûts sur le module de nettoyage. Déjà ce goût du détail. Une aventure qui ne durera qu’un temps, du fait de l’aléa des missions, « au niveau de leurs contenus comme de leurs localisations » et des horaires importants. Surtout, la consultante a alors le sentiment de ne pas avoir assez d’impact opérationnel dans le quotidien des entreprises pour lesquelles elle effectue des missions.
Bonne camarade, c’est naturellement d’abord à son mentor qu’elle se confie, lorsqu’elle décide de démissionner au bout de deux ans, pour éviter les déplacements en province et privilégier sa vie de famille. « Il m’a fait faire une matrice de consultant pour valider ma décision », se rappelle-t-elle. On n’apprend pas au vieux singe à faire la grimace.
Lorsqu’on lui demande si elle recruterait pour Pixpay des anciens de Roland Berger, Caroline Ménager opine du chef : « C’est un blanc-seing prometteur de super recrues sans risques. Nous ne pouvons certes pas nous aligner sur les rémunérations fixes du conseil, mais nous disposons d’autres moyens pour rémunérer et motiver nos salariés », assure-t-elle.
Ne pas sortir du sérail de la banque, un atout ?
Pixpay part du constat que l’usage du cash n’est pas très adapté aux adolescents pour leur apprendre à gérer leur argent et les urgences.
Incubée depuis mai 2019 par platform58 (La Banque Postale), la raison d’être de Pixpay (quinze employés) est justement d’apprendre aux adolescents à gérer une carte bancaire et un budget, et permettre aux parents de les accompagner « avec un outil simple, rassurant, ludique et en temps réel ».
Même si les deux autres cofondateurs Benoit Grassin (chief executive officer de Pixpay, diplômé de l’ESCP) et Nicolas Klein (chief technical officer de Pixpay, diplômé de CentraleSupélec) étaient déjà des entrepreneurs de start-up à succès, puisqu’ils avaient fondé MonDocteur en 2003 avec Thibault Lanthier, aucun n’est issu de l’univers bancaire.
Une faiblesse dont les associés ont conscience et plaident pour les vertus d’une « approche neuve, créative et innovante, pour se concentrer sur les besoins des adolescents et de leurs parents ».
Un peu comme quand, à 27 ans, à la sortie de Roland Berger, Caroline Ménager s’était retrouvée catapultée directrice générale adjointe à la direction générale de Franprix avant de passer rapidement directrice de la communication et marketing.
À tout juste 30 ans, elle était en charge du repositionnement de Franprix et de son premier programme de fidélité. Modeste et « très terre à terre », Caroline Ménager se persuade alors que sa promotion éclair sera « temporaire ». Certes, elle n’a pas appris le marketing lors de sa majeure finance à HEC, ni même dans le conseil. Alors sa formation se fera « sur le tas » dans le retail B to C.
Un choix pour le marketing assumé, dont elle se réjouit aujourd’hui d’autant plus qu’il lui sera précieux pour le développement de Pixpay. « J’aime avoir un impact sur la vie quotidienne des gens. »
Pour l’heure, le modèle Pixpay tient la route.
En avril 2019, la start-up a fait une levée de 3,1 millions d’euros auprès du fonds Global Founders Capital et de dix business angels privés, parmi lesquels Alexandre Prot (cofondateur de la néo-banque Qonto) et Jean-Charles Samuelian (fondateur de l’assurtech Alan).
Une énième néo-banque à passer de vie à trépas ?
Le nom court, simple et mémorisable a aussi été choisi pour être prononçable partout en Europe. Basée sur un abonnement mensuel à 2,99 euros payé par les parents, Pixpay évalue son marché à 6 millions d’adolescents français et plus de 20 millions d’adolescents européens. La jeune pousse vise 2 millions d’utilisateurs en Europe fin 2023 et 100 millions d’euros de revenus récurrents d’ici 2024.
Des objectifs importants, certes. D’autres en ont eu avant Pixpay, mais les échecs dans le secteur sont nombreux. Comment faire mieux que tous les nouveaux modèles bancaires qui souvent ne survivent pas et ont du mal à gagner des clients ? Ce n’est pas la même cible et c'est une cible très faiblement équipée. Seulement 15 % des adolescents ont une carte de paiement aujourd’hui en Europe, car les banques les considèrent comme les enfants de leurs clients, mais pas comme des clients à part entière. « Nous comptons équiper des adolescents qui n’ont pas encore aujourd'hui de carte bancaire, quand les néo-banques pour adultes tentent de devenir la deuxième voire la troisième carte de paiement d’adultes déjà équipés. »
Même si son aîné est encore un peu trop jeune pour être concerné par Pixpay, avoir trois enfants a « pesé dans la balance » quand Caroline Ménager a décidé de se lancer dans l’aventure Pixpay. Et à 37 ans, « c’était maintenant ou jamais ».
Aurélie Brunet pour Consultor.fr
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