Ruée des data scientists dans le conseil : le vrai du faux
Nombre de cabinets de conseil en stratégie y vont de leurs acquisitions d’entreprises spécialisées, de la création de labos internes ou de formations internes, pour faire monter en gamme les consultants sur l’analyse de larges bases de données.
Mais les faits sont têtus : le contingent des data scientists purs et durs ne dépasse pas 1 % des effectifs totaux (consultants et fonctions support confondus). Pourtant, les cabinets continuent à faire feu de tout bois pour attirer ces profils et une partie de leur avenir se joue dans ces recrutements. Non sans de nombreux défis.
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Les data scientists sont devenus tendance dans les cabinets de strat’ au début des années 2010, comme nous en rendons compte régulièrement (relire nos articles ici et là). Bain & Company a probablement été un des précurseurs en créant – dès 1986 ! – un groupe interne de professionnels dédiés à l’analyse de vastes quantités de données.
Advanced Analytics Group (AAG), tel était le nom de ce groupe. Alors même que « les termes aujourd’hui à la mode “data science”, “data lab”, et “artificial intelligence” n’étaient pas vraiment utilisés », comme le rappelle Florian Mueller, le monsieur AAG pour la région EMEA de Bain.
Acquisitions, formations, réorganisations : l’essor ne tarit pas
Nombre de cabinets ont dans la même logique créé des entités spécialistes de la data (cf. encadré ci-dessous). Les recrutements sont allés bon train. Roland Berger a recruté un partner dédié en 2017 (relire notre article). De même, Publicis Sapient (la marque de Publicis née du rachat en 2014 du groupe américain de technologie Sapient au sein de laquelle une business unit de conseil en stratégie est en développement depuis 2019, relire notre article) compte 500 data scientists dans le monde et vingt-cinq en France.
Enfin, les acquisitions sont devenues légion sur le sujet (notre article ici) : comme quand Kearney opère le rachat de Cervello, entreprise spécialiste de la data science.
Data science, les cabinets multiplient les initiatives
- Le Boston Consulting Group a lancé son entité Gamma en 2016.
- Oliver Wyman a formé une équipe dédiée dès 2005, a créé le labs en 2014, et depuis dispose d’une practice digital à part entière.
- L’équipe Deloitte Analytics compte 150 personnes en France et la plateforme Open Talent lancée début 2020 est un vivier de freelances internes, entre autres dans les métiers de la data (relire ici).
- EY Lab existe depuis fin 2016.
- PMP a créé son data lab en 2017 (10 personnes pour 150 consultants).
- McKinsey a racheté QuantumBlack en 2015 dont le cabinet a fait sa marque dans le domaine des data.
Ruée des profils data dans le conseil en strat’, sans aucun doute. Encore faut-il savoir de qui l’on parle exactement.
Un décompte auquel Dominique Mary, DG fondateur de Darwin X, ancien associate partner de McKinsey et senior executive du BCG, s’est livré avec une règle simple mais efficace. Il a compté les seuls data scientists recensés sur LinkedIn dans les cabinets de conseil en stratégie. « Un très bon indicateur pour comprendre là où en sont ces cabinets sur la data science », explique-t-il.
Dominique Mary en a répertorié environ 300 pour le BCG (pour 21 000 collaborateurs), 260 pour McKinsey (pour 27 000 collaborateurs), mais une dizaine seulement pour Oliver Wyman (5 000), Kearney (4 000), Roland Berger (2 000)… et Bain (11 000), bien loin des 300 partagés par Florian Mueller.
Un énorme différentiel que Dominique Mary, sûr de ses chiffres, explique par une tendance à mettre le sésame data scientist à toutes les sauces… « Certains cabinets présentent des profils de type data analyst ou advanced analyst qui ont une connotation différente pour le marché. Bain, comme d’autres, comptent aussi des consultants qui se sont formés à la data, des profils qui n’ont pas de dimension code. Afficher un rôle de data scientist au sein d’un cabinet c’est un signe fort qui doit être ensuite assumé avec des talents combinant de multiples compétences. »
Olivier Abtan, senior managing director du bureau parisien de Publicis Sapient, appelle aussi de ses vœux davantage de transparence : « Il faut être clair et honnête avec nos clients et ne pas leur vendre n’importe quoi ! » tonne-t-il. C’est dit !
Data truc
Car entre toutes ces fonctions de data quelque chose, des différences réelles existent. Le cabinet Publicis Sapient s’appuie principalement sur deux grands métiers au sein de ses équipes data. « Les data engineers développent l’infrastructure et industrialisent les cas d’usage, alors que les data scientists développent les algorithmes d’intelligence artificielle », annonce Olivier Abtan.
En plus de ces deux profils incontournables, le data lab de PMP puise aussi dans le vivier de data analysts, une troisième population complémentaire plus « pédagogique », qui a pour mission de « restituer de façon visuelle les données du passé (analyse descriptive), mais qui ne fait pas d’analyse prédictive (machine learning) », précise son responsable Olivier Leroy, lui-même data analyst de formation.
C’est pour tenter d’éclaircir le monde plutôt nébuleux de la data à des non-experts que Syntec Conseil, l’organisation professionnelle des métiers du conseil en France, en a réalisé un glossaire (ici). Une cartographie non exhaustive de dix métiers de la data, décrivant leur formation, leur rôle, leurs compétences spécifiques… « C’est un moyen de mettre en lumière ces métiers et d’expliquer aux entreprises la data factory et ses intervenants », amende Olivier Leroy de PMP, membre de la commission data du Syntec.
Ces crakers de données sont ainsi devenus quasi incontournables pour les missions strat’ du fait des poids des données, de l’IA et du machine learning (relire ici et ici) dans les sujets abordés par les cabinets.
Ces sujets ressortent dans 10 à 20 % des missions chez Monitor Deloitte, « en forte croissance », dixit le managing partner Stéphane Bazoche, entre 15 et 50 % selon les practices chez PMP, de 30 à 40 % chez Bain, et environ une moitié chez Publicis Sapient. Et ce n’est qu’un début ! Selon Florian Mueller, chez Bain, trois quarts des missions toucheront de près ou de loin à la data dans les années à venir.
La pertinence croissante dans le conseil en stratégie des métiers de de la data science, data scientists en tête, ne fait donc plus débat. Elle vient avec son lot de défis.
Les défis
Comme celui de faire cohabiter deux mondes dont la symbiose n’a rien d’évidente. « Les data scientists ne parlent pas le même langage. Quand ça marche, c’est formidable, mais ce n’est pas toujours facile », concède même Olivier Abtan de Publicis Sapient.
Chez Bain, il a fallu mettre en place de nouvelles méthodes de travail pour faire face à la complexification des défis commerciaux et analytiques, et à une interface plus complexe entre consultants et experts data.
« Nous formons en permanence une partie de nos consultants généralistes et experts ayant une solide expérience en analytique pour être en mesure de convertir les exigences commerciales en problèmes de données et d’analyse et ainsi construire le pont entre les deux mondes », accorde Florian Mueller. Même son de cloche chez Monitor où certains stratèges ayant développé un appétit sur le sujet analytics font le lien avec les data scientists maison.
Autre défi : le « quoi qu’il en coûte » ! Car pour les cabinets, c’est un investissement conséquent que d’intégrer ces profils très recherchés bien au-delà du seul microcosme du consulting.
« Certes, les bons data scientists coûtent cher, avec des salaires pouvant dépasser les 100 k€ par an. Mais la majeure partie de ces jobs est tirée par la transformation digitale, devenue essentielle en termes de chiffre d’affaires. L’avenir du conseil en stratégie passera par ces profils capables de mettre rapidement en œuvre le digital », projette l’ex-consultant, Dominique Mary.
Avec, à terme, selon les projections de Bain, un ratio d’un data scientist pour dix consultants en stratégie.
Barbara Merle pour Consultor.fr
Crédit photo : Unsplash.
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commentaires (1)
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tech - télécom - médias
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D’après un fichier confidentiel du groupe informatique en proie à de graves difficultés financières, McKinsey lui a fourni 45 millions d’euros de conseil en 2022, 57 millions en 2023 – et 14 millions en 2024.
- 19/12/24
Chuck Whitten est un partner « boomerang » de Bain où il avait passé 22 ans. Au sein du cabinet il avait, notamment, conseillé Dell durant plus de 10 ans, avant de rejoindre l’entreprise.
- 03/12/24
Il est un alumni du conseil en stratégie qui fait parler de lui ces dernières semaines… Et qui aurait sans nul doute préféré rester discret pour l’occasion. Alban du Rostu, 34 ans, consultant chez McKinsey entre 2018 et 2021, puis DG du Fonds du Bien Commun (FBC), créé par l’homme d’affaires milliardaire Pierre-Édouard Stérin, catholique conservateur proche de l’extrême droite, avait été nommé le 25 novembre dernier directeur de la stratégie et du développement du groupe Bayard par son président, François Morinière…
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Noli pour No One Like I. Tel est le nom de la start-up de Beauty Tech cofondée par Maëlle Gasc, 4 ans au BCG, avec un ancien directeur marketing de L’Oréal Paris. Une plateforme qui s’appuie notamment sur l’IA.
- 22/10/24
L’ex-pépite française du numérique, Atos, endettée à hauteur de 5 milliards d’euros, en pleine restructuration financière, vient de nommer son nouveau président du conseil d’administration. Il s’agit de Philippe Salle, 59 ans, un ancien senior manager de McKinsey, depuis 2017 directeur général du groupe Emeria (propriétaire en France de la marque Foncia).