Canada : McKinsey, entre mission « technologies propres » pour le gouvernement et conseils aux sociétés pétrolières et gazières

Au Canada, le gouvernement fédéral a choisi « la Firme » pour l’aider à renforcer ses politiques en faveur des technologies propres - sachant que McKinsey conseille plusieurs acteurs majeurs des énergies fossiles dans le pays.

Consultor
30 Sep. 2024 à 05:00
Canada : McKinsey, entre mission « technologies propres » pour le gouvernement et conseils aux sociétés pétrolières et gazières
Plateforme de forage en Colombie britannique (© Qyd via Wikimedia Commons)

Valeur du contrat : 1,35 million de dollars. La mission « technologies propres » de la Firme consistait à recommander des politiques fiscales pour permettre au secteur canadien de l’énergie propre de rester compétitif face aux subventions industrielles massives décidées en 2022 par l’administration Biden, dans le cadre de la loi sur la réduction de l’inflation axée sur le changement climatique.

Le ministère concerné était celui des Finances, quelques mois avant le dépôt du budget 2023. Le contrat a été conclu par la Corporation de développement des investissements du Canada, une agence fédérale chargée, notamment, des prestations de conseil au sujet des actifs du gouvernement.

Or, selon des documents judiciaires consultés par le média en ligne The Narwhal, parmi les clients mondiaux de McKinsey, on trouve plusieurs des principales sociétés pétrolières et gazières actives au Canada. Ces dernières ont obtenu du gouvernement fédéral une augmentation des allégements fiscaux pour les projets de captage du carbone de 520 millions de dollars sur 5 ans, dans le cadre du budget 2023.

Des sociétés d’exploitation de sables bitumineux conseillées par McKinsey auraient fait pression sur le gouvernement fédéral

Le journaliste qui a mené l’enquête, Mike De Souza, a pu accéder à des déclarations sous serment signées par un associé de McKinsey US dans lesquelles ce dernier énumère les clients du cabinet dans le monde entier. Et le portefeuille clients de la Firme comportait déjà nombre de sociétés tirant profit de l’extraction et du traitement de combustibles fossiles, au moment où la Corporation de développement des investissements du Canada a attribué la mission à McKinsey.

Parmi les sociétés exploitant les combustibles fossiles figurent Canadian Natural Resources Limited, Suncor Energy, Cenovus et ConocoPhillips Canada, membres de la Pathways Alliance qui regroupe des sociétés d’exploitation de sables bitumineux. Selon The Narwhal, cette alliance aurait fait pression sur le gouvernement fédéral pour « affaiblir ou retarder les politiques de lutte contre le changement climatique ».

Quant aux autres clients pétroliers et/ou gaziers de McKinsey actifs au Canada, on trouve la division nord-américaine de la China National Offshore Oil Corporation, Repsol Oil and Gas, Murphy Oil Company et LNG Canada.

McKinsey affirme avoir signalé des situations de conflit d’intérêts

Sollicité par The Narwhal, McKinsey n’a pas répondu aux demandes d’interview, mais a toutefois adressé une réponse indiquant que le cabinet « a divulgué ce qui lui était demandé, y compris les conflits d’intérêts perçus réels». La Firme souligne aussi «avoir respecté les règles d’approvisionnement», le contrat lui ayant été attribué sur la base d’une «vaste expertise du secteur».

En parallèle, le ministère des Finances canadien a déclaré, par communiqué de presse, que « les fonctionnaires fédéraux avaient respecté les règles d’approvisionnement » pour l’attribution de cette mission.

Un contrat qui a pourtant été signalé par la Vérificatrice générale du Canada

L’utilisation d’argent public au profit de McKinsey, dans le cadre de contrats attribués par divers ministères et agences d’État, est scrutée depuis plusieurs mois par deux instances gouvernementales indépendantes ou émanant du Parlement.

Deux rapports ont ainsi été réalisés, le premier en avril 2024 par le Bureau de l’Ombud de l’Approvisionnement, un organisme gouvernemental canadien indépendant (lire notre article et accéder au rapport du BOA ici) puis, en juin dernier, celui de la Vérificatrice générale du Canada, une agente du Parlement qui audite les opérations du gouvernement fédéral et des gouvernements territoriaux et fournit au Parlement ainsi qu’aux assemblées législatives des informations ou avis sur la gestion des fonds publics. La Vérificatrice a relevé de multiples irrégularités d’attribution, soulignant également l’absence totale de mesure du résultat de ces missions.

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En ce qui concerne le contrat « technologies propres », l’audit indique que le ministère des Finances du Canada « a limité la concurrence et la transparence » et a semblé utiliser la Corporation de développement des investissements du Canada comme « mandataire » pour contourner des règles d’approvisionnement plus strictes et accélérer la conclusion de l’accord.

L’ambivalence de McKinsey sur les sujets d’énergie et de décarbonation

Entre autres (nombreux) exemples, dans le cadre de l’organisation de la COP 28 qui s’est déroulée aux Émirats arabes unis fin 2023, l’AFP avait relayé les propos de trois sources anonymes présentes lors des réunions préparatoires de la conférence : ces sources dénonçaient un McKinsey intervenant pro bono auprès des organisateurs émiratis et en profitant pour favoriser les intérêts de ses clients du secteur pétrolier.

McKinsey
Consultor
30 Sep. 2024 à 05:00
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energie - environnement

Adeline
energie - environnement
McKinsey, conflit d’intérêts, éthique, Canada, décarbonation, combustibles fossiles, pétrole, gaz, sables bitumineux, développement durable
13980
McKinsey
2024-09-30 06:20:10
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energie - environnement: Canada : McKinsey, entre mission «