4 % d’anciens consultants dans les comex du CAC 40
Une femme, jeune, ancienne consultante, entre dans le cercle ultrafermé des grands patrons du CAC 40. Christel Heydemann, deux ans de BCG, prend ainsi ses fonctions de CEO d’Orange à partir du 1er avril 2022.
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26 ex-consultants sont aujourd’hui membres des comex de 14 des plus grandes entreprises nationales, et peuvent constituer jusqu’à un tiers de leurs comités exécutifs. Ces aficionados de la stratégie restent cependant encore peu représentés dans les comités exécutifs du CAC 40. Selon le bilan de la 6e étude dédiée de Consultor, ils sont au nombre de 27 sur 598 personnes.
Un ratio de 4,3 % identique à l’année précédente à la virgule près (relire notre étude ici), et en forte baisse par rapport aux années 2013, 2016 et 2018, où les taux atteignaient plutôt 7-8 % (ici). Et aucun ancien stratège chez Thales, Airbus, BNP, Danone, Dassault Systèmes, Engie, L’Oréal ou Saint-Gobain.
À noter que les deux entreprises entrantes dans le CAC 40, Alstom (capitalisation boursière de 11 milliards d’euros) et Stellantis (capitalisation boursière de 52,5 milliards d’euros), comptent quatre anciens consultants dans leurs directions.
En matière de féminisation des anciens du conseil dans les comex, le mouvement ne s’améliore pas, au contraire : elles sont cinq cette année (19 % de l’ensemble des ex-consultants), un taux en baisse par rapport à notre dernière étude (24 %). L’évolution notable relevée entre 2016 et 2018 (où elles étaient passées de quatre à huit) a même tendance à s’inverser.
Un fort turn-over
Ces fauteuils, des plus prisés, sont pourtant des sièges éjectables pour ces pros de la stratégie. Seule la moitié des ex-consultants membres des comex en 2020 le sont encore en 2021. En cause, les entreprises sorties du CAC 40 (AccorHôtels, Sodexo) ou des départs vers d’autres entreprises hors du CAC 40 (Grita Loebsack, alumni d’Oliver Wyman, a quitté son poste de responsable marketing d’EssilorLuxottica pour être promue présidente de Nivea Allemagne)…
Pascal Clouzard, CEO France et Espagne de Carrefour jusqu’en décembre 2020, membres de boards, s’est aussi rapproché de son cabinet d’origine, Kearney, où il est senior advisor (il l’avait quitté en 1999 au grade de principal). En revanche, dans les arrivées au sein des comex, sont à noter celles de l’ex-associate de McKinsey Thomas Triomphe, VP Sanofi Pasteur, ou de Laurent Bataille, le DG opérations France de Schneider Electric, chez McKinsey de 2000 à 2003. La nouvelle patronne d’Orange Christel Heydemann, consultante au BCG durant deux ans, faisait elle déjà partie de l’élite des comex des entreprises françaises : elle était DG opérations Europe de Schneider Electric.
Un choix mesuré
4,3 %, c’est peu. Est-ce à dire que les consultants qui choisissent l’entreprise en deuxième partie de carrière préfèrent le monde des start-ups et leur esprit entrepreneurial, où l’évolution de carrière est moins figée et les salaires rapidement plus attractifs ? C’est sans nul doute l’une des explications les plus vraisemblables. Pour preuve, ils sont en grand nombre au sein des licornes françaises (ici). Côté recruteurs, la barrière psychologique pour la direction des grands groupes du CAC 40 à choisir ces profils à la base peu opérationnels tient toujours. Et l’entre-soi reste de mise, même si les mentalités évoluent.
Peu de CEO et des profils atypiques
La gouvernance du CAC 40 reste, en effet, assez endogame. Selon une étude de 2020 du cabinet RH Robert Half, le grand patron type d’une entreprise du CAC 40 est français (85 %), de sexe masculin, âgé de 58 ans en moyenne, diplômé d’une grande école (Bac+5) – 75 % ont étudié dans les grandes écoles françaises (seul l’un d’entre eux n’a pas fait d’études supérieures) –, avec une expérience dans la finance ou l’ingénierie (55 % ont une formation en finance). Les femmes sont quasi absentes (la loi Copé Zimmermann ne s’applique pas aux comex, ici). L'arrivée de Christel Heydemann à la tête d'Orange porte aujourd’hui à deux (5 %) le nombre de femmes à la tête d’une entreprise du CAC 40, avec Catherine MacGregor, chez Engie.
En ce début 2022, ils sont au total trois anciens consultants à être à la tête d’une entreprise du CAC 40. Et leurs profils sont plutôt singuliers. À l'instar de Christel Heydemann dont la nomination est doublement exceptionnelle pour cette fonction : une femme, jeune (47 ans). Mais avec un bagage de haute volée. Cette diplômée de Polytechnique (un réel atout pour devenir CEO de ces grandes entreprises), junior au BCG durant un an en 1997, a passé dix ans chez Nokia où elle a été promue EVP ressources humaines et transformation en 2011 avant de passer chez Schneider Electric entre 2014 et 2021, notamment en tant que senior EVP stratégie, alliances et développement, EVP opérations France et en 2021, EVP opérations Europe.
Autre profil atypique : l’Allemand Thomas Buberl, le DG d’Axa, qui fut également BCGer, passé par les bureaux de Zurich, Munich, et Chicago, un cabinet où il a atteint le stade de manager. Thomas Buberl n’est pas issu des écoles cibles d’ingénieurs des grands patrons du CAC 40. Il est diplômé de WHU, l’école de management allemande (master), de la Lancaster University (MBA) et de l’université de Saint-Gall (PhD risques du crédit). Après ses cinq années au BCG (de 2000 à 2005), il avait rejoint le secteur de l’assurance (Zurich Insurance Company et Axa).
Le cas Bernard Arnault
Enfin, reste l’emblématique PDG de LVMH, première entreprise française du CAC 40 avec une capitalisation boursière de 319 milliards d’euros, un pur produit de X, passé par le conseil en stratégie pour un stage de fin d’études chez McKinsey. Bernard Arnault aime cependant s’entourer de profils stratégie. Son comex est, en effet, le mieux garni en anciens du conseil, avec un taux de 33 % (cf. tableau ratios), et un goût prononcé pour les « ex-Mac » ; deux de ses trois collaborateurs, alumnis du conseil, sont eux aussi des anciens de ce cabinet. En dehors de sa fille, Delphine Arnault, DG de Louis Vuitton, Jean-Baptiste Voisin, le directeur de la stratégie, a été un associé de McKinsey en France. Philippe Schaus, le CEO de Moët Hennessy, a lui passé deux années au BCG Munich entre 1990 et 1992.
À noter aussi que chez Stellantis, groupe né en 2021 de la fusion du groupe PSA et de Fiat Chrysler Automobiles et qui entre au CAC 40, si le PDG Carlos Tavares n’est pas issu du conseil en stratégie, c'est le cas de trois de ses plus proches directeurs : la Global Corporate Officer Silvia Vernetti (Bain de 1992 à 2004), le CPO Emmanuel Delay (Booz & Company entre 1994 et 2002) et le Chief Software Officer, Yves Bonnefont (McKinsey de 2001 à 2012).
La séniorité n’est pas un gage…
L’une des autres caractéristiques notables de ces anciens du conseil promus dans les comex du CAC 40, c’est que la séniorité au sein des cabinets de conseil ne facilite pas forcément l’accession à ces postes de direction. Ils ne sont ainsi que quatre sur 26 alumnis du conseil en stratégie à avoir fait une longue carrière dans ce secteur et atteint le grade d’associé : Georges Desvaux, chez Axa (ex-McKinsey), Jean-Baptiste Voisin chez LVMH (ex-McKinsey), Paul de Leusse chez Orange (ex-Oliver Wyman/Bain & Company) et Yves Bonnefont chez Stellantis (ex-McKinsey).
Seulement 21 % dirigent la stratégie
Dans les directions dédiées, les ex-consultants ne sont pas majoritaires. En 2021, 19 des 40 plus grosses capitalisations boursières avaient des directeurs ou directrices de la stratégie au sein de leur comex. Parmi elles, seulement quatre ex-consultants ou consultantes et, point notable, des profils plutôt seniors dans le conseil en stratégie : Georges Desvaux, chez Axa depuis 2019 après avoir passé près de 31 ans chez McKinsey où il était senior partner, Jean-Baptiste Voisin chez LVMH après son départ de McKinsey en 2006 où il a passé dix ans (nommé partner en 2002), Gloria Glang chez Legrand (senior manager, leader Strategy Consulting de KPMG Allemagne entre 2008 et 2010). Wolf Kunisch, chez Worldline, est quant à lui un ancien project manager de Roland Berger, cabinet où il a débuté sa carrière entre 1996 et 2000.
Profils : ingénieurs et internationaux
Pour monter au sein des gouvernances du CAC 40 – et les anciens consultants ne dérogent pas à la règle –, il est plus que préférable d’avoir une formation initiale d’ingénieur. 15 des 26 personnes issues du conseil (57,6 %) sont des ingénieurs de formation, dont cinq d’entre eux sont des polytechniciens, la grande école préférée des entreprises du CAC 40. Les grandes écoles de commerce, HEC, EDHEC, ESSEC, ESCP n’ont, elles, produit que six dirigeants issus du conseil.
La carte internationale joue par ailleurs aujourd’hui à plein pour entrer dans l’élite des entreprises françaises. Ils sont huit – près d’un tiers – originaires d’Europe ou d’Asie à faire partie d’un comex du CAC 40, d’anciens consultants issus des bureaux internationaux des grands cabinets.
Le luxe, les services financiers, et la fintech : vivier d’anciens consultants
Ce club des 26 se retrouve avant tout dans les directions des grandes entreprises classiquement friandes de ces profils de consultants. LVMH, Axa et Worldline recherchent et savent attirer les experts en stratégie dans toutes les strates de leur hiérarchie (Manuel Reman, issu du BCG, vient d’être nommé à la tête de Krug/LVMH par un membre de son comex, lui aussi BCger, Philippe Schaus, ici).
LVMH est la première d’entre elles. Pas moins d’un tiers de son comex est composé d’anciens consultants. Vient ensuite Axa, avec plus de 20 %, puis Worldline – l’un des leaders mondiaux de la sécurisation des paiements et des transactions –, avec près de 17 %. Les secteurs du luxe, des services financiers et de la fintech confirment leur leadership en matière d’attractivité pour les alumnis du conseil, des secteurs particulièrement clefs pour le conseil en stratégie. À la différence des secteurs en difficulté, où les cabinets de conseil en stratégie sont très présents (notamment sur les missions de retournement, ici), tels que l’aéro ou l’automobile, ou des secteurs moins développés en Europe, comme les infrastructures (Vinci, Veolia), mais que les anciens consultants rechignent à rejoindre.
Et le grand gagnant est… McKinsey, toujours !
Parmi les cabinets d’origine des membres des comex du CAC 40, c’est bien McKinsey qui reste encore et toujours le grand pourvoyeur d’anciens stratèges. Un quart d’entre eux est passé par le géant américain du conseil en stratégie, avec un goût prononcé de LVMH pour ce cabinet, où trois des quatre anciens consultants du comex sont des ex-« Mac ».
Idem chez Axa, où le ratio est de deux sur trois, avec la particularité que le premier d’entre eux, Thomas Buberl, le PDG, est, lui, issu du BCG. Chez Worldline, en revanche, la balance penche du côté du Boston Consulting Group, deux des trois anciens consultants membres du comex y ont fait leurs classes. Le troisième des MBB, Bain, fait lui figure de parent pauvre. Seuls deux anciens Bainies sont présents dans les 26 : Paul de Leusse, DGA d’Orange, qui fut associé de Bain, après avoir passé près de neuf ans chez Oliver Wyman (1997-2006), et l’Italienne Silvia Vernetti, à la direction de Stellantis, qui a fait ses classes chez Bain Milan entre 1992 et 2004.
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