Classement exclusif : les cabinets de conseil frileux sur Instagram et TikTok

Où et comment les cabinets de conseil en stratégie communiquent-ils sur les réseaux sociaux ? La société d’études spécialiste des études et informations sectorielles Businesscoot/Indexpresse a réalisé en novembre dernier une étude dédiée (en exclusivité pour Consultor) sur 28 cabinets de conseil en stratégie, cabinets d’origine française et bureaux de cabinets internationaux basés en France. Pour décortiquer leur présence sur LinkedIn, X, Facebook, Insta, et TikTok… Avec une idée (préconçue) en tête pour son CEO Aymar Monnoyeur : que « tous les cabinets allaient sur Insta pour recruter » ! À l’instar de bon nombre d’entreprises aujourd’hui. Mais c’était sans compter sur la réalité des datas.

Le premier grand enseignement – surprenant à l’ère du « tout écran » –, est que les réseaux sociaux sont, en effet, peu investis par les cabinets de conseil en stratégie en France, à l’exception de LinkedIn. Mais une quasi-absence sur Insta, X, Facebook ou encore TikTok, ce « qui peut jouer en leur défaveur », comme le mentionne Guilhem Cournut, directeur du pôle analyse chez Businesscoot/Indexpresse. « Ils se reposent encore beaucoup sur leur prestige pour le recrutement. » Une erreur de stratégie à terme d’ici 4 ou 5 ans, selon lui, car, pour de plus en plus de jeunes (avant tout la GEN-Z et les générations suivantes), le seul prestige n’est plus le critère essentiel et suffisant. L’approche RSE du cabinet, l’équilibre vie pro-perso deviennent en effet des conditions sine qua non pour ces jeunes candidats. La com’ sur les réseaux sociaux, un nécessaire et long travail de fond pour lequel il « est difficile de comptabiliser les effets directs, mais qui s’inscrit dans une globalité, un écosystème de communication », comme le note Murielle Laureus, senior specialist de la marque employeur de Bain, interrogée par Consultor.

Les cabinets parlent d’abord à leurs clients

C’est donc LinkedIn qui reste le chouchou des cabinets et la communication très pro, institutionnelle et corporate qui va avec. Le réseau « des entreprises qui parlent aux entreprises » par excellence, où l’on cultive la notoriété, le prestige. Ici, on parle donc avant tout aux clients, à ses concurrents et à ses consultants « maison »…

Sur les 28 cabinets référencés, les 11 qui ne sont pas « made in France » optent majoritairement pour une stratégie de com’ mondiale sur ce réseau pro, cherchant à mutualiser sur de grands sujets généraux auprès d’un maximum de followers (le BCG compte 5 millions d’abonnés, Oliver Wyman, près de 780 000, Roland Berger, 456 000…).

Oliver Wyman explique ce choix global par la volonté d’une présence mondiale unifiée. « Bien que nous reconnaissions la valeur du contenu local, notre stratégie est conçue pour tirer parti de notre plateforme mondiale afin d’atteindre efficacement un public plus large. Cela nous permet de partager des informations, des nouveautés et des initiatives qui sont pertinentes non seulement pour un pays ou une région, mais aussi pour l’ensemble de notre communauté mondiale », explicite Stefanie Dolpp, directrice monde du Digital pour Oliver Wyman.

Source : Indicateur IndexPresse / Businesscoot

Trois d’entre eux seulement ont une page hexagonale : Bain & Company (31 400 abonnés vs 2 millions Monde), McKinsey (26 000 vs 6 millions Monde), et GSG by KPMG (7400).

Leur stratégie est différente : toucher une cible locale sur des sujets spécifiques. Et ce, sachant que « 80 % des candidats se renseignent sur les réseaux sociaux avant de postuler, atteste Murielle Laureus de Bain France, cabinet qui communique avant tout sur ce réseau social pro. Il nous parait important d’interagir en français à nos différentes cibles qui vivent avant tout à Paris et en région parisienne, les talents, avant tout des profils de cadre du secteur ou du corporate, les futures recrues, les étudiants, mais aussi nos partenaires et les écoles. Effectivement, nous touchons moins de monde, notre page Global a plus d’un million de followers, mais ce qui est important c’est d’avoir plus d’engagement sur nos publications ». Sur cette page, le cabinet propose différents formats, « des portraits vidéos des Bainies, des interviews de partners, des événements RH et internes organisés pour eux », mais aussi la mise en avant de posts RH comme la mise en place de congés spécifiques pour les personnes handicapées et leurs aidants, et autres sujets diversité/inclusion, ESG, ou encore les études réalisées par le cabinet.

Quant à Oliver Wyman France, le cabinet dit aussi proposer un contenu local « via des campagnes ciblées par pays comme LinkedIn permet de le faire, par exemple pour des bulletins d’information régionaux, des informations sur des événements locaux, qui peuvent répondre à des intérêts et à des besoins spécifiques », souligne Carole Bouchard, directrice marketing pour la France et la Belgique. Et le cabinet compte aussi sur ses collègues locaux pour être « des ambassadeurs de la marque » en partageant sur leurs propres pages pros.

Autre enseignement de cette étude, ce ne sont pas les cabinets historiques de direction générale en France qui ont la politique com’ la plus active sur LinkedIn. En effet, le premier d’entre eux en termes de followers, c’est Accuracy, avec plus de 39 000 followers, suivi par Eight Advisory (32 200), deux cabinets d’origine française de conseil financier. Viennent ensuite Bain et ses quelque 31 000 abonnés, McKinsey (26 000), Kéa (24 600), puis Advancy (20 800). Les autres cabinets étudiés se situent en dessous des 16 000 followers. Quant à CIB Consulting et Transformation de BNP Paribas, il n’a pas de page LinkedIn.

Source : Indicateur IndexPresse / Businesscoot

Facebook, X, Insta, TikTok, kézako ?

La présence des comptes français des cabinets sur les autres réseaux sociaux parait plus être une exception qui confirme la règle qu’une véritable stratégie de communication de moyen et long terme, tant elle est erratique. Alors « qu’ils s’adressent avant tout aux étudiants, aux futurs candidats, et permettent de parler de la vie des cabinets et des consultants », comme le précise Guilhem Cournut.

Bain France est, en effet, le seul cabinet véritablement également actif sur Facebook, le 2e réseau social le plus utilisé en France en 2024 (après YouTube) chez les plus de 24 ans, avec quelque 164 000 followers. Réseau sur lequel Bain partage la vie du cabinet, les événements organisés auxquels il prend part, des interventions de ses consultants, des interviews… « Nous avons une page Facebook historique que nous continuons à alimenter, mais les publications sont quasiment les mêmes que sur LinkedIn », admet Murielle Laureus, la spécialiste marque employeur de Bain. « Ce qui est interpellant, c’est que la plupart des cabinets ont une page-vitrine, mais ils ne publient rien, et pour certains depuis longtemps », complète le responsable des études, Guilhem Cournut. Advancy n’a en effet rien posté depuis 2016, CVA depuis 2019. EY-Parthenon, BCG, Roland Berger ont quant à eux une page Facebook internationale.

Sur X, le réseau social préféré des hommes (67 %) parmi les tranches d’âge 25-49 ans (plus de 50 % des utilisateurs) et les 13-24 ans (41 % des utilisateurs), avec ses 17,5 millions d’utilisateurs en France début 2024 (13,7 millions l’année précédente), là encore, le secteur du conseil en stratégie n’y est pas très actif. C’est peu de le dire. Idem sur Insta, près de 26 millions d’utilisateurs, le réseau favori des 13-24 ans (94 %). « Nous n’avons pas d’autres comptes pour Bain France, mais ils existent au niveau mondial, et il nous arrive de publier dessus, car ils font beaucoup de likes. Mais nous sommes en train de travailler sur les leviers de communication sur ces autres réseaux », indique Murielle Laureus de Bain.

Car si 39 % des cabinets ont un compte X et 25 % Insta, seul le BCG France (qui n’a pas de page LinkedIn) est actif sur ces deux réseaux sociaux (plus de 4000 followers chacun). Comme l’analyse l’étude de Businesscoot/Indexpresse pour Consultor, « le BCG reposte sur X, notamment les articles de médias basés sur ses études, ainsi que les annonces d’événements l’impliquant ». Sur Insta, la communication est moins institutionnelle « plutôt orientée sur ses membres et la vie interne de la firme ». En effet, Armand Loiodice de Montis du cabinet d’influence Beyond l’avait expliqué à Consultor : « @BCGinfrance est une page plutôt classique avec la vie de l’entreprise sous tous ses angles. Ils ne communiquent pas sur ce compte pour trouver des clients, mais pour montrer la vie de l’entreprise, ce qui permet entre autres de rassurer et d’attirer vers eux certains profils, stages, alternants, embauches, en leur montrant qu’ils sont mieux que leurs concurrents. »

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Insta : le consulting s’y frotte (et s’y pique)

 

Insta, le réseau social des 18-34 ans, devient tout doucement un outil de com’ pour les cabinets de conseil. Étonnant ? De moins en moins nous disent plusieurs professionnels du conseil en stratégie qui considèrent que leur communication doit se faire plus informelle et plus incarnée. Avec en ligne de mire, un sujet névralgique : la marque employeur et le recrutement. Le revers de la médaille, l’arrivée de @balancetoncabinet, récent compte de dénonciations anonymes des coulisses du secteur du conseil.

 

Et quid de TikTok ? Aucun des cabinets présents en France ne communique sur l’autre réseau ultra favori chez les 13-24 ans (91 % d’entre eux sont sur ce réseau) ; certains des grands cabinets le faisant sous la bannière internationale : Bain 24 800, BCG 17 100, Roland Berger 3 100, Oliver Wyman (1150). Un réseau particulièrement qui serait pourtant particulièrement intéressant à développer selon Guilhem Cournut « pour parler aux candidats de demain et d’après-demain ».

Source : Indicateur IndexPresse / Businesscoot

TikTok, Insta et Facebook devraient être sérieusement considérés comme des outils complémentaires de communication où le copié-collé avec le réseau plus institutionnel que représente LinkedIn ne serait pas de mise. Car, côté étudiants, les réseaux sont leur source d’information privilégiée. Côté entreprise, elle n’y cherche pas des clients, mais à toucher un public différent, les futurs talents, en partageant sur les coulisses de la vie en interne afin de créer un capital sympathie et développer la marque employeur.

Il reste donc du chemin à faire aux cabinets de conseil en stratégie pour se mettre à la page de la communication 2.0. Les cabinets interrogés déclarent tous y travailler de près afin de répondre aux us et coutumes des jeunes générations, futures recrues.