Anciens stratèges aux comex du CAC 40 : Edenred et LVMH en tête

En 2022, le taux d’alumni du conseil en stratégie dans les comités exécutifs des 40 entreprises cotées sur Euronext Paris s’élevait à 4 %. 2 ans plus tard, il a perdu un point. 28 anciens consultants figurent actuellement dans les comex observés, sur 851 membres en tout.

Depuis juin 2023, le CAC 40 a connu 3 sorties – Vivendi, Worldline, Alstom - et 3 entrées avec Edenred, le retour de Vivendi et celui d’Accor.

à lire aussi

Classement

4 % d’anciens consultants dans les comex du CAC 40

Une femme, jeune, ancienne consultante, entre dans le cercle ultrafermé des grands patrons du CAC 40. Christel Heydemann, deux ans de BCG, prend ainsi ses fonctions de CEO d’Orange à partir du 1^er avril 2022.

La moitié du CAC 40 aversive aux profils conseil ?

21 comités exécutifs restent en effet « consultingless », une désaffection qui se joue probablement des deux côtés.

Les secteurs de la construction et de l’énergie sont particulièrement concernés avec Bouygues (malgré sa dimension   et médias) ou Engie – entre autres. Certains grands groupes se distinguent toutefois : c’est le cas de Vinci via Isabelle Spiegel, directrice de l’Environnement entrée au comex en avril 2022, qui a passé près de 15 ans au sein de la division Strategy de PwC, positionnée sur la RSE. Total Énergies compte lui aussi un membre du comex issu du conseil : Bernard Pinatel, DG Raffinerie-Chimie, passé par Booz Allen Hamilton en sortie d’école.

L’industrie (lourde, notamment) et la défense ne séduisent pas non plus les anciens du conseil, et/ou inversement : il n’y a pas le moindre alumnus chez ArcelorMittal, Dassault Systèmes, Michelin ni Safran, par exemple.

Plus étonnant, trois grands groupes du luxe n’en comptent pas dans leurs rangs : il s’agit d’Hermès, de Kering et de L’Oréal, lequel en comportait 5 % en 2018, mais plus aucun, déjà, en 2022.

Côté distribution, le compteur de Carrefour est remis à zéro en raison du départ de François-Melchior de Polignac, ancien directeur exécutif Europe du Nord et de l’Est, DG de Carrefour Belgique. Désormais CEO de Maisons du Monde, il avait passé 3 ans au BCG.

Quant à la Société Générale, dépourvue d’anciens stratèges, elle se démarque dans son secteur, les comex de Crédit Agricole ou de BNP Paribas étant plutôt « consulting friendly ».

Du changement parmi les principaux pourvoyeurs d’alumni

Un vent nouveau souffle en effet du côté des « entrants » du CAC 40 et/ou de ceux qui font leur come-back ! Edenred en tête, le nouveau leader en compagnie de LVMH. Le groupe créateur du Ticket Restaurant® compte ainsi 2 alumni avec son PDG depuis 2015, Bertrand Dumazy, 3 ans chez Bain en début de carrière, et la pilote de la strat, du marketing et de la transformation d’Edenred depuis décembre 2023, Constance Le Bouar-Billot, qui a passé 5 ans chez Bain.

Même tonus pour Accor et ses 17 % d’anciens consultants, avec Alix Boulnois notamment, DG Business, Digital & Tech et ex-McKinsey, ou Agnès Roquefort, DG en charge du développement, ancienne consultante de Bain devenue principal au sein d’Advancy. Chez Vivendi, ce sont 17 % d’alumni également, à savoir : Maxime Saada, membre du Directoire du groupe entre autres fonctions, sorti principal de McKinsey, et Claire Léost, près de 3 ans au sein de la Firme, présidente de Prisma Media et membre du Directoire de Vivendi également.

Quid de LVMH, traditionnel aficionado qui doit donc partager sa 1re place en 2024 ?

Si la part des anciens du conseil a diminué dans son comex, c’est parce que ses 4 nouveaux membres n’en sont pas issus. Le groupe ne conserve en outre que 3 des 4 alumni présents en 2022 : Bernard Arnault, sa fille Delphine devenue PDG de Dior Couture, et Jean-Baptiste Voisin à la stratégie – tous ex-McKinsey. Ancien du BCG où il est resté 2 ans, Philippe Schaus, pilote de la filiale Vins & Spiritueux de LVMH depuis 2017, vient d’être remercié par la direction du groupe sur fond de mauvais résultats pour la filiale et de vives dissensions internes.

D’autres comités exécutifs sont nettement plus fournis en anciens stratèges qu’en 2022 : c’est le cas chez Schneider Electric – 10,5 % précédemment, 14 % cette année. Même tendance pour ceux de Capgemini et Sanofi : le taux d’ex-consultants du premier passe de 8,5 à 11 % et celui de Sanofi, de 6,2 à 8 %.

À l’inverse, chez Axa où aucun de ses 6 nouveaux membres n’est issu du secteur, le comex se déplume : 21,4 % il y a 2 ans, 12,5 % en 2024. Sachant que l’un de ses représentants, Georges Desvaux, pilote de la stratégie et du développement depuis 2019 au parcours de 30 ans chez McKinsey (managing partner des bureaux de Johannesburg et Tokyo, senior partner…), ne siège plus au comex, étant devenu senior advisor.

Sur les 203 membres « nouveaux venus » des comex, 11 sont issus de cabinets spécialisés, soit 5 % d’entre eux. C’est 2 points de plus que pour l’ensemble des membres de ces comités exécutifs.

Trois anciens stratèges à la tête des plus grosses capitalisations françaises

En dehors de Bertrand Dumazy, PDG d’Edenred, Christel Heydemann, ex-stagiaire au BCG, est à la tête d’Orange depuis 2022, tandis que Thomas Buberl, qui avait passé près de 6 ans au Boston Consulting Group également, pilote Axa Group depuis 2016.

Du côté de la direction de la stratégie, on trouve Constance Le Bouar-Billot déjà citée (Edenred) ou Jean-Baptiste Voisin, à la tête de la strat de LVMH et ancien associé de McKinsey durant 4 ans : le conseil en stratégie peut donc mener à la direction de LA stratégie, pour longtemps… 17 ans ! Un autre exemple avec Fabrice Carré, ancien d’Arthur Andersen Business Consulting, pilote de la strat d’Accor depuis 2020 et CEO de l’une des filiales du groupe, Onefinestay. À l’inverse, Gloria Glang, responsable strategy consulting de GSG KPMG en Allemagne de 2008 à 2010, a quitté la direction stratégie et développement de Legrand pour devenir présidente internationale du groupe de matériaux de construction CRH.

Les directions financières, achats, digital & tech, environnement… tout comme les directions de pays ou régions, comportent aussi d’anciens stratèges.

Quant à la séniorité des anciens consultants membres de ces comex, elle demeure modérée : près des deux tiers ont quitté le secteur au grade de consultant, une petite dizaine à celui de manager ou principal. Les alumni qui s’émancipent du conseil avant de devenir manager visent en général une accession plus rapide à des fonctions de direction que par promotion interne.

Cela n’empêche pas 2 anciens partners d’être actuellement membres d’un comex du CAC 40 : en dehors de Jean-Baptiste Voisin déjà mentionné (LVMH), Yves Bonnefont, chief software officer de Stellantis, a passé près de 11 ans chez McKinsey et en est devenu partner, avant de rejoindre PSA Peugeot Citroën en 2012 pour diriger la strat.

Deux de leurs confrères ont en revanche quitté leurs comex en raison d’un changement de fonction au sein de leurs groupes respectifs : Amir Nahai, devenu CEO de Momense (groupe Accor), ancien partner de Bain, et Jean Coumaros, CEO de Bleu (dont le capital est détenu à 100 % par Capgemini et Orange), ex-associé d’Oliver Wyman.

36 % des membres du comex issus du conseil sont des femmes

En 2022, elles représentaient 19 % seulement de l’ensemble. Les femmes constituent plus du tiers des troupes désormais, ce qui correspond au niveau le plus élevé jamais atteint depuis les débuts de l’enquête dédiée de Consultor.

Au-delà de Christel Heydemann à la tête d’Orange, d’autres personnalités féminines s’imposent peu à peu dans ces organisations, sans les diriger pour l’instant.

C’est le cas des nouvelles venues Martine Gerow, 2 ans au bureau new-yorkais du BCG, directrice financière du groupe Accor, et Isabelle Loc, 3 ans chez McKinsey, qui dirige la banque commerciale en France chez BNP Paribas. Sans oublier Claire Léost (Vivendi) ni Constance Le Bouar-Billot d’Edenred.

Quels cabinets d’origine pour la team conseil – parmi les membres du comex ?

Sans surprise, McKinsey reste leader, surclassant même ses confrères avec 14 de ses alumni actuellement positionnés.

Parmi les autres nouveaux venus siglés « McK », on trouve Thomas Toepfer, directeur financier d’Airbus Group depuis septembre 2023, qui a travaillé comme consultant chez McKinsey en début de carrière. Ou encore Guido Haak, chief program officer chez Renault, consultant puis manager au sein de la Firme entre 1998 et 2005.

Le BCG perd 4 représentants par rapport à 2022, dont 2 en raison de la sortie du CAC 40 de Worldline. Malgré deux départs, Bain positionne un ex-consultant de plus qu’en 2022 grâce à la forte teneur en « Bainies » d’Edenred et au retour d’Accor, avec Agnès Roquefort déjà mentionnée.

La présence des anciens d’Oliver Wyman et Roland Berger se fait en revanche plus ténue, les deux cabinets n’ayant qu’un seul représentant chacun. L’alumnus d’Oliver Wyman, Serge Magdeleine, présent dans notre étude en 2020, mais plus en 2022, a changé de fonctions au sein de Crédit Agricole et est désormais DG de LCL. Du côté de Roland Berger, Zheng Yin, vice-président exécutif de Schneider Electric en Chine, est membre du comex depuis 2017.

Quant à l’étoile de Bossard Consultants, elle continue de rayonner.

--

Méthodologie : recensement effectué en octobre 2024 parmi les 851 membres de comex présentés par les entreprises du CAC 40 dans leurs documents de référence en ligne.