EM Lyon : stop ou encore ?
L’école lyonnaise a multiplié les initiatives ces dernières années pour se faire reconnaître comme une école cible des cabinets de conseil en stratégie.
Des gains d’employabilité mis à rude effort par la crise de réputation que connaît l’institution depuis des mois. La nouvelle direction tâche à présent de corriger le tir.
En ce début novembre, sur le campus de l’EM Lyon à Écully, au nord-ouest de la métropole rhodanienne, les nombreux étudiants intéressés par la spécialisation en conseil en stratégie de fin de cursus sont nombreux à fourbir leurs arguments. D’ici la fin du mois, les étudiants du programme grande école qui chaque année sont sélectionnés sur candidature pour le track conseil en stratégie seront connus.
Une filière volontariste
Ils sont très nombreux à s’y intéresser et à s’y préparer. Ils sont actuellement 4 600 étudiants et diplômés inscrits sur le groupe Facebook dédié, loin devant d’autres groupes thématiques tels que ceux consacrés aux jobs dans la tech (1 600) ou aux métiers de la finance (2 700).
Beaucoup de candidats mais peu d’élus. Tout est scrupuleusement passé en revue par l’encadrement de l’école concernant les étudiants qui rentrent dans ce track : natures des stages effectués jusqu’à ce point (en première année puis en césure) dans leur cursus, notes reçues au cours de la scolarité, CV…
Seuls une cinquantaine d’étudiants participent (environ 5 % des 1 000 étudiants post-prépa, étudiants admis sur titre au niveau licence et internationaux présents chaque année à Écully) aux deux à trois mois de training intensif annuels qui courent de janvier à mars. Ils y sont particulièrement formés aux méthodes de recrutement et aux outils de résolution de business cases. Ce track est le principal point de rendez-vous des cabinets de conseil à l’EM Lyon.
« On se fixe pour objectif qu’un maximum des cabinets du top 12 du dernier classement en date de Consultor.fr intervienne dans ce cadre », rappelle Marc Pérennès, directeur du service carrière et des relations avec les employeurs de l’EM Lyon. L’an dernier, McKinsey, le Boston Consulting Group, Bain, Roland Berger, Oliver Wyman, Monitor Deloitte, et Kea ont répondu présent.
Une présence nettement plus importante que précédemment. « Voilà une dizaine d’années, un professeur, Christophe Chaumont (aujourd’hui responsable du master spécialisé de l’EM en conseil aux organisations, NDLR) s’est montré particulièrement intéressé par le secteur et par les étudiants qui souhaitaient y démarrer leur carrière. Au point d’organiser de son propre chef des sessions de préparation le samedi. Les étudiants, aussi, se plaignaient d’être moins bien préparés que dans les écoles parisiennes (HEC ; ESSEC ; ESCP, NDLR) et regrettait que l’école soit moins identifiée que d’autres dans les cabinets. L’école a acté que nous devions répondre à cette demande croissante et construire une offre de formation sur mesure. Le track a vu le jour de cette façon », se souvient Marc Pérennès.
Parallèlement, les étudiants de l’école démultiplient leurs efforts pour augmenter leur crédibilité à l’entrée dans les cabinets de conseil en stratégie. Ils ont par exemple un site dédié sur lequel la communauté EM intéressée par la strat’ partage les retours obtenus aux entretiens d’embauche, les business cases sur lesquels les uns et les autres ont dû plancher, et un planning commun d’entraînement aux entretiens d’embauche.
Des efforts payants
Ces efforts conjugués de la direction de l’école et des étudiants paient. En juin (relire notre article), le cabinet de recrutement Wit Associés (dont les associés sont actionnaires à titre personnel de Consultor), a passé en revue sur LinkedIn 314 consultants (35 % du panel), seniors consultants (35 %), managers (20 %) et principals (10 %). Un portrait type qui faisait notamment apparaître que 7 % des consultants en stratégie passés en revue sont diplômés de l’EM Lyon.
Ce qui en faisait la 5e école la plus représentée dans le secteur derrière CentraleSupélec avec 19 % (relire notre article), HEC avec 16 %, l’ESSEC avec 12 % et l’ESCP avec 10 %.
Éric Bach, l’associé d’Oliver Wyman en charge des recrutements à Paris, voit d’ailleurs « une certaine progression des recrutements des diplômés de l’EM Lyon, car on note depuis quelques années qu’ils sont particulièrement bien formés aux études de cas et réussissent mieux les entretiens ».
Même son de cloche au BCG : « Dans le top 7, il y a Polytechnique, les Mines, CentraleSupélec, les Ponts, HEC, l’ESSEC et l’ESCP. Ensuite, depuis quelques années déjà, nous recevons en entretien des candidats issus entre autres de l’EM Lyon et des meilleures formations internationales, telles que la London Business School ou l’université McGill de Montréal », expliquait aussi à Consultor le bureau parisien en 2019.
Idem chez McKinsey : depuis l’embauche de Benjamin Durand-Servoingt, un diplômé 2010 parmi les tout premiers de l’école à avoir été recrutés par le cabinet des Champs-Élysées, dans lequel il est resté jusqu’au grade d’associate partner en 2019 avant de devenir le COO d’Etam, la cohorte annuelle n’a cessé de grandir.
En moyenne, une dizaine d’EM Lyon seraient recrutés chaque année chez McKinsey à Paris en tant que junior, selon un chiffre indiqué par des étudiants du track et confirmé par la direction de l’école. A fortiori, Raphaël Speich, un EM Lyon 2012, rentré chez McKinsey en 2013 dont il est aujourd’hui un associate partner, est le chef d’orchestre d’une soirée annuelle spéciale EM au sein des locaux parisiens de l’entreprise.
Coup de tonnerre
Des résultats menacés par l’actualité récente ? Car un sérieux coup de semonce s’est fait entendre l’été dernier dans le ciel de l’enseignement supérieur lyonnais quand la Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion, qui autorise les écoles à délivrer le grade de master, a réduit la durée de l’autorisation de l’EM Lyon de cinq à trois ans.
L’avertissement est inédit pour une école de ce niveau. Il conclut une crise de plusieurs mois après que l’EM Lyon a changé son statut d’association à société anonyme, a fait entrer au capital de l’école le géant du private equity Qualium aux côtés de BPI France, a vu une très rapide progression du nombre d’élèves dans une logique de croissance rapide de sa taille, conduisant finalement à des départs à répétition au sein de l’encadrement et à de retentissantes vacances des enseignements prodigués aux étudiants.
Une implosion qui n’est pas passée inaperçue dans les milieux économiques où l’EM Lyon est une des écoles d’élite où on recrute volontiers. « L’EM Lyon ? Surtout pas ! » tançait anonymement le 26 octobre un haut responsable du Medef dans les colonnes des Échos. « On ne va pas changer l'EM Lyon de catégorie dans nos recrutements dès septembre prochain, confiait aussi un associé dans le conseil. Mais cela peut avoir un impact dans les deux à trois ans si l’école ne redresse pas la barre dans les classements. »
Aux étudiants non plus la crise de l’EM n’a pas échappé. En 2019, les préparationnaires admis à l’EM Lyon et à l’Edhec, qui arrive historiquement juste après l’école lyonnaise dans les classements, ont opté à 30,6 % pour la concurrente nordiste. Un chiffre historiquement élevé : il était de 11,3 % en 2018, de 10,6 % en 2017 et de 3,1 % en 2016 !
Une précaution d’usage vis-à-vis des diplômes de l’EM qui se retrouve aussi, dans une certaine mesure, à l’entrée dans le conseil en stratégie. Comme l'avance l'associé d'un cabinet de la place qui a requis l'anonymat : « La conséquence d’un certain flottement dans la gouvernance de l’école, et d'une incertitude sur la direction qu’elle va prendre avec le nouveau management, est un regard plus vigilant sur les profils diplômés de l’EM Lyon — et un accueil plus favorable aux diplômés de l'EDHEC. Par ailleurs, l’EM Lyon est, au sein du Top 5 des écoles de commerce, celle qui semble avoir le plus augmenté son contingent d’admis sur titre, ce qui pousse à 'screener' avec plus d'attention le parcours pré-école des diplômés de l’EM Lyon ».
De là à passer cul par-dessus tête l’employabilité des EM dans le conseil en strat’, il y a un pas que l’ensemble des recruteurs du conseil en stratégie interrogés par Consultor ne fait pas.
Dans la strat’, circulez, y a rien à voir
« Ce n’est pas un changement d’actionnariat qui va changer la qualité des étudiants qui sortent de cette école. D’un point de vue recrutement, notre approche vis-à-vis de l’école ne change en rien », témoigne Éric Bach chez Oliver Wyman. Le cabinet continuera de dépêcher à l’école, comme il le fait habituellement, son partner EM maison, Hugues Havrin, tout comme le principal Simon Eymery qui est lui aussi un alumni de Lyon.
Les retours sont exactement du même acabit chez Advancy ou Cepton. On indique à Consultor avoir ouï dire par la presse des affres de la gouvernance de l’école ces derniers mois, mais n’en tenir aucun compte dans la poursuite des recrutements au sein de l’école. Quoique l’EM reste perçue comme un vivier secondaire après des écoles jugées plus prioritaires.
« Il serait légitime que les cabinets en lisant les articles écrits sur l’EM Lyon ces derniers mois s’interrogent. Mais je ne vois pas de raison objective de changer leurs recrutements dans notre école. Les étudiants n’ont jamais été aussi bien préparés aux process de recrutement dans le conseil en stratégie », défend aussi Marc Pérennès, à la direction carrière de l’école.
Le futur le dira. En attendant, la nouvelle direction de l’école emmenée par Isabelle Huault, l’ancienne présidente de Dauphine arrivée début septembre, présentera un plan de reconquête en janvier.
Benjamin Polle pour Consultor.fr
Crédit photo : Romain Étienne et collectif Item.
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