Les perspectives de sortie de covid dans le conseil
Une baisse de l’activité de 7,2 % de l’ensemble du conseil, moins 5 % pour le secteur stratégie et management.
Les effets de la pandémie sur le secteur du conseil ont été conséquents en 2020, et ce particulièrement pour les petits cabinets. Pourtant, depuis le début de l’année 2021, les signes de la reprise sont plus que positifs avec une moyenne de + 10 % pour le conseil en stratégie. C’est ce que révèle une étude qualitative et quantitative (1) toute récente du syndicat pro du secteur.
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Pour Matthieu Courtecuisse, président de Syntec Conseil, fondateur de Sia Partners, l’embellie s’annonce même pérenne, avec un doublement du marché du conseil d’ici 2031. Analyses et perspectives avec un président optimiste.
Consultor : Quels sont, selon vous, les résultats les plus significatifs pour la partie conseil en stratégie, qui représente 18 % de l’offre de conseil en France selon votre syndicat et est devenu le 2e acteur après le conseil SI ?
Matthieu Courtecuisse : Ce sont les spécialistes du conseil en stratégie, les cabinets issus des grandes sociétés d’audit et quelques grandes marques françaises qui se sont le mieux sortis de la crise sanitaire dans l’ensemble de l’offre de conseil. 2020 a été assez vite oubliée, nous sommes revenus à une croissance normale du secteur. 2021 s’annonce bien comme une année de reprise qui pourrait même être particulièrement forte dès le second semestre 2021, pour le conseil en stratégie et management, en hausse de 10 % par rapport à 2020 (+ 3 % au S1 mesurés par le Syntec, anticipation de + 6 % au S2, ndlr). En cette fin 2021, les résultats des cabinets se situent en moyenne au-dessus de 2019. Et pour 2022, on annonce déjà une croissance à deux chiffres. Ils apparaissent donc comme covid-proof et robustes face aux crises.
Consultor : Pourquoi cette résilience de leur part ?
Matthieu Courtecuisse : Même s’ils n’ont pas été épargnés par la crise sanitaire, avec l’arrêt brutal de l’activité au moment du premier confinement en mars 2020, les cabinets de conseil en stratégie, grâce à leur fonctionnement très digital et des équipes plutôt jeunes et réactives, ont pu rapidement rebondir. Ils ont réorganisé leur activité et ont pu continuer et démarrer des missions. Pour la première fois, nous avons vu à l’œuvre leurs capacités à utiliser leurs propres gains de productivité liés au digital. Cela n’avait pas du tout été le cas lors de la crise de 2008-2009, qui avait été très rude pour le secteur du conseil en général.
Consultor : Qu’est-ce qui a porté l’activité du conseil en stratégie durant cette période ?
Matthieu Courtecuisse : Deux types de missions. Il y avait bien entendu les grands acteurs gouvernementaux qui ont dû faire face rapidement à la crise de la covid avec de nouvelles missions, à l’instar de la politique vaccinale. Mais il y a eu une majorité de missions qui étaient dans les tuyaux et qui ont été accélérées : revues de portefeuille d’activité, réorganisation des comex, lancement de nouvelles offres, et énormément de stratégies de croissance portées par le digital.
Consultor : Mais tous les cabinets ne sont pas logés à la même enseigne…
Matthieu Courtecuisse : Ce sont toujours les grands cabinets de conseil en stratégie et management (de 50 à 150 M€ de CA) qui s’en sortent effectivement le mieux, avec + 14 % au S1 et + 11 % au S2 selon nos chiffres au Syntec, alors que les cabinets de moins de 3 millions d’euros de CA devraient rester dans le rouge (– 6 % au S1, – 8 % au S2). Il est certain que lorsqu’un petit cabinet n’est exposé qu’à un seul client qui représente 30-40 % de son revenu, ou un seul secteur qui fait 60-70 % de son activité, et que ce secteur est touché par la crise covid, il n’est pas facile d’avoir un portefeuille de gestion des risques. Le redéploiement est également plus complexe, car nous avons constaté qu’il a été très difficile de gagner de nouveaux clients pendant cette période en mode crise et à distance. Il y avait une prime à celui qui était déjà dans la place.
Consultor : Vous avez une lecture du futur très positive…
Matthieu Courtecuisse : Oui, le marché du conseil en France a doublé de taille en dix ans et j’anticipe qu’il va encore doubler dans les dix ans à venir. Avec trois gisements fondamentaux : l’accélération des révolutions industrielles en cours, digitale, spatiale et biologique ; les nouvelles stratégies autour de l’offre, l’intensité des projets de réorganisations et restructurations combinées à de nouvelles façons de travailler et les gains de productivités induits, et l’intégration de la RSE. Les missions vont évoluer vers toujours plus de digital ; d’un point de vue strat’, c’est très substantiel, à voir le nombre de data scientists recrutés dans les cabinets de conseil en stratégie (ndlr, relire notre article dédié ici et là). Quelques autres secteurs sont très demandeurs : la cybersécurité, bien sûr, le e-commerce, les paiements et la fintech, ou encore les sciences de la vie, un secteur qui affiche une croissance inégalée en consommation de conseil, ou encore les cryptomonnaies, l’intelligence artificielle, le quantique, la réalité virtuelle…
Consultor : Quels sont les grands enjeux du conseil, et du conseil en stratégie en particulier, pour réussir ce nouveau changement d’échelle ?
Matthieu Courtecuisse : Ce qui peut empêcher cela, c’est la disponibilité – ou pas – de main-d’œuvre, c’est le grand défi des années à venir et notre inquiétude aujourd’hui. Nous sommes déjà en pénurie, à voir la chasse que font actuellement les cabinets de conseil en stratégie (relire notre article sur les recrutements). L’ensemble du conseil capte 20 % des promos des écoles d’ingénieurs et 30 % de commerce. La question est la suivante : va-t-on être capable d’augmenter ces parts de marché ? Cela va être difficile pour les écoles de commerce, car tous les étudiants de ces grandes écoles ne veulent pas ou ne peuvent pas devenir consultants. En revanche, nous pouvons faire mieux du côté des ingénieurs. Par ailleurs, les grandes écoles seront-elles capables d’augmenter leurs pools d’étudiants ? Pas sûr, au vu d’expériences un peu malheureuses de certaines qui ont essayé. C’est un sujet de fond en discussion.
Autre levier, devant un marché de plus en plus pluridisciplinaire, nous devons recruter des profils différents de ceux issus de nos écoles de prédilection, des experts dans leurs domaines – comme c’est déjà le cas pour les data scientists –, plus d’agro pour les sujets environnementaux, ou aller chercher plus de profils plus expérimentés dotés d’une expérience industrielle…
Consultor : Vous dites que le conseil a trois concurrents en termes d’attractivité…
Matthieu Courtecuisse : Il y a d’abord la finance au sens large, le private equity et le M&A en particulier, un peu plus en retrait aujourd’hui. Notre véritable challenge, c’est de rester attractif face aux start-up qui aiment les profils de consultants d’un à deux ans d’expérience. Cela nous oblige à travailler l’expérience entrepreneuriale de notre métier. Cela nous engage aussi à être au top en termes de modalités de travail, en allant plus loin que le flex office qu’on pratique depuis longtemps, et à proposer de nouveaux équilibres de vie avec la possibilité de déménager dans les territoires. Avant la covid, dans mon entreprise par exemple, 5 % des effectifs étaient répartis sur les territoires, fin 2022, ils seront 20 %.
Barbara Merle pour Consultor.fr
(1) L’étude annuelle de Syntec se décline en deux volets :
Un volet qualitatif pour recueillir la perception du marché et ses tendances à partir de tables rondes virtuelles (dirigeants et DRH) organisées pour chacun des cinq métiers du conseil.
Un volet quantitatif pour estimer notamment les évolutions 2020 et les prévisions 2021 : à partir du questionnaire classique de l’étude d’activité complété par plus de 100 sociétés de conseil en management enrichi avec le baromètre du Syntec Conseil sur l’impact de la crise sanitaire (170 participants à la 11e édition réalisée en mai) et l’Observatoire social 2020 de Syntec Conseil (Enquête rémunération 2020).
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