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Bain, Google, Uber, Lattès… Itinéraire d’un Wunderboy pressé

À 36 ans, le Bainie, Thomas Barthuel, ne serait-il pas un hyperactif ? En neuf ans de carrière, pas moins de cinq fonctions différentes chez Google, Uber, Phenix, et depuis juin dernier, au sein d’une start-up tech néerlandaise. Last but not least, l’ex-consultant a réussi à faire publier chez Lattès, Wunderbike, une autofiction sur les questions existentielles d’un trentenaire qui peine à faire concorder ses valeurs personnelles fondamentales avec le monde des affaires.

Barbara Merle
28 Aoû. 2023 à 13:44
Bain, Google, Uber, Lattès… Itinéraire d’un Wunderboy pressé
Thomas Barthuel

Une magnifique vitrine tant recherchée par tous les écrivains en herbe — qui permet ainsi à l’alumni de Bain de se présenter officiellement comme romancier. Thomas Barthuel n’est d’ailleurs pas le premier consultant à se frotter à l’exercice fictionnel : Alexis Bonon, manager chez Circle, a pris des congés sans soldes pour écrire son nouveau roman, David Naim, ex-associé d’EY-Parthenon a lui aussi publié son premier roman en 2021, Mathieu Menegaux, associé du BCG avait quant à lui publié son 4e roman en 2020.

Sorti en mai dernier, Wunderbike de Thomas Barthuel fait son petit bonhomme de chemin. « Il se vend plutôt pas mal, mieux que je ne pensais, mais cela reste un premier roman d’un anonyme dans un environnement très concurrentiel. J’ai eu la chance d’avoir un peu de bonne couverture presse et d’être présélectionné pour le Prix du Cheval Blanc à Lille en novembre prochain », dit-il à Consultor.

Le réseau Bain au service des débuts littéraires

Mais c’est peut-être Bertrand Pointeau, l’ancien senior partner de Bain, professeur de stratégie à HEC, qui a offert la plus belle promo à ce jeune romancier. « Wonderbook ! J’étais vraiment curieux de lire ce premier roman parce que j’avais connu son auteur à ses tout débuts professionnels chez Bain. Et j’ai adoré. Le style est tranchant, enlevé, plein d’humour et d’autodérision avec un sens aigu de l’observation et de la formule. Oubliez Largo Winch et Vernon Subutex… », a-t-il teasé sur les réseaux sociaux.

Une dédicace qui n’avait rien du hasard. Thomas Barthuel a travaillé avec cet historique de Bain, près de 33 ans de maison, sur l’une de ses toutes premières missions comme stagiaire, « pour un grand acteur du CAC 40 de l’industrie, une mission pour laquelle je me suis retrouvé seul avec Bertrand Pointeau et j’ai dû animer un séminaire devant le comex dans un château en lointaine région parisienne, se rappelle l’ancien consultant, c’est un souvenir mémorable, et au final, la mission a abouti, ma partie s’est bien passée. » Et même si le junior d’alors et le senior n’ont pas retravaillé ensemble durant les 4 années durant lesquelles Thomas Barthuel a été consultant chez Bain, le lien était définitivement tissé…

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Les 100 premiers jours d’un CEO, tour du monde d’un producteur de chewing-gum

Thomas Barthuel fait partie de ces diplômés des grandes écoles-cibles du secteur, HEC 2010 en ce qui le concerne, pour qui le conseil en stratégie était véritablement un choix de carrière. « J’ai eu des expériences de stages en banque d’affaires (UBS, ndlr), pas assez au contact avec les clients, et en audit (Mazars, ndlr), pas assez stratégique, et j’avais vraiment envie d’être consultant en stratégie pour son côté international et formateur élitiste. J’ai eu un vrai coup de cœur pour Bain dès le premier entretien et j’ai arrêté tous les autres process dès que j’ai su que j’étais accepté chez Bain. »

Il y restera de 2010 à 2014. Il y fait ses gammes en élaborant des plans de croissance, de la stratégie pour des CEO, de l’amélioration de performance et de la réduction de coûts, intervenant au sein des secteurs de l’industrie et l’industrie lourde, des biens de consommation ou encore dans la finance.

Avec deux missions particulièrement marquantes pour le jeune consultant qu’il était alors. Trois mois pour définir le plan strat’ pour un fonds dans le cadre des 100 premiers jours d’un CEO d’une entreprise moyenne du secteur de l’industrie lourde, quelque milliers de collaborateurs et quelque centaines de millions d’euros de chiffre d’affaires. « C’était passionnant, car nous pouvions voir les choses se mettre en place au fur et à mesure ! »

Et puis, dans un autre secteur, les consumer products, une mission de 6 mois pour une marque de chewing-gum, « pour laquelle j’ai passé un mois dans chaque pays où la société était présente afin de réaliser une reco sur l’amélioration de la performance pour chacun des pays, cela a été une expérience internationale formidable ».

Du consulting aux majors de la tech

Une carrière dans le conseil qui tourne court. Fin 2013, un associé de Bain partait ouvrir un bureau à Djakarta ; le consultant, avec son épouse Audrey Wolfovski-Barthuel, également consultante chez Bain (de 2010 à 2016), souhaitent prendre le large vers l’Indonésie. Sans réponse officielle de la part de Bain, « je pense qu'ils ont staffé avec des locaux qui connaissaient mieux le marché », le consultant décide d’aller voir ailleurs.

« Cela aurait sans aucun doute eu un impact sur ma carrière, je serais resté dans le conseil. Mais je commençais à trouver que les missions se ressemblaient un peu trop, j’étais titillé par la tech, j’ai postulé chez Google. » Thomas Barthuel entre ainsi dans les équipes commerciales du moteur de recherche en France en 2014, dans un rôle de « bras droit du directeur commercial, un rôle très proche de celui de consultant au final ».

Deux ans plus tard, il passe chez Waze et prend la tête de la stratégie et du développement de l’activité EMEA-APAC Asie de la plateforme, avec un focus sur les nouveaux marchés de la zone EMEA. « Trois années passionnantes avec de la réflexion stratégique et opérationnelle pour une superbe marque en forte croissance avec les moyens de Google. J’y étais bien, mais j’avais envie d’autre chose qu’une régie publicitaire. Je gardais les yeux ouverts pour autre chose. »

C’est au gré d’un appel téléphonique de la hiring manager de Jump que Thomas Barthuel endosse en 2019 le rôle de General manager de l’entité de vélos électriques d’Uber. Avec, au menu, gestion des opérations, des collaborateurs terrain (entre 200 et 400 selon les saisons, des mécaniciens aux équipiers) et de sept managers.

D’Uber à Phenix, le virage éthique

Un modèle suffisamment « agressif, certains diraient prédateur » pour donner envie au trentenaire, en lutte avec ses valeurs profondes (le sujet-cœur de son ouvrage), de changer de cap.

Un virage à 180° en 2020 vers un business model vertueux, celui de la start-up française Phenix qui lutte contre le gaspillage alimentaire, une société à impact labellisée B-Corp où il est nommé COO, axé sur les nouveaux marchés.

Il y retrouve une autre ex-consultante de Bain (de 2005 à 2016), Amélie Dumont, passée par Coca-Cola, entrée chez Phenix en 2019, comme COO BtoB (depuis 2021, elle y a été promue Chief revenue and Impact officer). « J’étais au siège pour avoir plus d’influence sur les décisions. Nous avions pour mission de développer l’appli grand public. Chez Uber, j’avais beaucoup de moyens pour aller vite, quitte à casser deux ou trois choses au passage. Ici, j’ai découvert un modèle de déploiement vertueux. Nous sommes passés de trois développeurs et quelques commerciaux avec très peu de revenus à une centaine de personnes, cinq millions d’utilisateurs et plusieurs millions d’euros de chiffre d’affaires. C’était une belle aventure. » 

Son dernier point de chute en date, en juin dernier, la start-up néerlandaise de design Creative Fabrica, basée à Amsterdam, en qualité de COO, « suite à une envie de partir à l’étranger » en famille avec sa femme (aujourd’hui Managing Director d’une plateforme de yoga en ligne après un passage comme VP chez BlaBlaCar) et leurs trois enfants, et « pour laquelle nous nous étions dit, le premier qui trouve emmène l’autre ».

Une société, qui réalise 65% de son chiffre d’affaires aux USA, qui a levé 61 millions de dollars en janvier dernier. « Cette marketplace est à destination des créateurs et designers. Elle vient de racheter une petite société d’IA générative pour l’automatisation d’une partie de l’offre. Cette société de 150 personnes aujourd’hui est en forte croissance et il y a beaucoup de choses à faire », s’enthousiasme cet hyperactif. Pour l’instant en tout cas. 

Car Thomas Barthuel a en lui l’énergie pour forcer le destin. Celui qui ressentait l’envie d’écrire depuis toujours, a écrit son premier livre à 13 ans, mais « pour moi », et a publié son premier roman à 36 ans, forçant les barrages du monde de l’édition.

« Je n’avais aucun contact dans ce secteur, j’ai identifié sur LinkedIn des noms d’éditeurs, j’en ai contacté quelques-uns. J’ai envoyé mon manuscrit à une quarantaine de maisons d’édition, j’ai reçu une demi-douzaine de réponses argumentées, une autre demi-douzaine non argumentées, et deux se sont montrées intéressées. » L’écrivain en herbe continue aussi de garder les yeux grands ouverts sur d’autres aventures à venir, plus en accord aujourd’hui avec ses valeurs, fasciné notamment par le greentech, « un domaine passionnant où la technologie se met au service d’un modèle vertueux », ou la deeptech et ses innovations de rupture.

« Si un jour je me lance dans l’entrepreneuriat, je serais assez fier d’aller vers ces sujets. Pour l'instant, je suis bien là où je suis, j’ai beaucoup de choses à faire. » Rêve-t-il pour autant vivre un jour de sa plume ? Ce n‘est pas son Graal… pour l’instant en tout cas.

Bain & Company
Barbara Merle
28 Aoû. 2023 à 13:44
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Benjamin Polle
L'après-conseil
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