Maternité et conseil font-ils bon ménage ?
Mère et consultante en stratégie ? Deux dimensions compliquées à concilier, mais pas forcément antinomiques. Les cabinets souhaitent en tout cas recruter et fidéliser davantage les femmes.
Intrusive, choquante... Ainsi est jugée l’annonce faite en octobre par Facebook et Apple. En effet, ces sociétés envisageraient de subventionner la congélation d’ovocytes de leurs employées, déclaration qui a du mal à passer de ce côté-ci de l’Atlantique. Y compris au sein des cabinets de conseil en stratégie, qui ne brillent pourtant pas par la féminisation de leurs strates dirigeantes.
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« Ce n’est pas vraiment dans la culture française. C’est entrer dans la sphère privée et cela incite à s’engager dans des grossesses à un âge avancé dont on sait qu’elles comportent plus de risques », s’indigne Vanessa Lyon, partner et directeur associé au bureau de Paris du BCG.
Dans ce métier très masculin, des femmes semblent parvenir à mener de front enfants et carrière sans en arriver à de telles extrémités. « En tout début de carrière, en tant qu’analyste, les contraintes horaires sont lourdes, il s’agit de s’adapter aux exigences des clients. Il y a toujours une part aléatoire et un manque de visibilité de son planning qui compliquent l’organisation de la vie familiale. Mais au bout de trois ou quatre ans, lorsqu’une femme gagne en “séniorité” et qu’elle a davantage de flexibilité dans la gestion de son temps, avoir des enfants est tout à fait envisageable », estime Bénédicte Guenegan, manager chez L.E.K., aujourd’hui en congé maternité après la naissance de son troisième enfant. Manager chez A.T. Kearney – qui ne compte aucune femme partner à Paris –, Laure Charpentier avoue s’être posé la question peu après la trentaine. « Ma décision n’a pas été orientée par ma carrière. Entre les échéances de mon mari et les miennes, cela n’aurait jamais été le bon moment, nous avons donc écouté nos aspirations personnelles », indique la jeune femme, qui a eu un enfant il y a vingt et un mois, juste avant d’être nommée associate.
Un choix assumé qui implique une organisation personnelle compliquée, entre son agenda et celui de son conjoint et nécessite le soutien des proches les jours où ni l’un ni l’autre ne peuvent se libérer. « Habituellement, je rentre vers 19 h-19 h 30 et je me remets au travail plus tard si nécessaire », commente-t-elle. Contrairement à leurs aînées cependant, les femmes consultantes ne fuient plus forcément leur cabinet pour avoir des enfants, ni ne se cachent de leurs obligations de mères. « En début de mission, nous avons pour habitude d’évoquer les contraintes de chacun, quelles qu’elles soient », souligne Nathalie Nassar, partner senior au bureau de Paris d’Oliver Wyman.
Des cabinets commencent à mettre en place des politiques « family friendly ». Si comme l’évoque Thomas Bolac, directeur marketing et communication France d’A.T. Kearney, l’interdiction des réunions après 19 heures ne fonctionne pas dans un métier où il faut savoir être flexible, d’autres pistes sont envisagées. Dans la mesure du possible, des missions dans la région parisienne sont proposées aux jeunes mères de famille. Chez L.E.K., les collaborateurs peuvent demander à travailler à 80 %, comme le fait Bénédicte Guenegan, qui ne travaille généralement pas le mercredi, sauf en cas d’impératifs. Le BCG a de son côté lancé il y a une dizaine d’années un plan d’action. « Il s’agit à la fois d’organiser des événements de recrutement propres aux femmes pour lever leur autocensure à exercer dans le conseil, de former les managers à encadrer plus de diversité au sens large, mais aussi de proposer des actions ciblées », commente Vanessa Lyon. Par exemple, dès qu’elles déclarent leur grossesse, les femmes travaillent à 80 % tout en restant rémunérées à temps complet. Elles bénéficient également peu avant leur départ en congé maternité et jusqu’à leur retour d’un coaching pour réfléchir à leur positionnement personnel et professionnel. Et quand elles reprennent le travail, un temps partiel à 60 ou 80 % est également envisageable (c’est d’ailleurs la loi). « Alors que nous comptions 10 % de femmes en 2004, nous sommes désormais 35 %, dont 40 % à des niveaux juniors, 30 % au niveau chefs de projet et 10-15 % au niveau des partners », se félicite Vanessa Lyon (NDLR : 6% de partners femmes au bureau de Paris, étude consultor.fr, juillet 2014). Mère de trois enfants, elle-même travaille à 80 % depuis sa deuxième grossesse. De son côté, Oliver Wyman propose aux femmes du mentoring et des formations au leadership pour les jeunes femmes destinées à devenir partners. « Nous souhaitons casser le plafond de verre, qui n’existe pas réellement dans le conseil, mais qui est trop souvent anticipé, ce qui pousse les femmes à poursuivre leur carrière en dehors des cabinets de stratégie », note Nathalie Nassar.
Gaëlle Ginibrière pour Consultor
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France
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