La course à l'échalote des cabinets de conseil en stratégie dans les plus grandes écoles françaises
Il court, il court le jeune diplômé, et tous les moyens sont bons pour lui mettre le grappin dessus.
Les cabinets se démènent pour recruter les meilleurs diplômés. Présence sur les forums et dans les salles de cours, admission au rang de partenaire institutionnel, les relations se multiplient et se monétisent, disent à Consultor l'École polytechnique, l'ESSEC, Oliver Wyman et Kea & Partners.
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"Consultancy night" à Cambridge, "Consultancy fair" à la London School of Economics, des entreprises partenaires en bataille à la London Business School, comme AT Kearney, Bain, Booz et le BCG, qui seront rejoints par McKinsey, OC&C ou Roland Berger sur le "Forum conseil" d'HEC Paris. En octobre 2011, 29 cabinets faisaient salle comble à l'ESSEC, à peine deux semaines après une rencontre du même genre tenue par l'ESCP. En novembre, la section "Audit et Conseil" sera de loin la plus fournie dans les coursives de Paris Expo Porte de Versailles où, entre autres, les Mines Paris et les Ponts et Chaussées tiendront la 21e édition du Forum Trium - une rencontre annuelle entre les étudiants, les diplômés et les entreprises.
Vous avez dit trois millions de chômeurs ?
Et ce n'est que la partie émergée de l'opération de charme menée par les entreprises de conseil à l'attention des quelques écoles de commerce et d'ingénieur qui font le gros de leurs recrutements. Ainsi, McKinsey a tissé sa toile à Centrale Paris où le cabinet est "partenaire premium" quand AT Kearney, Bain & Co, Kea & Partners, Oliver Wyman, Roland Berger et le BCG sont tous inscrits sur la liste des entreprises qui interviennent dans les cours de troisième année.
Car les liens peuvent être plus "diffus" encore, dit-on à l'École polytechnique, jointe par Consultor. Cela peut aller des publicités que les cabinets achètent dans la revue de la communauté polytechnicienne, La Jaune et la Rouge, qui diffuse d'ailleurs une fois par an un numéro spécial dédié aux métiers du conseil, jusqu'à des donations, par exemple d'Estin & Co pour un montant compris entre 25 000 et 50 000 euros dans le cadre de la campagne de levée de fonds de l'établissement (objectif de 35 millions d'euros sur le point d'être atteint), ou l'organisation d'un concours scientifique Be.project par BearingPoint et remporté par un groupe de polytechniciens de la promotion 2008. Ces derniers ont travaillé pendant un an au développement d'un éclairage dans les salles de cours fourni par la lumière du jour, elle-même captée sur les toits de l'école et acheminée par des fibres optiques. Le cabinet de conseil a soutenu le projet à hauteur de 15 000 euros sur un an.
À l'Insead, "tous les cabinets de conseil en stratégie qui recrutent nos diplômés sont des partenaires des évènements institutionnels et estudiantins de l'école", est-il expliqué à Consultor (lire notre article sur les meilleurs MBA à intégrer pour devenir consultant).
De l'ordre de 50 000 euros de budget annuel pour Kea & Partners
"Nous établissons des liens en priorité avec deux populations à l'externe : les clients et les étudiants. Et en l'espèce ceux qui sortent de Polytechnique, des Mines Paris, de Centrale Paris et des Ponts et Chaussées, côté écoles d'ingénieur, et HEC, l'ESSEC, ESCP pour les écoles de commerce", résume Gregory Kochersperger, senior partner chez Oliver Wyman Paris et en charge des relations avec les écoles.
Pour la provenance des étudiants, rien de neuf sous le soleil même si, Gregory Kochersperger l'assure, "nous ne sommes pas sectaires et nous sommes ouverts à d'autres profils". Une chose est sûre, pourtant, "une majorité" de consultants chez Oliver Wyman et ses concurrents directs provient de ces quelques écoles. S'y ajoutent les entrées sur MBA, quand les cabinets ne financent pas ces formations directement aux jeunes recrues qui passent le cap des deux ou trois ans. "Tous ces diplômés sont les futurs partners du cabinet. À ce titre, au moins un consultant sur deux est mobilisé et tous les partners donnent beaucoup de leur temps aux contacts avec les Écoles".
Le budget qui y est alloué chaque année ? "Pour attirer une vingtaine de nouvelles recrues par an à la sortie des dix écoles de commerce et d'ingénieur que nous ciblons, nous investissons dans les relations avec les écoles de l'ordre de 50 000 euros par an. Mais c'est sans compter avec le temps que partners et consultants consacrent à ces relations, par des cours ou de l'aide à la résolution de cas. Si on inclut ce temps dans le calcul, le budget annuel grimpe à 200 000 ou 300 000 euros", indique Sylvie Jaulin, partner et director en charge des questions de ressources humaines chez Kea & Partners.
Pareil montant comprend des cours en troisième année à HEC ou Centrale Paris à 5 000 euros l'année, ou des amphithéâtres ouverts aux cabinets pour 2 000 à 3 000 euros. Alors que pour des partenariats de long terme, il faut casser la tire-lire : entre 10 000 et 20 000 euros.
"Cela dépend des écoles et de la taille des entreprises", dit Sylvie Jaulin. En un mot, résume-t-elle, "les relations avec les plus grandes écoles sont coûteuses, notamment parce que les écoles sont sous la pression de contraintes financières et sont incitées à faire appel de manière croissante aux entreprises. Ce n'est pas encore le système américain, mais on y viendra".
L'ESSEC a reçu 400 000 euros des cabinets de conseil en stratégie sur un an
A l'ESSEC, cette contribution des entreprises représente "environ 30% du budget" annuel de l'école, hors formation continue. Soit "23 à 25 millions d'euros par an, mais ce n'est bien entendu pas la marge nette pour l'école. Le coût réel pour les entreprises n'est que de sept millions d'euros ; en effet quatorze millions proviennent de la taxe d'apprentissage et environ cinq millions sont éligibles aux déductions d'impôts dans le cadre des lois sur le mécénat", détaille à Consultor Nicolas Burckel, codirecteur des partenariats avec les entreprises au sein de l'école de Cergy-Pontoise.
Parmi ces contributions, "deux millions" proviennent des "cabinets de conseil et d'audit" et "400 000 euros des cabinets de stratégie, dont 80% de taxe d'apprentissage", précise-il encore. Pour lui, "on ne peut pas vraiment dire que cela coûte cher : la taxe d'apprentissage est obligatoire donc ce n'est pas une dépense supplémentaire et une bonne partie se fait en mécénat déductible à 60% de l'impôts sur les sociétés. Ainsi, le coût net pour l'ensemble des cabinets d'audit et de conseil ne doit pas dépasser les 200 000 euros soit une quarantaine de journées de mission et pour les cabinets de stratégie environ une cinquantaine de milliers d'euros soit l'équivalent de cinq journées de facturation pour quelques-uns des plus grands cabinets."
"Contrairement à HEC nous ne demandons pas aux entreprises de payer un droit d'entrée pour avoir accès à nos étudiants. Nous devrions peut-être, mais ce n'est pas de cette manière que nous concevons la notion de partenariat. Notre principe est que nous proposons un certain nombre d'axes de collaboration, certains payants et d'autres non ; ensuite l'entreprise complète son financement, en taxe d'apprentissage généralement, en fonction de ce qu'elle a le sentiment d'en retirer", synthétise Nicolas Burckel
Quelle que soit l'interprétation que l'on veuille donner à ces montants, Kea & Partners, en tant que cabinet de taille intermédiaire, serait plutôt dans le bas de la fourchette. La seule entrée à la fondation HEC coûte 50 000 euros. On y trouve entre autres Google, L'Oréal, BNP Paribas ou Renault, des cabinets de conseil tels Bain & Co et McKinsey, mais aussi Capgemini Consulting et Weave Conseil.
Oliver Wyman emmène une vingtaine de futurs ingénieurs dans ses bureaux à New York
Et la dynamique de filière, quel que soit son prix, est loin d'être neuve : "Dès l'époque de Mercer Management Consulting [l'un des cabinets regroupés en 2007 sous la marque Oliver Wyman, ndlr], nous nous rendions dans les écoles pour aider les étudiants à se préparer aux recrutements".
En quatorze années au sein du cabinet anglo-saxon, il a toujours vu à l'œuvre la construction de réseaux avec les écoles, et pas seulement dans les forums. Cela peut prendre la forme
- d'une intervention dans les cours,
- de préparation de cas,
- d'installation à demeure d'un consultant dans l'un ou l'autre des départements d'une école où il sera question des métiers du conseil,
- de sponsoring sur tel ou tel évènement,
- de l'organisation de concours de stratégie comme le BCG Strategy Cup qui est sans conteste le plus connu dans l'Hexagone,
- ou autres.
Parmi ces dernières initiatives, Gregory Kochersperger mentionne le programme "Start Here" qui soufflait en mars dernier sa troisième bougie. "Dans les écoles d'ingénieur, les métiers techniques restent la priorité, les étudiants sont a priori moins attirés par les cabinets de conseil. Pour y remédier, nous avons conçu un concours de cas qui au final nous permet d'emmener une vingtaine d'étudiants ingénieurs passer deux jours dans nos bureaux à New York". La dernière expédition était en mai. "Voyage et hôtels inclus" prend soin de préciser la page web de l'évènement. Et pour les récalcitrants, une page de témoignages d'anciens des écoles en question devenus consultants pour Oliver Wyman est à portée de clic.
"Dire que nous voulons les meilleurs n'a pas grand sens. Nous recherchons de très bons étudiants qui statistiquement sont très présents dans ces écoles. In fine, le succès d'un recrutement c'est la rencontre entre des personnalités exigeantes et la culture d'un cabinet qui répond à leurs attentes", pondère Gregory Kochersperger.
On ne parle pas des "meilleurs candidats" mais on joue des coudes pour avoir les "très bons"
Il concède néanmoins que la lutte pour les meilleurs profils est rude. Il n'est pas rare que les candidats les plus en vue croulent sous les offres à l'issue des entretiens à la chaîne propres à la plupart des grandes entreprises de conseil. Dans la dernière ligne droite, des petits détails peuvent jouer : un dîner avec un partner qui n'est pas investi dans le processus de recrutement, des coups de fil des anciens de l'école du candidat, "pour faire part de leur expérience du cabinet" dit Gregory Kochersperger, une grande flexibilité sur la date d'arrivée, quand la porte n'est pas laissée grande ouverte pour un premier poste à l'étranger.
Dans tout ceci, la rémunération va presque de soi : parmi les plus attractives à la sortie des bancs de l'école.
Par Benjamin Polle pour Consultor, portail du conseil en stratégie- 04/09/2012
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