Featured

Classement Consultor 2025 Féminisation des partnerships : le palmarès enfin dévoilé

Le plafond de verre est solide. Hormis quelques cas minoritaires, la féminisation des partnerships dans les cabinets de conseil en stratégie ne décolle pas.

Barbara Merle
22 Avr. 2025 à 05:00
Classement Consultor 2025 Féminisation des partnerships : le palmarès enfin dévoilé
© MaskaRad/Adobe Stock

17 %. Tel est le ratio 2024 de la féminisation des partnerships des quinze cabinets de plus de dix associé(e)s du périmètre de Consultor. Elles sont ainsi 76 femmes partners dans un partnership global de 443 associés. Un taux parfaitement identique aux 2 années précédentes (en 2023, on comptabilisait 414 associés dans 12 cabinets), et une très faible évolution depuis 2017 (+ 2 points). Sur les 15 cabinets contactés par Consultor, 6 ont accepté d’échanger, dont 5 du haut du classement.

à lire aussi

adobestock613974457

Depuis plusieurs années maintenant, c’est le statu quo. Le taux de féminisation des partnerships des cabinets de conseil en stratégie ne décolle pas, 17 % en 2023 d’après l’étude annuelle de Consultor, et ce, depuis plusieurs années. Une fatalité ? Peut-être pas. Simon-Kucher ouvre la voie en tutoyant le Graal du 50/50.

De 0 à 47 % : le grand écart

17 %, c’est une moyenne. Car, au cas par cas, il y a toujours du très bon, très très bon même, comme Simon-Kucher qui tutoie la parfaite parité (47 %), Bain et son quasi-tiers d’associées (« une fierté d’être le premier des MBB en termes d’équilibre hommes-femmes », pour sa DRH, Raphaëlle de Soto), ou encore Kéa (27 %). Et ce, sachant que les femmes constituent en moyenne 30 % des effectifs du secteur…

Liste Féminisation 2025

Le 4e du classement, McKinsey, est à peu près stable à 18 %. 3 autres cabinets (le BCG, PMP Strategy, CMI) se situent au-dessus des 15 %, peu ou prou autour de cette moyenne immuable qui semble coulée dans le bronze depuis 8 ans !

Dans le bas du tableau, la moitié des cabinets recensés – entre 15 % et 0 % ! Le dernier, entrant dans les partnerships de plus de 10 associés, le pôle Strategy & Operations d’Eight Advisory, ne compte en effet aucune associée, et ce, malgré une forte progression de ses partners (de 9 à 15 associés). Juste au-dessus, installés entre 7 et 9 %, 2 cabinets historiquement en queue de peloton, Roland Berger et L.E.K, mais aussi CVA. L.E.K., qui vient cela dit d’accueillir une cheffe à la tête du bureau de Paris, Anne Dhulesia, toujours la seule partner au féminin (Clare Chatfield, sa prédécesseuse entre 1995 et 2007, a pris sa retraite). La féminisation, « un sujet que l’on regarde tout le temps, j’ai bien conscience qu’il est nécessaire que tout le monde évolue », comme Anne Dhulesia l’a récemment assuré à Consultor, consultante française qui a fait sa carrière au bureau de Londres.

Mais qu’en est-il dans le détail ?

Un trio de tête qui trace son chemin

Les exemples les plus associés compatibles prouvent bien qu’un travail de fond sur cette « (grande) cause » porte ses fruits. Comme l’atteste David Vidal, le managing partner France de Simon-Kucher, 7 associées parmi 15 partners (+3 points « mécaniques » par rapport à 2023 liés à une sortie du partnership de David Lefèvre). « Nous sommes fiers de cette progression, car cela prouve qu’il n’y a pas d’accident, annonçant d’ores et déjà ses ambitions. Nous continuerons sans doute notre marche vers la parité l’année prochaine, car nous avons des évolutions prévues. »

Un combat permanent en termes d’identification au sein du conséquent partnership de Bain & Company (près de 45) et ses 30 % d’associées – un taux stable – d’après la DRH du bureau de Paris, Raphaëlle de Soto. « Notre philosophie est restée la même depuis 30 ans, et c’est ce qui a permis à Bain d’être un pionnier sur la question de l’équilibre entre les femmes et les hommes. Plutôt que de recourir à des quotas, nous sommes convaincus qu’il est essentiel de mettre en avant des rôles modèles, pour permettre aux jeunes femmes de se projeter sur le long terme chez nous. Nous soutenons également activement la communauté Women@Bain, car nous croyons profondément en la force de la sororité. »

Du côté de Kéa, 3e sur le podium, 9 femmes parmi 33 associés, qui a accueilli l’année dernière une senior partner, Sophie Serratrice (arrivée de Share et passée par PWC), l’autre senior partner, Stéphanie Nadjarian, chez Kéa depuis bientôt 25 ans, se montre également optimiste sur la progression à venir. « Quand j’ai démarré dans le métier en 1996, chez ATK (Kearney, ndlr), il n’y avait aucune femme associée. Sachant que le temps d’émergence d’un ou d’une associée est de 15 ans, on peut dire que la féminisation est en cours. Et lorsqu’on regarde chez nos clients, nos miroirs, le faible taux de réelle féminisation dans les entreprises du CAC 40, le reflet de la société, nous pouvons dire que nous nous sommes féminisés plus vite. »

Des cabinets dans la moyenne globale

Au sein de l’entre-deux autour de la moyenne, composé de 2 MBB et de 2 cabinets de taille intermédiaire, les cabinets font face à des problématiques diverses. McKinsey, avec 11 femmes parmi 60 partners (18 %), affiche un ratio quasi identique à l’année dernière (même si l’ensemble du partnership a fortement diminué avec 12 partners de moins). Le BCG compte, lui, 2 associées de plus (14 femmes parmi 82), ce qui réhausse légèrement son taux (de 2 points) pour atteindre cette année la moyenne de l’ensemble des cabinets. Ces partners au féminin des MBB étant tout particulièrement chassées par les grandes entreprises pour féminiser leurs comex.

Pour PMP Strategy, c’est le cas de figure inverse. Quand une femme quitte le navire des 17 associés basés en France, c’est un taux qui chute brutalement, passant de 24 à 17 % en un an. Mais cela n’inquiète pas pour autant l’une d’entre elles, Caroline Ponal, au sein du cabinet depuis 15 ans, pour qui le sujet étant à la fois la féminisation et l’internationalisation du partnership – « les deux iront peut-être ensemble » –, et qui passe avant tout par l’interne. PMP Strategy, très teinté télécom/tech/infra, fait face à un obstacle supplémentaire : un déficit organique de femmes des profils « ingé » de son vivier de base.

La partner de CMI depuis 2011, Julie Koeltz, se sent elle moins seule depuis l’arrivée en 2023 au sein du partnership de la secrétaire générale, Valérie Boisgigault. Et l’historique affiche la couleur. « À horizon de 18 mois à 2 ans, nous espérons être 5 associées, sans actionner le levier externe de recrutement. » CMI compte s’appuyer sur son vivier de femmes, 40 % actuellement sur l’ensemble de la pyramide, pour pousser encore la féminisation aux grades très seniors, mais aussi « équilibrer certains pôles d’activités moins féminisés en recrutant à différents grades ».

Des cabinets en stand-by

Et qu’en est-il des 7 cabinets de conseil en stratégie qui n’atteignent pas les 15 % ?

Strategy& par exemple, 3 femmes parmi 24 partners, fait face à un taux de 13 % jugé largement insuffisant. Anne-Lise Glauser, associée depuis 10 ans au sein de l’entité Stratégie de PwC, le promet, la donne va considérablement changer, et ce, très rapidement. « Le ratio n’a pas bougé, mais nous avons un horizon très positif, car nous avons un potentiel de directrices qui va nous permettre de doubler d’ici 3 ans le nombre d’associées. Sur nos 4 dernières recrues au niveau directeur, 3 sont des femmes. » Même discours combatif pour Edouard Bitton, le patron du bureau de Paris, pour qui le dossier féminisation est « une pression saine accrue » au sein de l’ensemble de la firme, et « à notre main ».

Le cabinet Oliver Wyman, 4 femmes dans un partnership de 38 membres en 2024, commence, lui, à remonter la pente en passant de 5 à 10 % sur 1 an (et retrouve son niveau de 2022), au gré de l’arrivée d’Anne Hyvernaud (en mai 2024) et de la promo de Laure Charpentier (fin 2024). Le patron France et Belgique, Bruno Despujol, nommé il y a 2 ans, le reconnaissait à Consultor l’année dernière. « Nous avons beaucoup patiné ces dernières années, mais nous avons identifié et mis en place des initiatives qui fonctionnent ». Oliver Wyman s’est donné comme objectif d’atteindre les 50 % de femmes au niveau consultant et chef de projets, et au moins 20 % au niveau partner. Quand ? « Le plus vite possible », avait répondu laconiquement Bruno Despujol.

Autre cas de figure, chez EY-Parthenon, 4 femmes parmi 36 partners, le cabinet a vu chuter de 4 points son ratio sur 1 an. En cause, l’augmentation conséquente de son partnership (+ 9 associés), mais sans nouvelle associée.

Idem pour Roland Berger, en évolution négative. Le cabinet a vu son partnership passer de 28 à 34 membres, sans nouvelle femme associée, et ce, malgré une propension à publier des études et des articles sur la féminisation des leaderships et des métiers.

Quant à l’équipe Strategy & Operation d’Eight Advisory, qui ne compte aucune femme parmi ses 13 associés (16 femmes sont membres du partnership global de 110 membres), elle fait de la féminisation l’axe principal de sa politique DEI, comme l’explique le partner Boris Imbert. « C’est un sujet et un objectif prioritaire. En termes d’index de parité, nous sommes bien [le 3e du classement Consultor 2025 avec 97, ndlr]. Nous avons un taux moyen de féminisation de 35 % et un potentiel conséquent aux grades intermédiaires. Nous portons une attention particulière sur nos femmes senior managers et directrices et souhaitons recruter en externe ces profils, avec toutes les difficultés que l’on connait. »

La politique des quotas, non merci !

Au-delà des mots, et parfois du feminism washing, les cabinets ont-ils des leviers efficaces pour faire bouger cette réalité ? Une chose est sure, il n’y a pas vraiment de miracle concernant le « comment ». La loi Rixain de 2021 impose aux entreprises de plus de 1 000 salariés d’avoir au moins 30 % de femmes dans leurs comex d’ici 2026 et 40 % d’ici 2029. Résultat, en 2024, 16 entreprises du CAC 40 ont atteint ou dépassé les 30 % de femmes dans leurs comex. Et pourtant, s’il est un sujet sur lequel l’ensemble des cabinets est bien sur la même longueur d’onde, c’est la politique des quotas. Ils se disent tous contre un recrutement forcé genré. Car il faut aussi regarder de près où sont les femmes dans les comex des grandes entreprises : elles ne représentent que 6,25 % des postes de président et directeur général.

La prime à la flexibilité

À métier exigeant en termes d’heures de travail, les cabinets répondent notamment par de l’aménagement du travail, comme le confirme la DRH de Bain, Raphaëlle de Soto. « Nous voulons démontrer qu’il est possible d’exercer ce métier de manière flexible, par exemple en adaptant les horaires ou les jours travaillés, nous proposons notamment des formats de temps partiel. Il est en effet essentiel de valoriser de nouvelles formes de leadership et la flexibilité ; c’est par là que passe le changement. » Flexibilité chez CMI aussi, « elles travaillent à 80 % et nous prenons en charge la moitié du différentiel », indique Julie Koeltz. Le cabinet a mis les petits plats dans les grands dans une politique dédiée qui, comme l’atteste la DR, « crée moins de déperditions ».

Casser les biais cognitifs

Et puis, il y a un sujet moins tangible sur lequel les cabinets sont attentifs, de l’ordre de la culture d’entreprise. C’est ce que pense le managing partner de Simon-Kucher Paris. « Certains cabinets veulent améliorer leurs ratios en s’achetant la parité. Il se dit qu’un grand cabinet a lancé une vaste chasse focalisée sur les femmes associées sur le marché parisien du conseil en stratégie. Ça veut bien dire que ce n’est pas culturel pour tous, versus un objectif fixé par des politiques de diversité… qui ont, dans certains cas, disparu depuis l’élection de Trump ».

Un point sur lequel le patron de Strategy& Paris est aussi particulièrement attentif. « Les femmes ont besoin de croire que c’est possible. Pour cela, l’exposition est une réponse, c’est-à-dire mettre dans la lumière certaines d’entre elles pour montrer la voie à d’autres. Pour cela, nous avons mis en place une campagne mondiale », indique Edouard Bitton. Un cabinet qui propose par ailleurs depuis peu des formations « très suivies » pour apprendre aux femmes à faire « leur auto-promotion », selon Anne-Lise Glauser.

Au programme de Bain sur ce point, des rencontres régulières avec des femmes inspirantes, des Bainies, mais aussi des figures emblématiques externes, à l’instar récemment de Claudie Haigneré, qui « font carton plein avec 70 % de femmes, mais aussi 30 % d’hommes, ce qui montre que le sujet nous concerne tous ! », se réjouit Raphaëlle de Soto. Même si la senior partner de Kéa Stéphanie Nadjarian le voit bien, « il reste des biais cognitifs dans la représentation que les hommes ont vis-à-vis des femmes, et que les femmes ont sur elles-mêmes ; c’est un travail de fond ».

Le combat de la féminisation des partnerships est donc bien loin d’être gagné. Un taux moyen de 30 % est-il envisageable à moyen terme ? Pour l’instant, au vu de l’évolution depuis 10 ans, cela ressemblerait plutôt à une chimère.

Accuracy Strategy Bain & Company Boston Consulting Group CMI Corporate Value Associates Eight Advisory - strategy & operations EY Parthenon Kéa L.E.K. Consulting McKinsey Oliver Wyman PMP Strategy Roland Berger Simon-Kucher Strategy& Anne-Lise Glauser Boris Imbert Caroline Ponal David Vidal Edouard Bitton Julie Koeltz Stéphanie Nadjarian
Barbara Merle
22 Avr. 2025 à 05:00
tuyau

Un tuyau intéressant à partager ?

Vous avez une information dont le monde devrait entendre parler ? Une rumeur de fusion en cours ? Nous voulons savoir !

écrivez en direct à la rédaction !

commentaire (0)

Soyez le premier à réagir à cette information

1024 caractère(s) restant(s).

signaler le commentaire

1024 caractère(s) restant(s).
6 - 2 =

Classement

Adeline
Classement
féminisation, partnerships, femmes associées, diversité de genre, cabinets de conseil, classement, 2025, plafond de verre, Raphaëlle de Soto, DRH
14464
Accuracy Strategy Bain & Company Boston Consulting Group CMI Corporate Value Associates Eight Advisory - strategy & operations EY Parthenon Kéa L.E.K. Consulting McKinsey Oliver Wyman PMP Strategy Roland Berger Simon-Kucher Strategy&
Anne-Lise Glauser Boris Imbert Caroline Ponal David Vidal Edouard Bitton Julie Koeltz Stéphanie Nadjarian
2025-04-22 08:38:40
0
Non
Féminisation des partnerships dans le conseil : plafond de verre
Stand-by pour la féminisation des partnerships dans les cabinets de conseil en strat' de + de 10 associés du périmètre de Consultor !
À date, seuls 17 % des associés sont des femmes, un chiffre identique à celui des 2 années précédentes.
Quelques cabinets – comme Simon-Kucher, Bain ou Kéa – tirent leur épingle du jeu avec des taux proches ou supérieurs à 30 %.
D’autres stagnent voire régressent, malgré des politiques RH engagées. En cause, selon certains partners : les biais cognitifs, la culture d’entreprise ou encore la nécessité de davantage de modèles féminins inspirants. Tous rejettent cependant l’idée de quotas imposés.
La véritable féminisation des partnerships reste un objectif… lointain.