Combien de temps pour devenir partner ? Étude Consultor 2022
11 ans en moyenne au travers de quatre à six grades principaux déclinés en cinquante nuances d’échelons intermédiaires et autant de noms différents : voilà l’ascension que devront réaliser celles et ceux qui se lancent dans une carrière dans le conseil en stratégie pour atteindre le partnership.
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Le passage de grade chez Oliver Wyman ? « Le process le plus important de la firme », dixit Hugues Havrin, partner à Paris en charge des RH.
Chaque automne, c'est le même processus qui commence. Les managers consolident les différentes revues de fin de missions auxquelles ont participé les consultants avec qui ils ont eu à travailler.
Ces consolidations sont ensuite passées aux équipes de talent management du cabinet qui formalisent des propositions d’avancement. Une première consolidation qui passe un premier contrôle qualité, en quelque sorte : d’autres managers et partners vérifient que cette première ébauche de revue annuelle tient la route et ne souffre pas d’une mauvaise appréciation.
Des comités de passage de grade une à deux fois par an
Ces premiers allers-retours achevés, tous les brouillons arrivent au comité annuel de career review où les choses sérieuses commencent alors. Traditionnellement, il a lieu en décembre. Deux jours durant, le cas des quelque 200 consultants du bureau de Paris sont passés en revue par les partners et les managers du bureau. Seuls ont droit à la parole ceux qui ont effectivement travaillé avec les consultants dans l’année, les autres étant priés de ne pas intervenir.
« Ce process est extrêmement exigeant, répète Hugues Havrin. On pourrait être filmés tant le process est rigoureux et respectueux. Au comité annuel de career review siège même une personne qui veille à bannir tout commentaire non inclusif. Par exemple, on se fait reprendre si on dit d’une personne qu’elle devrait être moins timide, qui est un trait de personnalité intrinsèque. »
Le process d’Oliver Wyman a peu ou prou partout son équivalent, plus ou moins lourd en process, plus ou moins formalisé. Les revues peuvent être en revanche plus fréquentes : elles ont lieu deux fois par an chez Cylad, Courcelles, Cepton et Estin qui nous ont également répondu sur ce sujet.
Chez Cepton, cela se fait au cours d’une réunion assez comparable à celle d’Oliver Wyman où l’ensemble des 40 consultants sont présents. Puis sortent de la pièce au fur et à mesure ceux et celles concernées par un éventuel passage de grade : d’abord les consultants, dont la promotion est alors discutée par les consultants seniors, les managers et les partners ; puis les managers et les partners parlent des consultants seniors ; enfin, les partners passent en revue les managers.
Des bulletins de notes très similaires d’un cabinet à l’autre
Ces discussions ont toujours lieu sur la base de matrices d’évaluation différemment structurées mais concourant toutes à donner une photographie de l’avancement et de la maturité des consultants sur différents sujets.
Chez Cylad, ce baromètre biannuel prend la forme d’un cadran dans lequel sont évalués pour chaque consultant son organisation de travail, la qualité de ses livrables, sa communication écrite et orale en interne mais aussi avec les clients. Puis, plus tard dans sa carrière, quand il s’agit d’envisager des passages de grades plus seniors, sa traction commerciale ou ses compétences d’encadrement sont alors également évaluées.
Courcelles, de son côté, s’appuie sur « un formulaire avec des critères classiques, problem-solving, communication, mais le process d’évaluation intègre également une dimension plus personnelle, de points informels réguliers avec les associés ou feed-backs permanents sur mission », explique Julien Ferrier, chef de projet au sein du cabinet en charge des sujets RH.
Chez Cepton, sont notamment regardées les dimensions de forme et de fond, telles que la qualité de l’expression écrite ou la participation au knowledge du cabinet.
Tous ces baromètres se recoupent plus ou moins et ont pu d’ailleurs s'inspirer les uns les autres. Une fois remplis, « le consultant a une photo très visuelle du niveau atteint qui lui permet de passer un grade ou de la marche qui est à monter pour accéder au grade suivant, les compétences acquises et celles sur lesquelles de la formation est encore nécessaire », explique Fanny Colette, la directrice des ressources humaines de Cylad.
Le couperet de la promotion
Puis vient le temps de la décision de passage de grade et son annonce aux personnes intéressées. Ces deux étapes peuvent être soit très formalisées, soit beaucoup plus informelles. Chez Cylad, Estin ou Oliver Wyman, chaque career review donne lieu à une annonce en bonne et due forme. Une décision qui n’est pas contestable : chez Oliver Wyman, par exemple, un consultant peut discuter de l’appréciation reçue au terme d’une mission mais il ne peut pas contester la décision rendue par le career review.
Ailleurs, les choses sont plus informelles. Chez Courcelles ou Cepton, les décisions de montée de grade sont prises au fil de l’eau. Les consultants sont mis en position de monter en responsabilités. In fine, le passage de grade vient plutôt sanctionner un état de fait.
« Chez Courcelles, l’attention portée au respect de la promesse initiale de time in grade est très importante. Un accompagnement personnalisé permet d’anticiper et de projeter les consultants dans le grade suivant en amont », explique Julien Ferrier, chez Courcelles.
Éviter les injustices
La hantise, c’est « le trou dans la raquette », comme dit Hugues Havrin, chez Oliver Wyman. Car ces passages de grade sont très regardés, autant par les consultants d’Oliver Wyman que par les consultants de tous les cabinets de conseil en stratégie. Les profils qui sont recrutés dans ces cabinets sont de très bons élèves qui ont réussi à entrer dans les meilleures écoles supérieures et choisissent la strat’ pour la progression de carrière très cadencée qu’elle leur promet. D’où l’attention très aiguë qui entoure les passages de grade.
Surtout que dans un cabinet de la taille d’Oliver Wyman, il y a des logiques de promo, des groupes d’étudiants qui intègrent au même moment le cabinet. Il faut donc veiller à ce que les progressions soient cohérentes entre consultants entrés en même temps. C’est l’exercice de la « cross calibration », qui revient peu ou prou à éviter les anomalies statistiques.
Cette « calibration » intervient entre consultants d’une même promo donc, mais aussi entre les consultants de tout le bureau de Paris. Et cela ne s’arrête pas là. Elle est aussi faite entre les consultants de tous les bureaux européens pour éviter que, par exemple, les bureaux allemands aient des passages de grade trois fois plus rapides que le bureau parisien, ou inversement.
Entre consultants, un sujet « scruté au millimètre »
Une « calibration » nécessaire tant le sujet est important. « Il y a un gros benchmark et les promotions sont scrutées au millimètre. Il n’y a pas de courbe de Pareto après chaque career review nous obligeant à sortir 20 % des consultants les moins performants. Les consultants n’ont pas à se mettre en compétition les uns avec les autres pour réussir et être promus. Si 100 % des consultants démontrent les qualités et les résultats requis, 100 % des consultants sont promus », dit Hugues Havrin.
« Une saine émulation sans comparaison contreproductive même s’il arrive qu’il y en ait », témoigne Philippe Estin, vice-président chez Estin & Co. « Bien sûr, c’est regardé. Quand plusieurs consultants passent un grade simultanément, nous vérifions que nous sommes cohérents et équitables dans nos choix au moment où se pose la question de la promotion suivante », dit aussi Fanny Colette.
Un caractère très théorique
Entre cabinets, si les durées nécessaires pour arriver au grade de partner ne sont pas les mêmes (de 8 à 14 ans), tous assurent qu’elles ne sont qu’indicatives ou théoriques. Et que la promesse d’une carrière éclair est possible partout. Chacun de citer les fast tracks qui en témoignent, mettant en avant untel ou untelle qui a grapillé six mois au global sur la durée totale (ce qui n’est pas non plus énorme, admettons-le). Philippe Estin assure qu’« on peut arriver manager en trois ans » (contre quatre ans en théorie).
Car afficher une durée plus courte peut par exemple être un argument pour recruter. « La promesse d’Oliver Wyman est qu’on se spécialise plus vite, ce qui a pour contrepartie positive qu’on grandit plus vite », appuie par exemple Hugues Havrin.
Cachez ce « up or out » que je ne saurais voir
Autre point commun : tous les cabinets interrogés indiquent à l’unisson qu’ils ne pratiquent pas de « up or out », ce système hyper sélectif qui « invite » à chaque étape les consultants les moins performants à partir (relire notre article).
Tous défendent, au contraire, une tolérance, dans certaines limites, pour les personnes qui ont besoin de plus de temps. « Nous disons aux consultants ce qu’ils doivent améliorer pour passer au grade suivant. Pour y arriver, nous pouvons les envoyer suivre des formations ciblées ou les staffer sur des missions, analytiques s’ils doivent progresser sur la partie quantitative, plus organisationnelles s’ils pêchent sur les soft skills », explique Jean Reboullet, le patron de Cepton. « On donne des secondes chances, généralement de 6 à 12 mois, avec des staffing ciblés pour pouvoir les aider à progresser. Bien sûr on ne garde pas indéfiniment des consultants avec lesquels cela ne fonctionne pas et on est toujours prêt à les aider à se repositionner chez nos clients », développe Hugues Havrin. Vouloir prendre plus de temps pour mieux se préparer au grade suivant n’est pas synonyme de mauvaise performance. « Ce n’est pas très courant mais tout à fait accepté », défend Fanny Colette.
A fortiori, tout le monde ne veut pas, ou ne peut pas, devenir partner. Dans ce cas, certains cabinets acceptent « différentes voies de développement », comme le défendait Arnaud Gangloff, le patron de Kea, en interview à Consultor (revoir la vidéo), estimant que des directeurs de projets seniors qui n’ont pas vocation à devenir partners pour différentes raisons sont un atout à part entière.
La valse des étiquettes
Autre élément d’analyse de l’étude Consultor : la valse des étiquettes. D’un cabinet à l’autre, les noms de fonctions varient beaucoup : « junior consultant », « associate », « associate consultant », « business analyst », « consultant », ne serait-ce que pour le premier grade des 29 cabinets de l’étude. « Je n’ai jamais bien compris ces variations mais le principe reste le même », confesse Hugues Havrin. À l’autre bout de la pyramide, un certain développement du grade « associate partner » en lieu et place de « principal » est notable – ce qui permet probablement parfois de faire monter le taux journalier facturé aux clients. D’autres cabinets introduisent aussi des grades comme l’étage « partner » au BCG, « senior manager » chez Bain ou « pre-associate » chez McKinsey.
Enfin, les cabinets de conseil en stratégie jouent à l'art assez subtil du morcellement de ces grades en sous-grades : consultant 1, consultant 2, senior consultant 1, senior consultant 2… avec plein de variations d’un cabinet à l’autre. Ce qui a un gros avantage : ne pas faire stagner des profils sans toutefois les promouvoir pleinement au grade du dessus. Une manière de faire patienter sans morfondre.
à lire aussi
Hors étoiles filantes, c’est le temps qu’il vous faudra pour devenir partner dans le secteur du conseil en stratégie, selon les données rassemblées auprès des dix premiers cabinets de conseil en stratégie en France dans le classement Consultor 2018.
Toutefois, un besoin de clarification existe, car les laps de temps entre cabinets pour atteindre ce poste évoluent vite : cet article recense les durées moyennes telles qu’elles sont pratiquées à l’heure actuelle. Autre besoin de clarification : les noms des différents grades ne sont jamais les mêmes selon le cabinet, et frôlent le charabia par instant. Ce que cette étude tente de démêler.
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